Les Echos - 21.08.2019

(lily) #1
déterminer l’objet précis à financer.
Le choix s’est porté sur une campa-
gne supplémentaire de mesures de
vent en mer que doit réaliser le por-
teur de projet.
Depuis quatre ans, une bouée
ancrée en mer dans la zone du parc
dotée d’un lidar mesure la vitesse et
la direction du vent jusqu’à
200 mètres de hauteur, selon la tech-
nique d’écholocalisation de la chau-
ve-souris qui émet des ultrasons.
« La bouée émet une onde sous forme
de rayon laser lumineux vertical qui
est réfléchi par les particules d’air en
mouvement, et c’est la différence de

fréquence entre l’onde initiale et
l’onde réfléchie qui détermine la
vitesse du vent », explique Maud Har-
ribey. Mais technologie nouvelle
oblige, EMDT doit maintenant com-
parer les données recueillies avec
celles d’un mât de mesure existant
en mer pour vérifier la conformité
des valeurs enregistrées pendant la
première phase. D’où cette nouvelle
campagne de mesures.
Pour les investisseurs épar-
gnants, l’enjeu est avant tout de sou-
tenir le parc éolien contre ses oppo-
sants. « Cette initiative permet de
créer une communauté autour du

projet face à la violence des opposants
au parc éolien et aux fake news. La
mer n ’appartient pas qu’aux
pêcheurs dont les b ateaux de
25 mètres pourront d’ailleurs pêcher
à l’intérieur du parc! », soulignent
Françoise et Richard Kobylarz,
retraités de l’enseignement installés
à Dieppe (Seine-Maritime). La moti-
vation de ces militants écologistes
est aussi clairement antinucléaire.
« Nous sommes ici coincés entre six
réacteurs nucléaires [quatre à Paluel
et deux à Penly, NDLR]. Le territoire
doit avancer sur d’autres industries
que le nucléaire du passé! »

Un million pour les éoliennes en mer de Dieppe-Le Tréport


Claire Garnier
—Correspondante à Rouen


M


ême pas peur! Ils
ont prêté jusqu’à
2.000 euros à une
société qui n’a
encore aucun
revenu, le consortium Eoliennes en
mer Dieppe-Le Tréport (EMDT),
pour financer des mesures de vent
en mer! Sans doute ont-ils
confiance dans la solidité financière
de ses actionnaires (Engie, Caisse
des Dépôts, EDPR, filiale renouvela-
ble de l’électricien portugais et du
japonais Sumitomo) à la
manœuvre pour la construction du
futur parc éolien. Celui-ci vient de
recevoir son feu vert administratif
pour produire au plus tôt ses pre-
miers kilowattheures en 2022.
« Je défie n’importe quelle banque
de me proposer un produit aussi peu
risqué et aussi rémunérateur sur trois
ans! » indique cet habitant de Seine-
Maritime, qui a prêté 2.000 euros. Il
s’agit en effet d ’un prêt rémunéré sur
3 ans à 5 %, explique Enerfip, plate-
forme de financement participatif –
spécialisée dans les installations
d’énergie renouvelables – mandatée
par le consortium pour réaliser
l’opération. « Si dans les trois ans les
turbines sont commandées, c’est-à-
dire si le projet se réalise, le prêt est
prolongé d’un an avec une bonifica-
tion de 1,5 % ramenant la totalité du
prêt à 6, 5 % sur 4 ans. » Si les turbi-
nes ne sont pas commandées, ce
sont les conditions initiales qui


s’appliquent, c’est-à-dire 3 ans à 5 %.
Enerfip, quant à lui, se rémunère en
facturant au porteur de projet des
honoraires de collecte (entre 4 à 6 %
des montants collectés).

