Le Film Français - 30.08.2019

(Martin Jones) #1

16 RENCONTRE


N° 3873 du 30 août 2019

OLIVIER


DELBOSC


Entre le tournage du nouveau film de Xavier Giannoli,


Comédie humaine d’après Balzac, plusieurs longs métrages


en cours et une première série à venir,


Olivier Delbosc, à la tête de Curiosa Films avec son associé


Émilien Bignon, évoque les diffi cultés croissantes d’un producteur


indépendant et comment il y fait face. ■ SARAH DROUHAUD


◗ Vous tournez Comédie humaine,
votre troisième film avec Xavier
Giannoli, après Marguerite
et L’apparition. Comment
vous êtes-vous lancé dans
cette adaptation de Balzac?
J’ai rencontré Xavier sur Marguerite.
À l’époque, le seul moyen pour que le film
puisse voir le jour avait été de le tourner
en République tchèque, le crédit d’impôt
français n’ayant pas encore été revalorisé.
Xavier porte ce projet d’adapter Les illusions
perdues depuis 30 ans, depuis qu’il a voulu
faire du cinéma. Grand connaisseur de
Balzac et de La Comédie humaine, il a tou-
jours voulu adapter cet épisode : Rubempré,
jeune poète rêvant de devenir écrivain, quitte
Angoulême pour les lumières de Paris. Nous
nous sommes forcément posé la question du
coût dès l’écriture, vu qu’il s’agit d’un film
en costumes, se déroulant au XIXe siècle. Et
nous avons fait le choix artistique et poli-
tique fort, avec Xavier ainsi que Gaumont,
de localiser le tournage à Paris et sa région,
et quelques jours à Compiègne. Du coup,
nous avons d’abord interrogé la région Île-
de-France qui, après L’apparition, a décidé
de soutenir aussi Comédie humaine.

◗ Comment s’est faite
la rencontre avec Gaumont?
Nous nous étions manqués sur Marguerite.
Sidonie Dumas (Dg de Gaumont, Ndlr) l’a vu
et l’a adoré. Suite à cela, nous avons entamé
les premières discussions sur ce nouveau
projet. Nous avons signé une convention
de codéveloppement, qui s’est transformée
en coproduction déléguée, en complément
des mandats. Avant le tournage, j’ai fait des
cauchemars de calèches, de chevaux, de
figurants, de décors! Car ce n’est pas facile
de faire entrer du 38 dans une chaussure de
taille 32! Et Xavier est exigeant – à juste titre :
il voulait dès le début tourner dans des lieux
qui n’avaient pas encore été filmés.

◗ Quels en sont le casting et le budget?
Rubempré est joué par Benjamin Voisin,
jeune comédien très talentueux que l’on
verra dans le prochain film de François
Ozon. Le reste du casting est composé
notamment de Gérard Depardieu, Vincent
Lacoste, Jeanne Balibar, Cécile de France,
Xavier Dolan – son premier rôle en France –,
André Marcon, Jean-François Stévenin,
Louis-Do de Lencquesaing... Le tournage a
commencé le 16 juillet et se poursuit jusqu’à

fin octobre. Comédie humaine est une pro-
duction de 18,7 M€, avec pour partenaires,
outre Gaumont et l’Île-de-France, Canal+ et
Ciné+, France 3 (deux passages) et les Hauts-
de-France. Mais un film de cette envergure
porté par un indépendant, même avec le sou-
tien massif de Gaumont, va devenir de plus
en plus difficile à produire en France.

◗ Justement, vous évoquiez votre prise
de risques financiers de plus en plus
importante dans un entretien, il y a
deux ans et demi. Qu’en est-il ici?
Curiosa prend des risques sur tous ses films
aujourd’hui, c’est le seul moyen pour qu’ils
existent. Car mettre en participation le salaire
producteur et les frais généraux – pourtant
nécessaires pour faire vivre la structure – ne
suffit plus. Il faut aussi financer en fonds
propres nos gaps (comme c’est le cas sur
Comédie humaine), en espérant que les résul-
tats d’exploitation les combleront.

◗ Vous n’avez pourtant pas ralenti
votre rythme, avec six titres
en production en 2019...
Nous avons démarré l’année avec Le quai de
Ouistreham, interprété par Juliette Binoche,
qu’Emmanuel Carrère a adapté du récit de
Florence Aubenas (Éditions Retrouvées, Ndlr).
J’en suis très fier. Il est en postproduction,
Mars le distribuera en 2020. En codélégué
avec CinéFrance Studios (David Gauquié), il
est coproduit par France 3 Cinéma, distribué à
l’international par FTD, soutenu par la région
Normandie et préacheté par OCS et Canal+,
pour un budget de 5 M€. Jean-Pierre Améris
vient de tourner Profession du père, d’après
le roman de Sorj Chalandon (éd. Hachette,
Ndlr), avec Jules Lefebvre, garçon de dix ans,

