Les Echos - 21.08.2019

(lily) #1

14 // ENTREPRISES Mercredi 21 août 2019 Les Echos


n
Transformation digitale du secteurdel’énergie
Objets connectés, nouvelles offresdefourniture
d’énergie, intermédiation...Ledigitalbouscule la
chaîne devaleur BtoCde l’énergie.Lesopérateurs
traditionnelsdel’énergie yfontface en adaptant
leursstratégies d’innovation.Face àeux,une
multitude de prétendants:GAFAM, start up,fabricants d’équipements...
Qui en sortiravainqueur?
Rendez-vous le 15 octobre2019 ou le 12 décembre2019àParis
En savoir plus sur http://www.lesechos-formation.fr/digital-energie.htm
Un service proposé par Les Echos Solutions

LESECHOS
FORMATION

qu’une poignée de membres, tels
le suisse Gr3n, le hollandais Ioniqa,
qui lance à Geleen (Hollande) la
construction d’une usine pouvant
traiter 10.000 tonnes de résine PET
colorée, ou encore le britannique
ReNew ELP, qui commence la
construction de sa première usine
à Teesside, en Angleterre.
Ils vont devoir aider Bruxelles à
décanter l e sujet, car, comme le sou-
ligne un récent rapport européen,
on ne cerne encore ni les perfor-
mances ni l’impact environnemen-
tal de ce type de recyclage. Le terme
de « recyclage chimique » recouvre
en fait trois technologies différen-
tes : la purification des plastiques
par dissolution dans des solvants,
la dépolymérisation (qui casse les
molécules des polymères) et, enfin,
les procédés thermiques (pyrolyse
et gazéification). Le modèle écono-
mique aussi reste à cerner, souligne
le rapport européen en rappelant

que l’usine italienne VinyLoop, faite
pour recycler 10.000 tonnes par an,
a arrêté en juin 2018 son traitement
chimique du PVC.

Plastique circulaire
Cela n’empêche pas Plastic Energy,
un des recycleurs chimiques les
plus avancés avec deux usines de
7.000 tonnes chacune en fonction-
nement en Espagne, de voir grand.
Il utilise la pyrolyse, pour transfor-
mer les déchets plastique non recy-
clables de diverses résines en huiles
d’hydrocarbure. Ses clients sont des
pétrochimistes, qui convertissent
ces huiles en carburant ou en plasti-
que vierge. Repsol les utilise pour
les deux usages et le chimiste saou-
dien Sabic pour fournir des « poly-
mères certifiés circulaires » à trois
de ses clients, dont Unilever, afin
qu’ils puissent mettre sur le marché
dès 2019 des emballages alimen-
taires en « plastique circulaire ».

usines, dont dix en Europe et dix en
Asie du Sud-Est, indique Carlos
Monreal. Ce plan de développement
implique de lever 800 millions
d’euros, en ouvrant notre capital à
un investisseur institutionnel et par
d’autres modes de financement. Nous
étudierons nos options à partir de sep-
tembre dans l’objectif d’avoir bouclé
notre montage financier à l’été 2020. »
Un peu optimiste, la jeune pousse?
En fait, « notre activité sera à l’équili-
bre financier à partir de 20.000 ton-
nes traitées, or nous atteindrons ce
niveau en 2021 avec l’usine de Geleen,
rétorque Carlos Monreal. Et nos
prochaines usines seront toutes d’au
moins 20.000 tonnes. »

Projet en France
De fait, rien n’a démarré, mais les
accords-cadres s’enchaînent. L’Asie
est visiblement pressée, à commen-
cer par l’Indonésie, deuxième
source de pollution marine par le

plastique derrière la Chine, qui s’est
assigné l’objectif de réduire de 70 %
d’ici à 2025 les déchets plastique
marins. En avril, Plastic Energy a
conclu un accord avec la province
occidentale de Java (50 millions
d’habitants) pour y construire cinq
usines d’une capacité de recyclage
de 20.000 à 25.000 tonnes par
an chacune, et la recherche des
industriels clients est en cours,
deux sont déjà trouvés. Un autre
accord a été signé fin juin avec la
branche pétrochimie du pétrolier
malaisien Petronas pour étudier la
faisabilité d’une usine en Malaisie.
Restent les projets non annoncés.
Par exemple, celui concernant une
usine d’au moins 20.000 tonnes
annuelles en France, prévue pour
produire début 2022. L’accord avec
l’industriel client est signé, mais
les autorisations restent à obtenir.
Les détails ne seront donc dévoilés
qu’en fin d’année.n

Le recyclage chimique du plastique arrive

l L’ Europe devrait monter en puissance l’an prochain, avec les premières usines de grande capacité.


lLe britannique Plastic Energy vise vingt usines d’ici à 2024, dont dix en Europe, et veut lever 800 millions d’euros.


autres) les sacs emplis de leurs
bouteilles plastique, voire de celles
ramassées hors foyer. « Un centre
de tri coûte cher. Grâce à ce tri à la
source, les sacs partent directement
au recyclage tout en restant la pro-
priété des collectivités locales, et le
système accroît le taux de collecte
des bouteilles plastique, qui ne
dépasse d’habitude pas 20 % dans
les grandes villes. Celui de nos
trieurs est supérieur à 90 % », souli-
gne Eric Brac de la Perrière.