Débat public
« Nous ne pensions pas atteindre si
rapidement – en 52 jours – notre
objectif, qui était de récolter
850 .000 e uros », confie Maud Harri-
bey, responsable des relations loca-
les du consortium. Enerfip a, quant
à lui, clôturé la campagne le 13 juin
2019 avec trois semaines d’avance, à
un million d’euros, le plafond légal.
Neuf cent soixante personnes ont
investi, la moitié venant de la Seine-
Maritime et de la Somme, les deux
départements qui bordent le futur
parc et ses 62 éoliennes. L’initiative
avait émergé à l’occasion du débat
public de 2015 dans un contexte de
vive opposition au projet des
pêcheurs côtiers, soutenus par les
maires communistes de Dieppe et
du Tréport. Les pêcheurs esti-
maient – et estiment toujours – leur
activité menacée, le parc étant situé,
selon eux, dans le secteur le plus
riche en poissons de la Manche.
Des associations comme France
Nature Environnement (FNE) et
l’Estran, association d’étude et pré-
servation du l ittoral, avaient
demandé que l’on ouvre le projet au
financement participatif pour asso-
cier la population locale au projet
avec un placement financier. Après
avoir choisi Enerfip en 2017, comme
tiers de confiance, il fallait encore

Piloté par Engie, le consortium


à la manœuvre dans le projet


contesté d’éoliennes a utilisé


le financement participatif pour


associer la population à son projet.


Julien Hostache, le directeur
général et cofondateur d’Enerfip
pointe le fait que les citoyens peu-
vent être « acteurs de leur épargne
car ils flèchent eux-mêmes l’argent
qu’ils investissent vers le projet de
leur choix ». Cela peut aussi
« contrebalancer les opposants dont
la voix est toujours plus forte que
celle des citoyens favorables à un
projet ».n
6
Demain Routine, la montre
qui relocalise les emplois
horlogers

Neuf cent soixante personnes, souvent installées dans la région, ont investi dans le projet du futur parc de 62 éoliennes. Photo DBS

Dates clefs


Juin 2014
Eoliennes en
Mer Dieppe-
Le Tréport
(EMDP) remporte
l’appel d’offres lancé
par l’Etat de parc
éolien à 17 kilomètres
de Dieppe et 15,5 kilo-
mètres du Tréport
au large du littoral
normando-picard.
26 février 2019
Feu vert administratif
pour le parc éolien.
Avril-juin 2019
Campagne de finance-
ment participatif pour
financer une deuxième
phase de mesures
de vent en mer.

Le terrain, qui occupe 130 hecta-
res, compte aujourd’hui une ving-
taine d’installations de recyclage qui
traitent un million de tonnes de
matières par an à travers trois pôles :
déchets, ferrailles et métaux, maté-
riaux. Le programme devrait créer
88 emplois s’ajoutant aux 420 de
l’effectif actuel. Sur le total des
84 millions, 5 7 millions iront au pôle
déchets avec, notamment, un triple-
ment du bâtiment dédié au tri des
déchets industriels. « Les produits
du BTP sont actuellement enfouis. En
les triant mieux, il est possible par
exemple d’en extraire les gravats pour
en refaire du béton », illustre ainsi
Olivier Ramackers, DG adjoint du
groupe. Même chose du côté des
plastiques, qui, mieux triés, lavés et
criblés redeviennent matière pre-
mière pour de nouveaux plastiques.

Huit millions d’euros seront
consacrés au pôle matériaux, pour,
par exemple, recycler des sédiments
pollués des canaux ou encore des
terres polluées. « Nous traitons
notamment sédiments et terres
souillés par les hydrocarbures. Avec
ces nouvelles installations, n ous pour-
rions aussi traiter ceux pollués par
des métaux tels que cadmium, plomb
zinc et mercure », ajoute le DGA.

Doubler la méthanisation
Ce projet prévoit encore de doubler
l’activité méthanisation
(10.000 t onnes aujourd’hui) en utili-
sant les déchets de cantine dans le
cadre de la loi sur les bio-déchets.
Le pôle ferrailles et métaux béné-
ficiera de 6,5 millions avec le
fameux déchiqueteur mais aussi un
nouveau four pour l’aluminium.

