SEPTEMBRE 2019 R&F 069
Depuis, le punk rock a reculé,donnant naissance à quantité
de mouvements éclair. Ska, power pop, indus, jusqu’aux mal nommés
nouveaux romantiques! Tenpole Tudor, Spandau Ballet, Duran Duran,
Bow Wow Wow et Adam And The Ants. Adam Ant est un ancien punk
et adore les vestes de hussard, les tricornes, les diligences de cape
et d’épée. Il règne sur une armée de marquises, de gentils pirates,
de mignons à bilboquet, de combattants prétendument jacobites
et de guerriers en armure. Armures? Bien sûr, ses amis de
Tenpole Tudor oublient parfois, alors qu’ils arborent d’arthuriennes
et brinquebalantes répliques dignes de “Kaamelott”, d’enlever
leurs lunettes et montres à quartz. Mais Adam Ant lui-même n’est
pas longtemps pris au sérieux. Sa veste ne fait plus rêver grand monde.
Mais plus personne, au fond, ne fait encore rêver avec une veste à
brandebourgs. Même pas Michael Jackson (peut-être parce que la
sienne était une fausse, façon déguisement de farces et attrapes ?).
L’excès a fait son temps. Tout est là. C’est que, après tant de
Blitz Kids, c’est l’indigestion. Le grunge, austère, succède donc
à tout cela. Il sera l’alphabet du siècle qui arrive. Façon laine qui
suinte et look SDF. On en est toujours là, au fond. Le fond de la
classe, la discrétion, ne plus jouer... Même si, un temps, Doherty
avec ses Libertines, sembla crédible en veste de Royal Irish Guard.
Mais on devine l’obsession Move et Smoke, les pochettes
trop souvent reluquées : c’est de la citation.
Oui, on en est là. Il faut aller dans le metalpour
trouver de valeureux combattants, et encore. Mais, avec un peu de
chance, on peut encore trouver un trench d’armée française (ceux
que chérissaient les punks parisiens), un caban anglais, un manteau
d’armée russe, l’indispensable treillis ou une veste de la marine
américaine. Ce sont des classiques, désormais, bien coupés
et abordables. Des pièces de vestiaire. Mais rêver?
C’est une autre affaire. Qui a envie, encore, de jouer au petit soldat? ★
le général de Gaulle, recevant Brigitte Bardot, ne trouvera que ces mots :
“Oh le joli petit soldat !”Les soldats d’apparat, souvent, arborent une
redingote Régence velours prune, avec le col Danton. Comme cela se
vend chez Granny et Dandy Fashion. Avec des bottes chevalières, c’est
du dernier chic, comme les VIP’s au Palais des Sports. Tout cela fait sens.
Bientôt, le militantisme se développant, le style
devient guevariste :c’est l’élégance à la Lennon période
“Imagine”, l’influence, sans doute, des Black Panthers. Le kaki
est in, le kaki est partout et il envahit les boutiques mode. On lance
les ceintures cartouchières. Nathalie Delon en arbore. Comme
Gérard Palaprat, Yves Saint Laurent (encore !) ou Michel Sardou.
Dans “Taxi Driver”, De Niro arbore l’iconique veste M65. Même le
Johnny Hallyday de “Essayez” se sape pour la lutte, Gainsbourg est en
chemise à épaulettes. 1970 est guerilla chic. Tout cela se calme avec le
glam. Jusqu’au punk rock, évidemment. Clash, au Palais des Glaces,
semble réaliser le rêve humide de Jean-Jacques Schuhl dans “Rose
Poussière” : les Londoniens sont comme une armée en marche, avec
leurs slogans situationnistes au pochoir, leurs lourdes Dr Martens, leurs
pantalons zippés, leurs sahariennes détournées. Le punk rock est en
guerre. Même s’il ne sait peut-être que vaguement contre quoi et qui.
Mais c’est ce qui fait sa force, après une décennie de slogans contrits
et de rhétorique révolutionnaire. Son cri est libérateur, à la façon des
surréalistes. Et puis, il y a ceux qui rêvent de Seconde Guerre mondiale.
Chris Farlowe, par exemple, le shoutermod, s’était un temps reconverti
dans le négoce de souvenirs militaires. Breloques, médailles, guêtres
et insignes millésimés. Son meilleur client? Lemmy Kilmister,
évidemment. Lemmy qui doit tant aux Hell’s Angels et à leur
sulfureuse éthique. Lemmy, qui collectionne insignes et dagues nazies,
ne recule devant aucune casquette siglée d’une douteuse totenkopf.
Le metal, vu par Lemmy, flirte avec l’esthétique “Rêve De Fer”.
Mais, comme Ron Asheton ou Blue Öyster Cult, Lemmy est
avant tout un ancien hippie. Et un enfant de la guerre.
Plus la
jeunesse
devient
antimilitariste,
plus le style
militaire se
développe
Photos Archives Rock&Folk-DR