et le couple inédit Benoît Poelvoorde-Audrey
Dana. Le budget de 3,3 M€ est financé par
Canal+ et Ciné+, Ad Vitam, FTD, France 
Cinéma, Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma
et Belga Films. Puis, le 19 août, a débuté
Hommes au bord de la crise de nerfs d’Audrey
Dana, qu’elle a coécrit avec Claire Barré. C’est
le pendant masculin de Sous les jupes des
filles, avec Thierry Lhermitte, Ramzy Bedia,
François-Xavier Demaison, Laurent Stoc-
ker (de la Comédie-Française, Ndlr), Pascal
Demolon, Michael Gregorio, Marina Hands
et le jeune Maxime Baissette. Une production
de 5,6 M€, en coproduction avec Marvelous
Productions, France 2 Cinéma et Auvergne-
Rhône-Alpes Cinéma, distribué par Warner,
à l’international par FTD, et préacheté par
Canal+ et Ciné+. Et le 9 septembre démar-
rera, en coproduction déléguée avec Ouille
Productions, la société de Christian Clavier,
Do you Do you Saint-Tropez réalisé par Nico-
las Benamou, que Christian a rencontré
sur Babysitting  2. Le scénario, coécrit par
Christian Clavier, Jean-Marie Poiré et Jean-
François Halin, suit les tribulations dans
les années 1970 d’un inspecteur gaffeur et
incompétent (Christian Clavier) envoyé par
Gérard Depardieu, préfet de Police, à Saint-
Tropez dans la villa d’un milliardaire (Benoît
Poelvoorde) et sa femme (Virginie Hocq) qui
reçoivent le gratin de l’époque mais doivent
faire face à des menaces de mort... Une
comédie policière dans l’esprit de The Party
ou La panthère rose de Blake Edwards. Rossy
de Palma, Jérôme Commandeur, Nicolas
Briançon, Thierry Lhermitte et Vincent Desa-
gnat sont aussi au casting. Cette production
de 13,5 M€ a comme partenaires Studiocanal,
France 2 Cinéma (deux passages), Canal+,
Ciné+ et Umedia. Après Qu’est-ce qu’on a fait
au Bon Dieu? qui a été un grand succès en
Allemagne, où Christian est devenu une star,
nous avons aussi prévendu le projet en direct
à Tele München Group.

◗ Comment se passe votre
collaboration avec Christian Clavier?
C’est la première fois que je coproduis en
délégué un film avec son interprète principal
et son coauteur. J’apprends beaucoup à ses
côtés, c’est un vrai producteur dans l’âme
et il connaît parfaitement les rouages de la
comédie. Il a déjà coproduit Les visiteurs et
plusieurs titres de la bande du Splendid.
Pour lui, aujourd’hui, une comédie doit
avoir une écriture totalement originale et
être stylisée. Ainsi, elle vieillit mieux dans

les catalogues et se vend mieux à l’interna-
tional. Avec Do you Do you..., nous aime-
rions construire une franchise. Face au duo
Christian Clavier–Jean-Marie Poiré, la greffe
avec Jean-François Halin a pris immédia-
tement grâce à l’admiration qu’il avait pour
eux. Ils avaient eux aussi beaucoup d’estime
pour son travail sur OSS 117.

◗ Vous faites plus de coproductions
déléguées, pourquoi?
J’avais pris goût au travail à deux avec
Marc Missonnier. Depuis notre séparation,
j’essaie de retrouver ce type de collabora-
tion artistique film par film. Pour clore 2019,
j’attaquerai ainsi en fin d’année l’adaptation
du best-seller En attendant Bojangles (éd.
Finitude, Ndlr), en codéléguée avec Jean-
Pierre Guérin (JPG Films). Régis Roinsard
nous a fait découvrir le livre en même temps.
Nous avons préféré unir nos forces pour faire
une proposition artistique et économique à
l’éditeur. Ça fonctionne de cette manière
aujourd’hui pour des livres très demandés.
Ça s’est aussi passé ainsi pour l’ouvrage de
Florence Aubenas. Le marché de l’édition est
très riche, mais pour accéder aux œuvres les
plus fortes, il faut pouvoir lire les épreuves
avant la sortie, puis se positionner très vite
avec déjà une idée de metteur en scène et de
scénariste. Alors, on peut faire une proposi-
tion à l’éditeur et entrer en compétition avec
les autres producteurs. Voire avec des acteurs
ayant une certaine notoriété et qui, via leur
société, aidés par leur agent, se positionnent
sur les acquisitions sans metteur en scène ni
producteur. Ce type d’adaptations est inté-
ressant puisque cela signifie un socle de
notoriété important. Et pour le scénariste et le
metteur en scène, elles offrent tout de suite un
univers posé, testé auprès d’un large public,
et des personnages tellement bien campés
qu’ils vont intéresser de grands acteurs. Mais
adapter n’est pas facile. Tout n’est pas adap-
table, sans compter le risque de décevoir les
lecteurs. Une grande partie de mon temps
est de plus en plus consacrée à la lecture et
la recherche d’œuvres préexistantes. Je le
faisais déjà mais ça s’amplifie : quatre titres
sur six de mon line-up cette année sont des
adaptations. Romain Compingt signe celle
d’En attendant Bojangles avec Régis Roin- © MANO

producteur


URIOSA PREND C


DES RISQUES SUR


TOUS SES FILMS


AUJOURD’HUI, C’EST


LE SEUL MOYEN POUR


QU ’ I L S E X I S T E N T.

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