SEPTEMBRE 2019 R&F 077
The Teskey
Brothers
“Run Home Slow”
IVY LEAGUE/ UNIVERSAL
Pendant une dizaine d’années,
ces quatre musiciens de Melbourne
ont écumé bars, fêtes de campagne,
arrière-cours et pas mal d’autres lieux
dans lesquels l’apprentissage était
rude et la rémunération dérisoire.
A l’origine des Teskey Brothers,
les deux frères Teskey, Josh (chant
et guitare rythmique) et Sam
(lead guitare et chœurs) qui se sont
associés à deux voisins, Brendon
Love (basse et chœurs) et Liam Gough
(batterie). En découvrant les pochettes
de “Half Mile Harvest”, premier album
autoproduit (2017) et de “Run Home
Slow”, on pourrait s’attendre à un
bon vieux country rock en direct du
bush. Les apparences sont parfois
trompeuses. Dès l’intro de “Let Me
Let You Down”, une musique rock
et soul estampillée sixties, plus Stax
que Motown, attrape direct l’auditeur.
Pas de revivalisme, ni de décalque,
avant tout une voix, celle de Josh
Teskey, éraillée comme il faut,
puissante et expressive parfaitement
mise en valeur par une orchestration
et des arrangements utilisés avec
justesse et sobriété. Ainsi, les cordes
embellissent les morceaux les plus
pop (“So Caught Up”, “San Francisco”),
les cuivres les ballades à la Otis Redding
(“Rain”) ou les tempos plus rapides
façon Wilson Pickett ou Joe Cocker
première période (“Man Of The
Universe”, “Paint In My Heart”). Les
Teskey retrouvent les origines du
blues et de la soul avec “Hold Me”
(battements de pieds, claquements
de mains et voix) et un “Sunshine
Baby” tout droit sorti des brothelsde
la Nouvelle-Orléans des années 30.
“Run Home Slow” se termine sur
une touche country avec “That Bird”.
Rien de révolutionnaire, mais une
très bonne surprise. ✪✪✪
PHILIPPE THIEYRE
Sheryl Crow
“Threads”
VALORY
Constatant les nouvelles manières
de consommer la musique,Sheryl
Crow a déclaré que “Threads”
pourrait être son dernier album —
sans toutefois cesser de pratiquer
son art. C’est regrettable : associées,
les chansons forment un tout, une
œuvre à facettes, bien plus que quand
elles sont consommées séparément.
Après celui en public, “Live At The
Capitol Theatre” (2018), voici un
disque de duos, préparé depuis
plusieurs années. Chanteuse
convaincante, guitariste douée,
Sheryl Crow est tenue en haute
estime par ses pairs, d’où des invités
prestigieux. Même si la bien-pensance
n’est plus à la mode, la Californienne
interprète toujours des thèmes
positifs. Elle reprend “Redemption
Song” (Bob Marley) avec la voix de
Johnny Cash (ce qu’a déjà fait Joe
Strummer en 2003). Elle salue le
rocker mystique par excellence,
George Harrison, avec une version
de “Beware Of Darkness” (1970)
en compagnie du camarade Eric
Clapton (qui a souvent joué le morceau).
Dans la famille Nelson, elle demande
le fils, Lukas (“Cross Creek Road”)
et le père, Willie (“Lonely Alone”,
impeccable). Pour chaque morceau,
elle se condamne à une forme de
perfection en recevant des sommités,
Mavis Staple (“Live Wire”), Keith
Richards (“The Worst”, puisé dans
“Voodoo Lounge”). Emmylou Harris
(“Nobody’s Perfect”, affirmation
contredite par le mariage des deux
voix), Kris Kristofferson (“Border
Lord”)... Jason Isbell des Drive-By
Truckers participe au morceau le
plus dynamique, “Everything Is
Broken”. Enfin, l’actuel président,
traité de menteur, devrait se
sentir visé par “Wouldn’t Want
To Be Like You”. ✪✪✪✪
JEAN-WILLIAM THOURY