SEPTEMBRE 2019 R&F 081
Lullabies For
Catatonics
“A JOURNEY THROUGH THE BRITISH
AVANT-POP/ART SCENE 1967-1974 ”
Grape Fruit (Import Gibert Joseph)
Précisément dix ans avant l’explosion
punk, une autre révolution dynamita
la scène musicale britannique. Elle
se produisit dans les mêmes conditions
chronologiques mais eut l’effet
contraire : au lieu de resserrer
les boulons, elle ouvrit toutes les
vannes. Le psychédélisme, apparu
avec “Tomorrow Never Knows” et
“Rain” des Beatles, libéra les esprits
et sortit la pop d’un carcan qui devenait
un peu trop étriqué : que faire après
les merveilles mélodiques des Beatles,
Stones, Kinks et autres Who (sans
parler, de l’autre côté de l’Atlantique,
des mirages signés Brian Wilson)?
Sortir du format pop et se diriger vers
des contrées plus aventureuses, cet
underground, qui semblait alors offrir
des possibilités infinies. C’est l’objet
de ce coffret de trois CD qui montre
l’évolution d’une certaine musique
anglaise, entre 1967 et 1974.
Psychédélisme, compositions soit plus
élaborées, soit, au contraire, dilatées,
explosées... C’est une idée intéressante,
d’autant qu’à l’exception d’un titre de
Genesis, un de Barclay James Harvest
et un autre de Yes, les compilateurs
ont eu le bon goût de ne pas se vautrer
dans le rock progressif. En lieu et place
de quoi, nous avons droit à Soft
Machine, The End (produit par Bill
Wyman), Dantalian’s Chariot (avec
à la guitare, le futur policierAndy
Summers), les Zombies, Third Ear
Band, The Crazy World Of Arthur
Brown, Giles, Giles & Fripp, Procol
Harum, et même une version très
jazz de “I’m Waiting For The Man”
du Velvet Underground, chantée par
un jeune David Bowie avec The Riot
Squad pour le premier CD montrant
les débuts de l’avant-garde. Sur le
deuxième arrivent les Pretty Things
(“Parachute”), Nirvana, premier du
nom, Curved Air (pour un titre
modestement intitulé “Vivaldi”...)
mais aussi beaucoup de choses
méconnues comme Samurai, Fuchsia,
Spring, Cressida ou Mighty Baby (pour
un intéressant “Egyptian Tomb”). Enfin,
sur le troisième débarquent Matching
Mole, Renaissance, et un certain retour
à la pop avec 10cc, Mick Ronson ou
Be-Bop Deluxe. Ce qui avait commencé
bardé de louables intentions devrait finir
dans les atrocités grandiloquentes du
pire rock britannique des seventies
(heureusement absentes de ce coffret
même si on a droit à des groupes
baptisés Gnome Sweet Gnome
ou Gnidrolog...), qui finiront par
engendrer, par réaction, le séisme
punk évoqué plus haut. CQFD.
The Human Instinct
“THE HUMAN INSTINCT
& THE FOUR FOURS 1963-1968”
RPM (Import Gibert Joseph)
Mignonne découverte chez RPM
avec les enregistrements sixties
de ce groupe néo-zélandais d’abord
intitulé les Four Fours de 1963 à 1966,
puis Human Instinct de 1966 à 1968.
Il s’agit de pop assez orchestrée
(flûte, piano bastringue), étonnamment
bien enregistrée lorsqu’on connaît
les groupes kiwis de l’époque.
La raison est simple : en 1966, le
groupe s’installa à la Mecque musicale
du moment, Londres, où il fut signé
chez Mercury puis chez Deram.
Human Instinct était plus intéressant
que les Four Fours, comme le montrent
de belles reprises de “Renaissance Fair”
des Byrds et les bonnes compositions
pop de Dave Harstone, mélodiques et
assez anachroniques (voir “Pink Dawn”,
sorti en 1968, mais qui sonne comme
si elle datait de 1966), flirtant très
timidement avec le psychédélisme.
Une charmante curiosité pour les
obsédés de cette décennie.
Lee Moses
“HOW MUCH LONGER MUST I WAIT?
SINGLES & RARITIES 1965-1972”
Future Days (Import Gibert Joseph)
Ceux qui ont failli s’évanouir en
écoutant “Time And Place”, album
de Lee Moses paru en 1971 et
parfaitement réédité par Light In
The Attic, feraient bien d’investir
quelques deniers dans cette
compilation de singles et de raretés
majoritairement gravées durant
la seconde moitié des sixties. Ce
chanteur exceptionnel donne le
meilleur de lui-même et sort ses
tripes sur des beautés intitulées “My
Adorable One”, “Diana”, “I Can’t Take
No Chances” ou “You Are Too Much
For The Human Heart” (ça, c’est
du titre), ainsi que des lectures très
inspirées de classiques deep soul
comme “Pouring Water On A Drowning
Man” ou “Dark End Of The Street”.
Ces titres, initialement sortis sur les
microlabels Musicor et Dynamo, ne
sont pas le paradis des audiophiles :
tout cela sent le repiquage vinyle
moyennement réalisé, mais les
performances sont époustouflantes.
PAR NICOLAS UNGEMUTH
Rééditions
Flirtant très timidement avec le psychédélisme