Rock et Folk N°625 – Septembre 2019

(Darren Dugan) #1

048 R&F SEPTEMBRE 2019


R&F : Les groupes jouent où dans l’Hexagone au début des
années 70? Il y a l’Olympia, le Bataclan?
Albert Koski :Il n’y a rien. Des petites salles à Paris, que j’ai utilisées,
j’ai fait jouer Fripp et Eno à l’Olympia, mais ce n’est pas ce qui
m’intéressait : je voulais créer un truc vraiment nouveau. Pour des foules
de 10 000 personnes ou plus, quelque chose d’impensable. Rien n’était
adapté, c’est sous l’impulsion de KCP que des endroits ont été aménagés,
je pouvais monter un spectacle n’importe où, là où j’obtenais une
autorisation. En observateur, je suis parti avec Mick et les Stones en
tournée en Bolivie. Ils jouaient dans des conditions catastrophiques,
j’ai beaucoup appris. Naturellement, plus tard, ce sera moi qui les
ferai tourner en France.


R&F : Le premier concert que vous organisez, c’est les
Temptations?
Albert Koski :Non, c’est Michael Jackson, au Brésil, parce que j’avais
épousé une brésilienne. Michael avait 14 ans. Et juste après, oui, les
Temptations : Berry Gordy n’y croyait pas, il me disait qu’en France
c’était juste impossible, et que si j’y arrivais, ensuite, il me filerait tout
Motown. Je demande à un ami, Adrien Sebbagh, de m’avancer 10 000
dollars, je lui cède un dessin de Hockney en garantie. Le concert salle
Pleyel est un tel succès, trois performances sont ajoutées : c’est le
lancement de KCP, en 1972.


R&F : Votre modèle, c’était Bill Graham, le grand manitou des
concerts américains?
Albert Koski :Sa sœur venait du même camp de concentration que
moi. On était tous les deux très colériques : on est devenus proches.
Il ne voulait pas travailler en France, trop bordélique, il m’a dit que
c’était à moi de tout organiser. Une tâche monumentale. Aujourd’hui,
on ne produit rien, tout est mâché, c’est un boulot de billetterie.
A l’époque, on vivait dans une sorte de semi-légalité, rien qu’au niveau
des normes de sécurité, je devais résoudre tous les problèmes. Le son,
les décors, la sécurité, combien de camions pour une tournée... J’ai commencé
seul, puis 12 employés, puis 25, et KCP a continué de grossir.

R&F : En 1974, vous faites aménager une des halles de la Villette
pour créer le Pavillon de Paris, 10 000 places. Durant six ans,
ce sera le lieu où vous ferez jouer James Brown, Lou Reed,
The Who, Marvin Gaye, Queen...
Albert Koski :Ils sont tous passés là, les plus gros groupes seventies.
Le Pavillon de Paris, c’était chez moi. J’ai commencé par y produire Alice
Cooper, tout de suite des emmerdes : la sécurité a voulu interdire le
concert, mais il y avait trop de monde, impossible d’annuler. Après, j’ai
fait Neil Young : le concert à peine terminé, on file au George V, où je
logeais les artistes. J’appelle mon directeur de production resté au Pavillon,
il me dit : “Ecoute le public !”Les gens hurlaient : “Neil Young,

“Les bandes venaient


pour se battre.


J’avais un important


service de sécurité,


quatre voitures avec


16 gorilles plus


80 mecs pour les billets”

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