Les Echos - 21.08.2019

(lily) #1

Les Echos Mercredi 21 août 2019 ENTREPRISES// 13


ment, faute de protéines », a-t-il
encore ajouté.
Les temps ont bien changé en six
ans. Longtemps enviés, les céréa-
liers ont vu leurs aides européen-
nes fondre au profit des petites
exploitations et des éleveurs, qui
étaient traditionnellement moins
bien servis. Des décisions prises
par le gouvernement Hollande.
Aujourd’hui, la potion est jugée
amère et les céréaliers français
regardent avec envie leurs homo-
logues allemands toucher des
aides de 320 euros l’hectare quand
ils reçoivent 200 euros.

Guerre à l’export
La baisse des prix va de pair avec la
production mondiale de blé. Par-

tout les moissons s’annoncent
sous les meilleurs auspices tant en
quantité q u’en qualité. C’est
notamment le cas dans deux des
principaux pays céréaliers du
monde, que sont la Russie
et l’Ukraine. Les rendements y sont
nettement moindres qu’en France,
de moitié moins, ce que les céréa-
liers compensent avec des tailles
d’exploitations gigantesques. Elles
comptent généralement plus de
1.000 hectares et atteignent p arfois
100.000 hectares quand en France,
la moyenne est de 114 hectares, les
plus grandes dépassant rarement
400 hectares. Ces immenses surfa-
ces confèrent un très gros atout de
compétitivité aux céréales de la
mer Noire.

L’AGPB s’attend ainsi cette sai-
son à une farouche concurrence
sur les marchés à l’exportation. La
France va devoir livrer bataille
pour préserver sa balance com-
merciale et conserver sa place sur
ses marchés historiques, comme
l’Algérie, qui compte parmi les
gros importateurs. Philippe Heu-
sèle, secrétaire général de l’asso-
ciation des producteurs, tempère
le risque en soulignant la capacité
de la France à répondre parfaite-
ment au cahier des charges de
l’Algérie. Autre atout : la très per-
formante chaîne logistique qui
permet de livrer les pays clients
dans de bonnes conditions. Quoi
qu’il en soit, la concurrence va
peser sur les cours.n

Céréales : la face cachée d’une récolte

exceptionnelle

l La moisson de blé est exceptionnelle tant en quantité qu’en qualité.


lEt pourtant les céréaliers français gagneront tout juste le SMIC cette année.


Marie-Josée Cougard
@CougardMarie


La récolte céréalière s’annonce
« exceptionnelle », selon l’A ssocia-
tion générale des producteurs de
blé (AGPB). « A 38,2 millions de ton-
nes de blé tendre (+12 %) et un rende-
ment de 76,1 quintaux à l’hectare, ce
sera l’une d es meilleures a près 2015 et
1998 », s’est réjoui Eric Thirouin, le
nouveau président de l’organisa-
tion professionnelle. Elle pourrait
même dépasser 39 millions de ton-
nes selon les dernières estimations
et le blé est de grande qualité. Un
résultat qui surprendra tous ceux
qui ont été frappés par la couleur
jaune et l’aspect desséché des cam-
pagnes cet été.
En fait, les céréaliers l’ont
échappé belle. La récolte s’est
faite pendant la canicule. Celle-ci
n’a pas eu d’impact, sauf en Auver-
gne et plus spécifiquement en
Limagne, une région qui a souffert
de la « sécheresse en continu depuis
le mois de décembre ». Le bilan du
blé dur (1,5 million de tonnes) est
aussi nettement moins florissant
malgré un rendement record de
57,5 quintaux. La sole de blé dur,
qui sert à fabriquer les pâtes, a
perdu 100.000 hectares en un an
après des ventes décevantes au
cours des derniers exercices, et la
production a donc plongé de près
de 18 %.


