Rock et Folk N°625 – Septembre 2019

(Darren Dugan) #1

Militaria !L’élégance masculine doit beaucoup
aux militaires.Après tout, il convient qu’un soldat soit élégant
pour impressionner l’ennemi. Et faire rêver sur son passage.
Les tissus et coupes se doivent d’être de bonne facture. Et puis, surtout,
les hommes — enfin les vrais, les rêveurs — restent toute leur vie des
enfants. Qui rêvent, donc, de chevaliers en bottes et capes, de poignets
mousquetaires et de col officier. D’une vie qui soit, justement, un
peu plus qu’une vie. Une aventure. Comme dans Blek le Roc, tiens!
Le rock, évidemment, est par définition le royaume de Peter Pan et
du déguisement. Il y eut des précédents, les existentialistes aimaient
les chemises militaires et les vestes de treillis (comme Boris Vian).
Cela se trouvait pour trois fois rien dans les surplus américains et
les puces. Mais la frime rock a toujours flirté avec le chic guerrier.
Le rock est un combat, n’est-il pas? Et d’ailleurs, on ne le sait souvent
pas. Ces manteaux raglan, croisés, en gabardine bleue si à la mode chez
les minets, qu’on portait taille enfant, avec la ceinture en martingale?
Marine anglaise! Militaria! Comme les cabans, les crombies (le
manteau par excellence. Sinon, monsieur Crombie inventa le bleu pétrole
porté par les confédérés, qu’il habillait... ), les trench, Aquascutum,
jusqu’aux Zippo et lunettes aviateur. Et la chemise militaire constellée
de patches que porte si bien Pete Townshend? Bientôt — 1970 — elle
sera partout, inspirera Saint Laurent et les autres. Comme la saharienne
(Indes et Afrikakorps ). Quant aux beatniks, leurs treillis, pataugas
et bottes allemandes parlent d’eux-même. Tenues de baroudeurs.


Plus la jeunesse devient antimilitariste, plus le style
militaire se développe.Façon retour de Vietnam pour les
beatniks et premiers babas, panoplies d’uniformes pour les élégants.
Dès l’année 1967, le rock devient un théâtre absolu où l’on se réinvente.
Bottes de cheval, col Danton, jabot, capes, épaulettes, moustaches de
grognard... Ne manque que le cheval justement. Et encore, les Beatles,
toujours en 1967, n’hésiteront pas à monter de fiers équidés dans le clip
de “Penny Lane”. Clapton, Hendrix et le Sgt. Pepper mènent la danse
et le style. Keith Richards ose une veste d’officier nazi sur la pochette
de “Have You Seen Your Mother, Baby, Standing In The Shadow?”,
sans que personne ne s’en émeuve (et qu’il voudra porter à nouveau
au mariage de Mick et Bianca. Le chanteur le supplia de s’abstenir).
Cela fait, oui, moins de buzz que la sauvage photo de Brian Jones en
pure regaliaWaffen-SS, écrasant une poupée de son pied botté. C’était
une idée d’Anita, alors en pleine vague sataniste. Les Cream, déjà,
avaient choisi le flight jacketet la militaria, dès la rentrée 1966.
Tout cela se trouve aux puces de Notting Hill, bien sûr, ou chez les
antiquaires... mais surtout chez I Was Lord Kitchener’s Valet.
La veste de hussard de Jimi Hendrix, celles de Clapton.
L’enseigne deviendra carrément une chaîne avec ses succursales.
En France, on trouve tout cela aux puces, chez Delaveine, ou, donc,
au Carreau du Temple... Pussy Cat me bouleverse en apparaissant
chez Albert Raisner derrière une batterie, vêtue d’une merveilleuse veste
de la marine américaine, bouclée comme une Driscoll et déroulant son
impeccable “Ce N’Est Pas Une Vie”. Le militaire est alors si chic que

068 R&F SEPTEMBRE 2019


LA VIE EN ROCK FANTAISIES MILITAIRES

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