Rock et Folk N°625 – Septembre 2019

(Darren Dugan) #1

078 R&F SEPTEMBRE 2019


Laurence
Jones Band
“Laurence Jones Band”
TOP STOP MUSIC/ THE ORCHAD
Laurence Jones, l’homme de
Liverpool, passe pour un bluesman.
On le compare aux jeunes, plus ou
moins jeunes, virtuoses du blues
rock. Il ne sait plus où ranger les
nombreuses breloques que lui
décerne sans arrêt l’intelligentsia du
blues, British Blues Award, European
Blues Award... Mais ici, on ne sait pas
trop ce qu’on est en train d’écouter :
pop rock, heavy blues, soul rock
quelque chose, funky blues machin?
Sûrement un peu de tout ça, selon les
moments. En fait de blues clairement
identifié, il n’y a que l’intro de
“Mistreated” et “Beautiful Place”,
un shuffle acoustique coupé de
turnarounds, mais chanté avec
des accents mélodieux qui rendent

douteuse l’appellation blues. Ce qui
est sûr, c’est que la patte de Laurence
Jones porte la marque des années 70
et quelques résidus de pop hippie,
les épiphanies gospel des refrains par
exemple. Ce qui est sûr aussi, c’est
que Laurence Jones est un chanteur
de haut vol, ses flambées vocales
traversent les ciels d’orgue, les
chœurs stratosphériques, et plient
à son autorité tout ce mélange
stylistique. Même la reprise de
“Day Tripper” fait profil bas. C’est
aussi vrai que Laurence Jones est un
guitariste de haut vol, la wah-wah
impétueuse, le power chord sismique,
le poignet funky, et qu’il ne sort pas
ses musiciens d’un cours de yoga.
Quand les planètes sont alignées,
on ramasse des tirs de mitraille hard
pop, magistraux, comme “I’m Waiting”.
Hormis quelques recueillements en
soul sophistiquée, le sixième miracle
de notre homme Jones est un massif
gnon de joie. Car l’encore jeune
Laurence Jones (il a commencé tôt) a
l’air très content d’être de ce monde.
✪✪✪
CHRISTIAN CASONI

Robben Ford
& Bill Evans
“The Sun Room”
EARMUSIC
On pensait que Robben Ford en
avait fini avec le jazz.Ses derniers
albums n’en contenaient que des
traces résiduelles, mettant plutôt en
avant une écriture blues rock inspirée,
comme sur “A Day In Nashville”,
en 2014. Mais le guitariste y revient
aujourd’hui avec un comparse passé,
tout comme lui, dans les rangs du
groupe de Miles Davis au cours des
années 80, le saxophoniste Bill Evans
(aucun rapport avec son homonyme
pianiste, lequel avait aussi, il est
vrai, accompagné Davis, mais trois
décennies plus tôt). Au sortir d’une
tournée au Japon, Ford et Evans
s’enferment en studio à Nashville
et fignolent ces neuf titres aux
thèmes soignés, instrumentaux à
deux exceptions près (“Gold On My
Shoulder” et “Insomnia”). La virtuosité
allègre du premier, “Star Time”,
rappelle que Ford figurait parmi les
fines lames du jazz rock californien
de la fin des années 1970 avec
les Yellowjackets. Derrière, “Catch
A Ride” n’aurait pas déparé sur un
album Blue Note de la fin des sixties,
avec un solo de ténor d’Evans digne
de David FatheadNewman, suivi par
“Big Mama”, où Ford se sert de sa
guitare comme d’un orgue juteux
pour faire mousser la rythmique.

L’univers harmonique se fait plus
sombre sur “Strange Days”, la brume
recouvre la lande, d’étranges formes
la traversent, et la guitare crunchy,
tout en contrôle, serpente au
milieu. De lumineux tableaux soul se
succèdent sur “Pixies”, avant que
“Bottle Opener” ne change à nouveau
le paysage, avec une longue ruade
funky. Tout ça paraît sur un petit label
et ne devrait pas générer un buzz
exceptionnel. Ici, deux musiciens qui
dévident des décennies d’expérience
lors de quelques après-midi en studio.
Ce qui mérite écoute. ✪✪✪
BERTRAND BOUARD

classic rock

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