Prix bas
Malgré le caractère exceptionnel
de la récolte de 2019, les céréaliers
ne s’attendent pas à s’e nrichir
cette année. Les premières inquié-
tudes ont c ommencé avec les b ais-
ses des cours enregistrées ces der-
niers jours. « Les prix ne sont pas
au rendez-vous. Ils sont inférieurs
de 30 à 40 euros la tonne par rap-
port à l’an dernier. Rendu à Rouen,
la tonne de blé est à 166 euros », a
précisé E ric Thirouin. A ce n iveau,
l’agriculteur perçoit 143 euros.
Autant dire que « nous percevrons
moins que le SMIC cette année,
d’autant que les orges de printemps
risquent pour partie le déclasse-


AGROALIMENTAIRE


Pourtant, les Français n’ont
pas perdu le goût du biscuit,
puisque 96 % des foyers en con-
somment. Comme de nombreux
secteurs de la grande consom-
mation, le marché est en voie de
« premiumisation », un phéno-
mène qui touche t outes l es ensei-
gnes de la grande distribution,
où s’écoulent 90 % des volumes
de biscuits et gâteaux. Les prix
montent : de 2010 à 2019, les ven-
tes en millions d’unités n’ont
augmenté que de 3 %, mais les
ventes ont pris 10 % en valeur,
toujours selon Nielsen.

Moins de promotions
Les habitudes de consommation
changent. La fréquence d’achat
moyenne est en baisse : nous
avons acheté des biscuits en
moyenne 25 fois en 2018. Un chif-
fre en recul de 2,4 % par rapport à
2017, selon le Syndicat des fabri-
cants de biscuits et gâteaux. Mais
nous déboursons en moyenne
4,30 euros par acte d’achat, un
montant en hausse de 1,45 %.
Cette tendance a été accentuée en
2018 par la loi Egalim qui a interdit
des promotions trop agressives en
grande surface sur des biscuits
comme les BN.

Moins, mais mieux-disant.
Une tendance à la déconsomma-
tion alimentaire qui s’accélère sur
la fin de notre décennie. Même au
moment de la crise financière de
2008, la baisse des volumes n’avait
pas connu pareille ampleur que
l’année dernière. Les fabricants
l’ont bien compris, et adoptent des
stratégies de montée en gamme
pour suivre la tendance et s’ins-
crire dans les préoccupations de
santé des Français.

Le bio tire son épingle
du jeu
Les applications décelant les pro-
duits sains comme Yuka seraient-
elles aussi en cause? L es enseignes
savent e n tout c as que les e xigences
des parents pour les goûters de
leurs enfants ont évolué. De tous
les segments de produits bio, l’épi-
cerie sucrée est celui qui progresse
le plus. En 2018, la vente de biscuits
et de gâteaux bio en grande et
moyenne surface a crû de 12,9 %,
selon l’institut IRI.
Alors qu’ils représentaient 1,4 %
du r ayon biscuits en 2014 e n
volume, ils sont passés en 2018 à
2,4 %. Parmi eux, c’e st dans le coin
des pains d’épices et des nonnettes
de Dijon que le bio a le plus d e poids
(7,4 % en volume et en valeur).

Très mature et concurrentiel,
« le marché du biscuit est le plus
sensible à l’innovation et 70 % des
consommateurs affirment recher-
cher la nouveauté », affirme Mat-
thieu Petit, chef de produit du
Nutella B-ready, le premier b iscuit
lancé par la célèbre pâte à tartiner
en 2016.
Avec cette nouveauté, l’ita-
lien Ferrero avait réveillé le mar-
ché du biscuit français. Pas parti-
culièrement sain avec de l’huile de
palme et sucré, ce biscuit avait
effectué l’un des meilleurs lance-
ments de l’industrie agroalimen-
taire de ces dernières années. La
croissance du segment des biscuits
chocolatés avait bondi de 7,9 %
l’année de son arrivée dans les
linéaires, contre +1,8 % l’année
précédente.
En mai dernier, le groupe ita-
lien a remis le couvert en lançant
Nutella Biscuits. Et à nouveau, le
marché repart à la hausse en pre-
nant 5,4 % de valeur en trois
mois, alors qu’il en perdait 1,5 %
sur les sept mois précédents.
L’italien espère bien ravir à BN la
troisième place au rayon bis-
cuits, derrière Prince et Granola
de LU, propriété du géant améri-
cain Mondelez.
—V. J.