La collecte collaborative
« crée du lien social »
Commencée avec les bouteilles
plastique, cette collecte participa-
tive commence à se diffuser. Après
les collectivités locales, Yoyo a
signé en juin un accord avec deux
éco-organismes : Citeo pour collec-
ter des pots de yaourt et Ecologic
pour récupérer les petits déchets
électroniques (téléphones, petit
électroménager, connectique...)
des habitants de trois arrondisse-
ments de Paris. Yoyo s’attaque aussi
aux déchets des professionnels
(cafés, cinémas, hôtels, etc.) pour
les bouteilles plastique et espère
s’étendre en octobre aux canettes.

par un coach les informant sur les
gestes de tri, ce serait des lieux de
rencontre et d’échange », explique
Eric Brac de la Perrière. L’ambition
est de convaincre un bailleur
social de se lancer, afin d’ouvrir le
premier rétroshop en fin d’année.

Ne pas rater
le coche de la consigne
Yoyo souligne l’importance du
facteur humain pour accroître le
taux de collecte, mais ne compte
pas rater le coche de la consigne.
Là aussi, la start-up va investir le
terrain, en installant à partir de la
fin de 2019 des machines de col-
lecte automatique dans des com-
merces de proximité en centre-
ville. Comme les b acs avec
broyeurs des futurs rétroshops,
ces machines seront conçues par
une PME de Troyes, Larbaletier.
Elles collecteront les bouteilles
plastique et, dans un second
temps, les canettes. « Avec les sacs
participatifs, les rétroshops et les
machines, Yoyo sera à même de col-
lecter en partenariat avec les collec-
tivités locales sur l’ensemble du ter-
ritoire, s ans z one blanche », conclut
Eric Brac de la Perrière. —M. C.

Yoyo accélère la collecte participative des déchets


La collecte participative des bou-
teilles plastique par les habitants
eux-mêmes, qui en remplissent
des sacs et les remettent contre
récompense (gratuité des trans-
ports, places de cinéma, etc.) ,
prend de l’ampleur. « Depuis fin
juin, nous sommes passés de 20
à 40 quartiers prioritaires de la
ville engagés dans ce système de col-
lecte, au sein des sept métropoles
pour le compte desquelles nous
l’avons mis en place », indique
Eric Brac de la Perrière (ex-patron
Eco-Emballages), fondateur de
la start-up Yoyo, à l’origine de ce
système collaboratif.
25.000 familles se sont inscrites
comme « trieurs » de Yoyo et
remettent à leurs « coachs » volon-
taires (gardiens d’immeuble ou

La start-up Yoyo
fait collecter les déchets
plastique par
les habitants contre
récompense, pour
le compte de municipalités
ou d’éco-organismes.
Son modèle s’étoffe, avec
des machines de collecte et
des « magasins inversés ».

Myriam Chauvot
[email protected]


Mieux trier les déchets ne résout
pas le problème des déchets ména-
gers en plastique non recyclables.
La donne devrait changer l’an pro-
chain, car le recyclage chimique
arrive. La France s’y est mise il y a
quelques mois avec le site démarré
par Soprema, qui transforme les
déchets de barquettes et de bou-
teilles en panneaux d’isolation.
L’ Europe devrait monter en puis-
sance l’an prochain, avec les pre-
mières usines de grande capacité.
Signe des temps, en janvier s’est
créée une association européenne,
la Chemical Recycling Europe. Pré-
sidée par Carlos Monreal, fondateur
du britannique Plastic Energy,
l’association ne regroupe encore


ENVIRONNEMENT


décharge sauvage ou le brûle,
peut être rentable.
Mais la fraude délibérée est très
marginale en France, se défen-
dent les négociants, chiffres à
l’appui : 2 % des déchets d’embal-
lages français au maximum quit-
tent l’Europe et moins de 1 % pour
ceux en plastique, selon Citeo,
l’éco-organisme des emballages
ménagers. « Toutes nos matières
doivent avoir un document euro-
péen mentionnant qui a chargé, où,
d’où vient la matière, qui la trans-
porte, où et qui est l’acheteur final.
Il est impossible d’expédier un
container sans ces documents,
souligne Dominique Maguin, de
la Compagnies des matières pre-
mières (CMP). Le problème, ce ne
sont pas les escroqueries mais
qu’un importateur se débarrasse
des matières dont il ne se sert pas. »

