Courrier International - 29.08.2019

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Société. PMA,


oui mais...


D’après les sondages, une majorité de Français est
favorable à l’accès à la procréation médicalement
assistée pour toutes les femmes. Mais des failles
culturelles divisent toujours le pays, souligne
Die Welt. Le projet de loi doit être examiné
au Parlement en septembre.

—Die Welt Berlin

P


endant sa campagne, Emmanuel
Macron avait, dans des discours
enfl ammés, ignoré nombre d’inter-
dits et ainsi violé certains tabous français.
Il y a cependant un sujet qu’il évitait tou-
jours quand il plaidait pour le renouveau
de la France : la procréation médicalement
assistée (PMA) pour toutes les
femmes. Le souvenir des mois de
manifestations contre le mariage
pour tous était encore trop présent.
Le programme du mouvement
En marche comportait cepen-
dant une phrase qui ne laissait
pas de place au doute : “Nous
sommes favorables à l’ouverture de la pro-
création médicalement assistée (PMA) pour
les femmes seules et les couples de femmes.”
C’est de cette révolution sociale qu’il
s’agit maintenant. On est en train de voir
se concrétiser une conception élargie de
la famille, qui prend en compte les réali-
tés. Il s’agit plus précisément de familles
sans père, et d’enfants sur ordonnance.
Jusqu’à présent, les femmes seules et
les lesbiennes ne pouvaient bénéfi cier
d’une aide fi nancière pour la PMA. Seuls
les couples stériles, mariés ou non, qui
vivaient ensemble depuis deux ans avaient

déjà le cas en Allemagne depuis quelques
années, et les caisses d’assurance-maladie
prennent en charge environ la moitié des
frais, mais uniquement pour les couples
mariés et sur prescription médicale.
Cette loi arrive un poil trop tard pour
Amandine et Lauren Giraud. Peu après
leur mariage en 2016, elles se sont rendues
dans une clinique spécialisée en Espagne.
Aujourd’hui, elles sont mères de jumeaux de
18 mois qui ont été conçus grâce à un don
de sperme anonyme. Amandine a fourni
les ovules et Lauren a porté les enfants.
“Nous sommes une famille tout à fait nor-
male”, déclare celle-ci. Les deux garçons et
leurs mères habitent un petit appartement
dans une cité de Vitrolles, une petite ville
qui se trouve à une demi-heure de voiture
de Marseille. “Nous avons même fait bap-
tiser nos fi ls à l’église, par le curé”, précise
Amandine, pendant que le petit Léandre
vide les placards de la cuisine et répand le
sucre par terre.
Amandine, 33 ans, est policière à Marseille.
Un travail dur. Elle est brune et a les yeux

droit à la prise en charge de ce traitement,
et ce depuis 1994.
Macron entend mettre fi n à cette dis-
crimination. Il a déclaré dans un entre-
tien accordé au quotidien catholique La
Croix qu’il entendait garantir à “toutes les
femmes” l’accès à cette “prestation médi-
cale”. Les adversaires de cette ouverture
craignent une marchandisation du corps.
“Ça mène directement au transhu-
mani sme”, déplore Ludovine de La
Rochère, porte-parole de La Manif
pour tous, ces catholiques fonda-
mentalistes qui voudraient égale-
ment interdire le don de sperme
aux couples stériles.
“Avec ça, on arrive à l’enfant sur
commande, déplore de son côté la philo-
sophe Sylviane Agacinski, la femme de
l’ancien Premier ministre Lionel Jospin.
Ce ne sont pas seulement les souhaits et les
désirs des adultes qui sont en jeu.”
Conscient de cette opposition, le prési-
dent a fait plancher pendant deux ans un
comité d’éthique sur la question. La ministre
de la Santé a fi ni par présenter un projet de
loi sur la bioéthique en juillet. Les dépu-
tés se prononceront sur le texte après les
vacances d’été.
Le projet prévoit également la suppres-
sion de l’anonymat du don de sperme. C’est

Europe ......... 24
Asie ........... 27
Afrique ........ 28
Amériques ...... 30
Moyen-Orient ... 32

d’un


continent


à l’autre.


france


bleus, comme Léandre. Lauren, 36 ans,
les yeux bleus et le regard sympathique,
est assistante dans une école maternelle.
Assise sur un petit tabouret, elle tient le
blond Makenzy dans ses bras et le couvre
régulièrement de baisers. Makenzy sourit,
ravi. Il ne pourra probablement jamais
marcher ni parler.
Il souffre d’une mutation génétique
rare, mais manifestement pas de manque
d’amour. Sa maladie n’est pas due à la PMA,
c’est l’un de ces rares accidents de la nature
qui peut se produire à chaque grossesse.
Amandine et Lauren ont toujours voulu
des enfants, à n’importe quel prix. Les
leurs leur ont coûté dans les 8000 euros.
L’essentiel est parti dans le traitement
médical et la fécondation in vitro, le reste
dans les déplacements en Espagne. Une
somme importante pour un couple aux
revenus relativement modestes.
Le traitement sera à l’avenir pris en
charge par la Sécurité sociale. Agnès Buzyn,
la ministre de la Santé, considère que
les progrès de la médecine ne sont pas
réservés aux personnes ayant des reve-
nus plus étoff és.
Cette loi ne mettra pas seulement fi n
au tourisme médical vers l’Espagne, où
près de 2000 Françaises se font traiter
chaque année. Elle éclaircira la situation

Cette loi mettra fi n au
tourisme médical et
éclaircira la situation de la
partenaire du couple lesbien.

DÉBAT
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