Courrier International - 29.08.2019

(Brent) #1

Courrier international — no 1504 du 29 août au 4 septembre 2019 7 JOURS.7 JOURS. 9


À la une


V U D’ALLEM AGNE


Macron, un pompier


de circonstance


La pression exercée par le président français a obligé son
homologue brésilien à s’attaquer aux incendies. Mais quel
sera l’impact à long terme? s’interroge ce journal berlinois.

“AMA ZO N I E ,
L’INSOMNIE
DU MONDE”
écrit le 24 août O Dia,
quotidien de Rio
de Janeiro.

“L’AMAZONIE BRÛLE”,
titre le quotidien londonien
The Independent, le 24 août,
avant d’ajouter : “Tollé
mondial contre la destruction
de la forêt humide”.

“ICI, NOTRE PLANÈTE
SUFFOQUE !”
s’écrie le tabloïd allemand
Bild, le 24 août,
en publiant une photo
terrifiante.

—Der Tagesspiegel Berlin


U


ne fois par an, les dirigeants et
chefs d’État des sept principales
puissances occidentales se réu-
nissent – de préférence dans un décor de
carte postale, par exemple en bord de mer


  • puis présentent au public la teneur de
    leurs discussions informelles. Plus la liste
    des crises internationales et des conflits
    commerciaux s’allonge, plus les doutes
    s’accumulent sur la capacité de ce genre de
    réunions à proposer des solutions.
    Hôte de l’événement qui s’est tenu, cette
    année, à Biarritz, Emmanuel Macron l’a bien
    compris et tire les bonnes conclusions de
    ce dilemme en essayant de démontrer la
    capacité d’action de la communauté inter-
    nationale face aux incendies qui ravagent
    actuellement l’Amazonie.
    Il a d’abord pu paraître curieux de voir le
    président français apostropher son homo-
    logue brésilien peu avant le G7 pour lui
    reprocher d’encourager la déforestation
    par brûlis. Après tout, le Brésil ne figure
    pas parmi les membres du G7. Toutefois,
    en menaçant, pour dénoncer la politique
    de Bolsonaro en Amazonie, de revenir sur


l’accord de libre-échange avec le Mercosur
[signé le 28 juin 2019], Macron a déjà obtenu
au moins un premier résultat : face aux pres-
sions internationales, le président brésilien
d’extrême droite a ordonné l’intervention
de l’armée pour lutter contre les incendies.
Quant à savoir si cette intervention aura
une incidence à long terme sur la politique
environnementale de Bolsonaro, cela reste

à voir. Si le chef de l’État brésilien ne res-
pecte pas les engagements prévus par l’ac-
cord avec les pays du Mercosur [Brésil,
Argentine, Uruguay et Paraguay] en matière
d’environnement, l’UE n’a aucune raison
de se battre pour cet arrangement conclu
entre le Brésil et d’autres pays d’Amérique
latine. Sur ce point, la France et l’Allemagne
ne sont néanmoins pas sur la même ligne :
Berlin souhaiterait malgré tout maintenir
cet accord, que le président français n’a
jamais considéré d’un bon œil et qui n’a
encore été ratifié par aucun pays européen.
La mobilisation des agriculteurs fran-
çais contre cet accord de libre-échange
n’est peut-être pas étrangère à la prise

de position d’Emmanuel Macron. Ce qui
ne suffit toutefois pas à nier les véritables
inquiétudes du président français pour
l’Amazonie. L’accord avec le Mercosur est
en effet très critiquable dans la mesure où
il défend surtout les intérêts des grandes
entreprises agricoles au détriment des
petits producteurs. L’industrie agroali-
mentaire brésilienne compte notamment
sur cet accord pour augmenter ses ventes
de viande de bœuf et de soja – ce qui ne
ferait qu’intensifier les pratiques de défo-
restation de ce que l’on considère comme
le poumon de la Terre.
Quelle que soit l’issue du débat européen
autour de l’accord avec le Mercosur, la ques-
tion de l’agriculture sur brûlis, pratiquée
à 9 000 km de distance, soulève au moins
déjà des interrogations de ce côté de l’Atlan-
tique, notamment à propos de la consom-
mation de viande des pays européens et de
la tendance de nombreux citoyens euro-
péens à pointer l’inconduite écologique
des autres plutôt que la leur.

L’UE n’a aucune raison
de se battre pour l’accord
du Mercosur si le Brésil
ne le respecte pas.

“Merci, mais ces moyens seront
peut-être plus appropriés pour
reboiser l’Europe. Macron n’a
même pas été capable d’empêcher
un incendie prévisible dans une
église qui fait partie du patrimoine
de l’humanité, et il voudrait nous
dire ce qu’il faut faire ?”
Onyx Lorenzoni,
CHEF DE CABINET
DE LA PRÉSIDENCE BRÉSILIENNE,
(refusant le 26 août l’aide
d’urgence de 20 millions d’euros
proposée par le G7.)

“Comme j’ai beaucoup d’amitié et
de respect pour le peuple brésilien,
j’espère très rapidement qu’ils
auront un président qui se
comporte à la hauteur.”
Emmanuel Macron, le 26 août
PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
FRANÇAISE

Ve rbat i m


↙ Dessin d’Arcadio
paru dans la Prensa Libre,
Costa Rica.
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