SEPTEMBRE 2019 R&F 079MNNQNS
“Body Negative”
FATCAT
Les groupes de rock français sont
tous nazes.Ou presque. Surtout
ceux qui croient chanter en anglais,
généralement des textes qui ne
veulent rien dire avec un accent
du terroir hilarant. Bien sûr, il y a
quelques exceptions. Les Gry-Grys,
Les Lullies. Et MNNQNS. Ce nom!
Mannequins sans les voyelles :
quand le suicide marketing confine
au génie... On les suivait depuis
un certain temps, au fil d’EP qui
accrochaient l’oreille. On sentait
qu’ils étaient doués, qu’ils avaient
ce fameux truc en plus, si rare. Mais
là, c’est le saut quantique. Cet album
est formidable. La musique? 1979
toute. La dernière grande année
du rock. Disons, la dernière fois que
le rock a inventé quelque chose.
En gros : Television, Joy Division,
Buzzcocks et surtout, XTC, les grands
oubliés de l’histoire (avant la prochaine
révision). A fond et sans complexes.
Pourquoi en auraient-ils? Ils n’étaient
même pas nés à la sortie de “Drums
And Wires”, et pourtant un titre comme
“(Down To The) Wire” sonne comme
une chute de cet album fondateur.
Et ça n’est pas un problème, parce
que si les MNNQNS recyclent, comme
tout le monde, ils le font avec talent.
Ils ont tout ce qu’il faut : l’énergie,
l’inspiration, la classe, voire une
certaine morgue dans la façon de
balancer le truc. Rien qu’en écoutant
ces guitares anguleuses, ce chant
assuré, cette reverb parfaite, on devine
qu’ils ont un bon look et qu’ils assurent
sur scène. Evidemment, la concurrence
est tellement faible qu’on entend
déjà un peu partout le qualificatif de
sauveurs du rock français. Ridicule.
Il n’y a rien à sauver. Enfin si,
en l’occurrence, leur peau.
Pour ça, une seule solution : la fuite.
L’international, direct.
✪✪✪✪
STAN CUESTA
Roseaux
“Roseaux 2”
TOT OU TARD
Roseaux est un trio de concepteurs
réunissant un ex-programmateur de
Radio Nova par ailleurs producteur de
disques, un violoncelliste-réalisateur et
un directeur musical. Après s’être fait
remarquer avec un album inspiré
de reprises décaléesen 2013, les
trois ont décidé de poursuivre leur
collaboration en concoctant comme
des orfèvres ce nouvel album dont
ils sont majoritairement auteur-
compositeurs. Ils ont creusé leur sillon
vers ce qui les réunit : la passion pour
une soul jazzy et ouverte à d’autres
influences telles que la musique
africaine et brésilienne. Cela donne des
télescopages transculturels savoureux,
avec le choix d’un relatif dépouillement
instrumental où vents, piano, guitare
et violoncelle œuvrent dans la retenue
pour mieux mettre en valeur les
différentes voix. Car il s’agit pour eux
de privilégier les chansons et le chant,
en recourant à divers intervenants en
fonction de l’optique des morceaux, et
le mix remarquable de Renaud Letang
n’est pas sans évoquer celui qu’il
avait conçu pour le “Clandestino” de
Manu Chao. On peut ainsi savourer
le charme de ce feu d’artifice vocal,
dont certaines réussites ressortent
avec une intensité particulière quand
la performance vocale s’appuie sur
une mélodie addictive : “Kaät”,aubade brésilienne sur un rythme
de samba avec le Camerounais Blick
Bassy, “Island”, mid tempo swing
avec Ben L’Oncle Soul, “I Should
Have Known”, ballade délicate dans
laquelle la Franco-Québécoise Anna
Majidson est accompagnée de cordes
classiques, ou “Heart & Soul”, nouvelle
version tout en sobriété d’une mélodie
bouleversante du Suédois Olle Nyman.
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H.M.Disques français