Très concurrentiel, le marché du biscuit monte en gamme


La Biscuiterie Nantaise n’a pas dit
son dernier mot. A la suite du
retrait de l’emblématique Choco
BN des rayons de Carrefour en
mai dernier, BN réplique en
annonçant la sortie d’un nouveau
biscuit entièrement chocolaté
pour la rentrée. Faute de renou-
vellement d u choco n antais sur u n
marché du biscuit très concurren-
tiel, le géant de la distribution
l’avait retiré de ses rayons, tout en
continuant de vendre les BN à la
confiture.
Ce retrait est symptomatique
d’un marché en pleine course à
l’innovation face à des consom-
mateurs qui se détournent de ces
produits. En 2018, les volumes de
vente de biscuits et gâteaux ont
baissé de 1,8 % en France, selon
Nielsen, la plus forte baisse depuis
le début de la décennie. Le marché
devrait encore reculer de 1,7 %
cette année.


Depuis plusieurs années,
la consommation de
biscuits en France stagne
ou recule même légère-
ment. Les Français
en achètent moins,
mais plus cher.
Les biscuits bio tirent
leur épingle du jeu.


Jamais encore la plaine de la
Limagne n’avait connu pareille
sécheresse. Depuis juin 2018,
les agriculteurs auvergnats
espèrent des pluies qui ne sont
jamais venues. « La situation
s’est aggravée à partir du mois
de décembre », affirme Mathieu
Trillon, céréalier à Sardon (Puy-
de-Dôme). Au lieu des 600 mil-
limètres d’eau habituels, les
céréaliers de la région ont dû
se contenter de 140 millimètres
d’eau cette année. Résultat,
le barrage de la Cèpe qui en
retient normalement 5 millions
de mètres cubes en contenait
cinq fois moins début 2019.
« On a semé malgré tout sur
terre sèche », dit encore Mathieu
Trillon. « Cela a tout juste suffi à
faire sortir le blé d’hiver. On espé-
rait faire mieux avec les cultures
de printemps. En fait ça n’a pas
marché. » La production de blé
tendre a plongé de 40 %. Le ren-
dement moyen s’est établi à
45 quintaux à l’hectare contre
65 quintaux pour des années
normalement arrosées. « On
essaie de diversifier les cultures
en faisant du tabac, des pommes
de terre, de l’ail et des oignons.
Mais sans irrigation cela ne
donne pas grand-chose. »

Retenues d’eau
La Limagne couvre
100.000 hectares et s’étend sur
deux départements, l’Allier et le
Puy-de-Dôme, où l’agriculture
occupe une place importante.
Les céréaliers redoutent que la
sécheresse ne s’installe dura-
blement. Et rêvent de retenues
collinaires pour pallier les défi-
cits des deux barrages de la
Cèpe et de Naussac.
Les producteurs de cette
zone enchaînent les mauvaises
années depuis quatre ans. « La
difficulté, c’est que nous n’avons
pas fait une seule vraie bonne
année depuis 201 5. Résultat,
nous ne parvenons pas à recons-
tituer nos trésoreries », poursuit
Mathieu Trillon. Très peu
de céréaliers de la Limagne
ont songé à se couvrir en sous-
crivant une assurance-récolte.
L’AGPB (Association générale
des producteurs de blé) espère
améliorer cette situation en
obtenant un abaissement de
la franchise de 30 % à 20 %.
—M.-J. C.

Une


sécheresse


inédite


en Auvergne


Les chiffres clefs


2,

MILLIARDS D’EUROS
Le marché français du bis-
cuit, en voie de « premiumi-
sation », est en pleine course
à l’innovation alors que
les volumes de ventes ont
baissé de 1,8 % en 2018.

4,

EUROS
Le montant moyen par acte
d’achat de biscuits,
en hausse de 1, 45 %.

Les céréaliers
français regardent
avec envie leurs
homologues
allemands toucher
des aides de
320 euros l’hectare
quand ils reçoivent
200 euros.

« On essaie
de diversifier
les cultures en
faisant du tabac,
des pommes
de terre, de l’ail
et des oignons.
Mais sans
irrigation cela
ne donne pas
grand-chose. »
MATHIEU TRILLON
Céréalier

La plaine de la Limagne
est confrontée à un
déficit de pluie extrême
depuis près d’un an.
La production de
céréales a chuté de 50 %
dans certains cas.
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