Effet d’aubaine
La Chine et l’Asie du Sud-Est sont
depuis longtemps les recycleurs
de plastique de la planète. Les
déchets y sont transformés en
sacs-poubelle, polaires, tongs,
etc., et réexportés. « Quand la
Chine a restreint en 2017 ses impor-
tations aux balles de déchets dont le
taux d’impureté n’excédait pas
0,5 % (tous matériaux confondus),
alors que le standard international
pour le tri est d’environ 3 %, les
cours mondiaux des matières ont
été divisés par 3 , explique Domini-
que Maguin. Cela a créé un effet
d’aubaine. »
Les décharges illégales pour-
raient donc être une conséquence
de ce phénomène, surtout si les
balles reçues se révélaient mal
triées. D’autant que « les décharges
légales ne sont pas gratuites en Asie
non plus, remarque-t-il. Mais la
conséquence du tour de vis de la
Chine, qui importe désormais moi-
tié moins qu’avant, tout en payant
plus cher pour avoir un tri pre-
mium, a été une amélioration géné-
rale de la qualité du tri depuis deux
ans ». —M. C.

L’été l’a prouvé. Désormais, les
poubelles peuvent faire l’objet
d’un retour à l’envoyeur. Après la
Malaisie et les Philippines, l’Indo-
nésie a annoncé fin juillet vouloir
renvoyer 49 conteneurs d’ordures
en Occident et est passée à l’acte
concernant deux d’entre eux, ren-
voyés en France. Avant elle,
la Malaisie avait déjà prévenu
vouloir retourner 60 conteneurs
à 14 pays, dont, là encore,
l’Hexagone. Les poubelles fuient-
elles illégalement? « Une enquête
est en cours avec l’aide des douanes
pour comprendre la raison de la
présence de déchets ménagers fran-
çais dans d es décharges de Malaisie,
et ses conclusions seront rendues à
l’automne », commente le minis-
tère de la Transition énergétique.
Le problème s’exacerbe, selon
l’Indonésie, le Vietnam et la
Thaïlande, qui signalent une
montée des décharges d’ordures
illégales venant d ’Occident
depuis que la Chine a cessé mi-
2017 d’importer les déchets recy-
clables s’ils ne sont pas parfaite-
ment triés. « Les déchets non
dangereux n’ont pas besoin d’auto-
risation pour quitter la France,
seulement d’une déclaration doua-
nière », observe le ministère.


Déchets traçables
Les causes peuvent être, côté
expéditeur, un tri mal fait ou une
fraude pour échapper au coût
élevé du traitement des déchets
dans les pays développés (coût de
tri et de recyclage, ou taxes sur la
mise en décharge ou l’incinéra-
tion). Vu le faible prix du fret
maritime vers l’Asie, payer un
importateur local complaisant,
qui envoie ce non-recyclable en


La France a lancé une
enquête sur les fraudes
du commerce mondial
des matières recyclées.
Ces dernières restent
un épiphénomène, se
défendent les négociants.


L’Asie renvoie les


poubelles de l’Occident


Les trieurs sont alors des employés
de nettoyage, par exemple.
Surtout, la start-up va mettre en
place de nouvelles formes de col-
lecte. Elle discute actuellement
avec des organismes HLM pour
qu’ils lui fournissent des locaux en
pied d’immeuble où créer des

« magasins inversés » pour dépo-
ser tous types de déchets. « La col-
lecte collaborative est efficace parce
qu’elle crée du lien social, de la
même façon dans ces “Yoyo rétro-
shops” les gens seraient accueillis

La start-up discute
actuellement avec
des organismes HLM
pour installer en pied
d’immeuble
des « magasins
inversés » où
déposer tous types
de déchets,
qui seront des lieux
de rencontre
et d’échange.

Les deux sites espagnols du britannique Plastic Energy cassent les molécules du plastique pour aboutir à des huiles d’hydrocarbures
raffinables pour produire au choix du carburant ou du plastique vierge. Photo videovisiones

Pour la suite, Plastic Energy va
lancer à Geleen, pour Sabic, une
usine d’une capacité de 20.000 ton-
nes de déchets (30 millions d’euros
d’investissement). Elle doit démar-
rer en 2021. Au total, « nous visons
20 0.000 tonnes de capacité avec dix
usines opérationnelles fin 2021 et
400 .000 tonnes fin 2024, soit vingt

« Notre activité
sera à l’équilibre
financier à partir
de 20 .0 00 tonnes
traitées, or nous
atteindrons ce
niveau en 2021. »
CARLOS MONREAL
Président de Plastic Energy
Free download pdf