Rock et Folk N°625 – Septembre 2019

(Darren Dugan) #1
SEPTEMBRE 2019 R&F 049

Neil Young, Neil Young !!”Je fais écouter à Neil : “Do you want to go
back ?”On était partis depuis une demi-heure, on a fait demi-tour pour
le rappel. C’était extraordinaire.


R&F : Beaucoup d’albums live célèbres ont été enregistrés au
Pavillon de Paris : Rolling Stones, AC/DC, Supertramp, Bob
Marley...
Albert Koski :Marley, il y avait le public contenu par des barrières
et, installés devant, assis, Pierre Richard et Victor Lanoux, à humer la
fumée des joints... Ce n’est pas moi qui les ai invités, tout ce qui était
VIP, je m’en foutais. Ce qui comptait, c’est que la salle soit bien, que le
public soit bien, avec un bon son, avec un prix des places le plus bas
possible, je ne travaillais que là-dessus, je mettais les mains dans le
cambouis. Je n’assistais pas aux concerts, j’allais partout, je marchais,
marchais, gérais tout, backstage, coulisses, je n’allais sur scène que pour
voir le public, repérer s’il y avait quelqu’un qui pourrait poser problème.


R&F : La France découvrait ses jeunes : le public des concerts.
Albert Koski :Je me rappelle au Palais des Sports, un concert des
frères Winter. C’était l’hiver, toutes les filles ont enlevé leur pull, d’un
seul coup tu découvrais leurs poitrines, sublimes. Les filles ont pris le
rock de façon extraordinaire, elles se sont libérées. Les hommes, ils ne
m’impressionnaient qu’à AC/DC : des mecs surexcités, une religion.


R&F : Ces concerts mettent aussi en lumière ce qu’on appelait
les loubards...
Albert Koski :Enorme, énorme. La musique était un prétexte, les
bandes venaient pour se battre, c’était très violent. J’avais un important
service de sécurité, quatre voitures avec 16 gorilles plus 80 mecs pour
les billets : là, respect, autrement je me faisais piétiner. Mais eux
aussi foutaient la merde. Une bande de Pigalle est venue me voir, avec
revolver sur la table : “Ton service de sécurité, ce sera nous.”J’ai refusé.
“Tu vas le regretter.”Les mecs, des tueurs. Mais j’avais fait les camps
de concentration, j’avais pas peur. Il y a eu un mort à un concert de
Peter Gabriel, que je n’organisais pas, mais j’ai accepté
de répondre à des étudiants qui réclamaient des
comptes. Ils estimaient que la musique, ça ne devait
pas se payer. Ils m’ont défoncé, n’empêche
que j’ai trouvé du boulot à deux d’entre eux.

R&F : C’était toujours très chaotique?
Albert Koski :De tous les côtés : public,
sécurité, autorités... Une fois, la police me
coupe l’électricité parce qu’il y avait trop
de vent. Il a fallu que j’appelle Giscard.
Quand il y a un problème, je résous, et
après, c’est souvent une soirée grandiose.
Pour Bowie, à Marseille, ses techniciens
me disent que ça va pas, le son n’est pas OK,
“We go”.Je leur dis qu’ils vont nulle part! 20 000
marseillais attendaient, déchaînés, on se serait
fait tuer si on annulait, malgré les 1500 CRS. C’était
pas une salle : plutôt une sorte de parc des expositions. Le
technicien anglais me dit : “Fuck you, we go”. Moi : “Fuck you, répète ?!”
La tension monte, le public lance des boulons, les CRS s’énervent, Bowie
se pointe, s’en va, son manager, Pat Gibbons, un grand copain à moi,
prend peur, et voilà un petit mec qui arrive et demande s’il peut aider.
Les anglais n’en voulaient pas, mais le gars a trouvé la solution en un
quart d’heure. Bowie revient, et c’était le plus grand concert de sa vie,
il en a souvent parlé.

R&F : Vous étiez proche de Bowie?
Albert Koski :Oui, je l’ai fait jouer plein de fois en France, mais pas
que, en Europe aussi. Je me rappelle d’un dîner avec lui, à l’Elysée-
Matignon, vers 1978, il y avait ma femme Danièle Thompson. Arrive
Iggy Pop, qui se met sur Danièle, il a immédiatement attaqué, il lui
touchait le cul et tout ça. Moi : “Hé ho ho! Qu’est-ce que tu fais, là ?”
Il continuait à lui prendre son cul, il me dit : “Mais ça m’excite !”, une
bagarre allait commencer, Bowie a stoppé tout ça...

R&F : Vous n’avez pas tissé des liens d’amitié avec tous les artistes?
Albert Koski :Ça, non. Il y en avait des cauchemardesques. Jeff Beck, il
pleuvait, il ne voulait pas jouer : KO! C’est-à-dire que je l’ai étalé, bam!
Il a annulé le concert, fallait rembourser. Le plus chiant : Ian Anderson de
Jethro Tull, une horreur. “Il y a une ligne blanche, si ça dépasse, j’arrête le
concert !”. Non mais qu’est-ce que tu racontes, qu’est-ce que je t’ai fait?

ALBERT KOSKI


“Le public lance


des boulons,


les CRS s’énervent,


Bowie se pointe”

Free download pdf