Rock et Folk N°625 – Septembre 2019

(Darren Dugan) #1

interprète l’hymne américain à la guitare électrique? Un gimmick,
sublime certes, mais tiré d’un concert laborieux où son groupe Gypsy
Sun & Rainbows était encore en rodage, donné devant une foule
clairsemée, le lundi matin du festival à 9 h 00, alors que 90% des
spectateurs étaient rentrés chez eux. Le film documentaire réalisé par
Michael Wadleigh a ainsi créé des superstars du rock par la joie du
montage. Faire partie du film associait l’artiste à l’événement de façon
indélébile. Sortir une prestation inoubliable faisait de vous une légende
vivante. La performance habitée de Joe Cocker, le groove latino explosif
de Santana sur “Soul Sacrifice”, le “Gimme an F! Gimme a U!
Gimme a C! Gimme a K !”de Country Joe McDonald, moments de
grâce éminemment télégéniques, ont nourri la psyché collective durant
des décennies. Il y a ceux qui y étaient, et les autres. Ceux qui ont raté
le train de Woodstock s’en sont mordus les doigts, tels Jeff Beck ou les
Doors, qui n’ont pas senti le truc. Et puis, il y a Creedence Clearwater
Revival : le groupe a été l’un des moteurs du festival et a livré un des
meilleurs concerts du samedi soir, mais a ensuite refusé d’apparaître
sur le documentaire et la compilation, passant ainsi à côté de l’événement,
totalement dissocié aux yeux du grand public. Ce n’est qu’il y a dix ans,
quand quelques titres ont été exhumés à l’occasion du quarantième
anniversaire, que la question a commencé à se poser : pourquoi ne
découvre-t-on ces merveilles qu’aujourd’hui?


Retour en arrière : en août 1969, Creedence Clearwater Revival est au
sommet de son art et de sa popularité. “Le meilleur groupe du monde après
les Beatles”, s’amuse souvent à dire John Fogerty. C’est indéniablement
la formation rock américaine la plus populaire du moment, qui vient de
sortir deux magnifiques albums et surtout trois singles qui lui ont fait
tutoyer les sommets des charts US : “Bad Moon Rising”, “Proud Mary”
et “Green River” (tous numéros 2, c’est la malédiction du groupe). En
cette fin d’été, Creedence est le groupe le plus bouillant, celui que les
promoteurs s’arrachent, et qui a déjà joué dans de nombreux festivals au
cours de l’été (Newport, Denver, Atlanta), tous en tête d’affiche. Une
légende raconte même que le quartette a été le premier nom majeur à
avoir accepté de jouer à Woodstock, ouvrant ainsi la voie aux autres artistes
et permettant au festival de se réaliser. Sans surprise, Creedence Clearwater
Revival a été placée en tête d’affiche, le samedi soir, avec l’horaire le plus
favorable, en milieu de soirée. Malgré ce statut, le groupe subit les mêmes
revirements de programmation provoqués par les intempéries et le manque
de préparation des organisateurs. Dans leur cas, les frères Fogerty ont
vu leur concert perturbé par les éléments... et Grateful Dead.
Après une première journée chaotique, durant laquelle l’organisation
s’est retrouvée totalement dépassée par les événements et obligeait les
groupes présents sur site à jouer plus longtemps (tel Richie Havens,
qui a joué trois heures), invitant même des musiciens de passage à boucher

CREEDENCE CLEARWATER REVIVAL A WOODSTOCK

Free download pdf