Courrier International - 29.08.2019

(Brent) #1

  1. À LA UNE Courrier international — no 1504 du 29 août au 4 septembre 2019


—The Australian (e x t r a i t s) S y d n e y

A


minuit le 1er juillet 1997, après cent cin-
quante-six ans de tutelle britannique,
Hong Kong est revenu dans le giron de la
Chine. Selon les termes de la rétroces-
sion, Hong Kong devait rester une région
administrative semi-autonome au statut
spécial pendant cinquante ans, avec un gouver-
nement démocratique et un système économique
différent du continent. Vingt-deux ans plus tard,
Pékin a montré qu’il en avait assez.
La formule “Une Chine, deux systèmes” était
une concession pragmatique à l’époque, mais
des principes de démocratie font désordre au
sein d’un régime communiste. “Une Chine,
un système”, voilà qui est plus efficace.
Pour parvenir à cette formule, Pékin s’est
assuré que les partisans de la démocratie soient
exclus du Conseil législatif de Hong Kong.
Dans une opération coup de poing
contre la liberté d’expression,
Pékin a fait enlever cinq
libraires de Hong Kong ainsi
qu’un milliardaire, jugés trop
critiques à l’égard des diri-
geants chinois.
Quant au projet de loi
d’extradition contro-
versé, qui abat les
garde-fous juridiques
protégeant Hong Kong
de la Chine, s’il s’agit en
apparence d’une initia-
tive de Hong Kong, il porte
la marque de Pékin. La jour-
naliste Louisa Lim, dans
un livre sur Tian’anmen,
écrivait en 2015 : “Dans ce
pays qui a toujours valo-
risé son histoire et qui
s’en est souvent servi
pour éclairer l’avenir,
la volonté du Parti
communiste chinois
d’effacer son his-
toire récente et de la
remplacer par des chimères
nationalistes a créé un vide
dangereux au cœur de la
Chine actuelle.”

POUR PÉKIN, UNE ANOMALIE


DE L'HISTOIRE


Pour satisfaire au nationalisme chinois, la semi-autonomie de Hong
Kong, comme l’indépendance de fait de Taïwan, doit bientôt
disparaître, a décrété Xi Jinping.

remarquer ironiquement que, face à un pouvoir
dictatorial, les échecs à répétition des mouve-
ments sociaux sont tout à fait normaux ; si ce
n’était pas le cas, la démocratie serait depuis
longtemps en vigueur. Mais, pour lui, si le
gouvernement persiste à refuser de prendre
en compte la volonté populaire, on peut pré-
voir la multiplication des formes extrêmes de
protestation à l’avenir. “En 2014, l’occupation de
Harcourt Road a été un grand événement, alors
que maintenant on la juge insignifiante !” Selon
lui, des actes considérés comme marquant une
escalade tels que l’occupation de rues et l’in-
trusion dans le LegCo [le 1er juillet] risquent
de devenir des pratiques courantes : “La pre-
mière fois en amène toujours une deuxième !”


Deux périodes. Si l’on observe l’ensemble
des “violents remous de juin”, on constate que
les protestataires ont appelé à plusieurs reprises
à “ne pas se diviser, ne pas se dénoncer, ne pas se
désolidariser”. Chaque fois, on a eu l’impression
d’assister à un match de foot avec une première
mi-temps dominée par les “pacifistes raisonnables
et non violents” bénéficiant du soutien de l’opi-
nion publique dont ils expriment les revendica-
tions, et une seconde mi-temps où les “audacieux”
passent à l’attaque en encerclant des édifices
gouvernementaux ou en veillant toute la nuit.
“Or les deux clans donnaient auparavant l’im-
pression de s’opposer, mais maintenant ils agissent
de concert”, explique Gary Tang. La pérennité
du combat des “audacieux” va dépendre de leur
capacité à obtenir le soutien et l’adhésion de la
population. Un indicateur important pour le
savoir est le nombre de personnes présentes
dans les défilés. Si les manifestants font l’objet
d’une réprobation générale, ils pourraient spon-
tanément se remettre en question.
D’un autre côté, si le gouvernement ne cherche
pas à réparer les fractures et ne reconnaît pas
ses fautes, en réformant notamment l’IPCC
[Independent Police Complaints Council, la
commission indépendante d’examen des plaintes
concernant des policiers], “je ne serais pas sur-
pris de voir de nouvelles formes extrêmes de
protestation apparaître”, dit l’universitaire.
—Cheng Wan-fung
Publié le 2 août


SOURCE

SHUNPO MONTHLY (HONG KONG
ECONOMIC JOURNAL MONTHLY)
Hong Kong, Chine
Mensuel
monthly.hkej.com/monthly/
Publié depuis 1977, le mensuel
du Shunpo (Hong Kong Economic
Journal) offre de longs reportages
et des enquêtes de qualité sur des sujets
surtout économiques, mais aussi
politiques, culturels et de société.
Il écrit principalement sur Hong Kong
et la Chine, mais aussi sur toute la région.


Destinée à fédérer le pays autour de croyances
communes, cette histoire “officielle” justifie éga-
lement les revendications territoriales sur l’en-
semble de la mer de Chine méridionale. Quant
aux territoires de Hong Kong et Taïwan, ils sont
considérés comme des anomalies flagrantes aux-
quelles il faut remédier. Le président chinois
Xi Jinping considère en effet la réunification avec
Taïwan [séparée de fait de la Chine depuis 1949]
comme “un devoir sacré pour tous les Chinois” qui
“ne peut être transmis de génération en génération”.
Plutôt que de relancer la croissance économique,
Xi veut surtout renforcer son emprise sur le pou-
voir. L’économie chinoise représente un énorme
défi. Les fruits les plus faciles à attraper ont déjà
été récoltés, et avec un revenu par tête qui repré-
sente un cinquième de celui de l’Australie, faire
accéder la Chine au statut d’une économie déve-
loppée sera difficile.

Rêve chinois. Mais Xi ne montre aucune vel-
léité à changer son idéologie ou ses objectifs
fondamentaux. Et son refus de partager le pou-
voir reste catégorique. Il est, et demeure, le
seul maître à bord et a fait sienne la formule de
Lénine : “D’abord sonder avec les baïonnettes : si c’est
mou, insistez, si ça résiste, sondez ailleurs.” Avant
Trump, il n’avait rencontré aucune résistance. Et
il peut sans doute supporter patiemment Trump
en attendant qu’en 2020 un démocrate sans subs-
tance se retrouve à la Maison-Blanche.
Mais quid du peuple chinois, qui voit les inéga-
lités se creuser et le miracle économique s’éva-
nouir sous ses yeux? Pour Xi, son succès doit se
mesurer à l’aune de la satisfaction du peuple plutôt
qu'à celle de la croissance économique. Car il doit
garder sa confiance, et Hong Kong et la réunifi-
cation de Taïwan pourraient servir cet objectif.
La question de Hong Kong est tout sauf réglée.
Soumettre ces Cantonais frondeurs est une
ambition de longue date de Pékin. Mais rame-
ner Taïwan dans le giron de la Chine ne pourra
se faire que par la force. C’est le “rêve chinois”
de Xi, et 2022, date du XXe congrès du Parti
communiste chinois, sans doute sa date butoir.
Malheureusement pour les courageux manifes-
tants hongkongais, qui jouent leur va-tout pour
conserver un semblant de liberté, cette noble
mission paraît irrémédiablement vouée à l’échec.
—Maurice Newman
Publié le 26 août


  1. Quel est le contexte politique?
    SOLIDARITÉ
    La solidarité des
    Taïwanais envers
    le combat pour la
    démocratie des
    Hongkongais s’exprime
    de plus en plus
    largement, souligne un
    chercheur sur le site
    Hong Kong Free
    Press. Des rencontres
    entre dirigeants
    politiques des deux
    entités s’organisent, et
    la population
    taïwanaise multiplie
    les démonstrations de
    soutien dans les lieux
    publics.


Région

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