Enfin, 10 millions seront dédiés à la
biodiversité (casiers de stockage
végétalisés, créations de buttes de
15 m de haut avec arbres dessus,
détournement d’un cours d’eau...).
Si tout va bien, le projet pourrait
recevoir son autorisation d’ici u n an,
et l a majorité d es travaux être lancés
dans les deux premières années, le
reste s’étalant jusqu’en 2025-2026.
Le groupe détenu à 100 % par la
famille fondatrice et dirigée par la
3 e génération, vient d’ouvrir à Mou-
vaux, près de Lille, son 12e site de
collecte dans les Hauts-de-France.
Il a réalisé un chiffre d’affaires de
145 millions d’euros en 2018 (+ 45 %
en trois ans). La société a fait
l’acquisition en 2018 de Sotra-
miante, à Hazebrouck, ainsi que
Polak & Fils à Erquinghem-Lys,
près d’Armentières.n

culer du statut de commerçant à
celui d’industriel.
Or ce changement a entraîné la
multiplication par dix de l’impôt,
passé à 147.000 euros. Mais
l’entreprise a aussi dû s’acquitter
de 350.000 euros d’arrérages
alors que Mathias Bourgois,
repreneur de l’entreprise il y a
vingt ans avec l’actuel président de
la CCI Artois, Jean-Marc Devise,
comptait sur les exonérations
prévues par l a loi de finances 2019.
En vain. Hormis une décote de
50.000 euros qui lui a été accor-
dée. A cette difficulté connue se
sont ajoutés deux impayés de
120.000 euros. Klégé est notam-
ment une victime collatérale de la
chute de WN, le repreneur de
l’usine Whirlpool d’Amiens.

Sauvegarde de l’emploi
Ces différentes déconvenues se
sont ajoutées à une rentabilité
médiocre, qui a conduit l’entre-
prise au dépôt de bilan il y a quel-
ques semaines. Pour redresser la
situation, un plan de sauvegarde
de l’emploi a immédiatement été
lancé, qui p orte s ur une quinzaine
de postes. Interrogé, Mathias
Bourgois n’a pas souhaité com-
menter la situation. « L’entreprise
est viable, la commande est là »,
veut croire Jean-Jacques Cottel,
maire de Bapaume et président
de la communauté de communes
du Sud-Artois, qui suit le dossier
au plus près. Les collectivités
étaient d’ailleurs prêtes au rachat
de l’immobilier ou du foncier
pour aider l’entreprise, mais cel-
le-ci a décliné.n

Le carrossier Klégé


placé en redressement


judiciaire


Nicole Buyse
— Correspondante à Lille

La machine fait 15 mètres de long
sur 3 mètres et demi de hauteur, et
pèse 42 tonnes. Cet équipement
peut déchiqueter 25 tonnes de fer-
railles à l’heure et doit remplacer
l’ancien broyeur que Baudelet Envi-
ronnement, basé à Blaringhem,
près d’Hazebrouck, dans le Nord, a
démantelé l’année dernière. Ce
déchiqueteur, qui sera le plus gros
de l’Hexagone et qui a l’avantage
d’être mobile, permettra à ce spé-
cialiste du traitement des déchets
de mieux récupérer l’aluminium. Il
fait partie du programme d’inves-
tissement du groupe d’un montant
total de 84 millions d’euros afin de
créer quinze à vingt installations
supplémentaires.

Autorisation
environnementale
Baudelet vient de déposer en pré-
fecture l e dossier – 4.500 pages – de
demande d’autorisation environ-
nementale sur le broyeur. La
société compte réduire de 100.
à 150.000 tonnes les déchets ulti-
mes stockés sur son site de Blarin-
ghem, soit au moins 21,5 % des
510.000 tonnes qui y sont stockées
aujourd’hui (hors sol). Un tonnage
déjà réduit de 15 % en 2017.

Baudelet Environnement se dote du plus


gros déchiqueteur de métaux en France


HAUTS-DE-FRANCE


Ce spécialiste du
traitement des déchets
prévoit un investisse-
ment de 84 millions
pour mieux les trier.

Le nouveau déchiqueteur permettra de mieux récupérer l’aluminium. Photo Baudelet Environnement

Olivier Ducuing
— Correspondant à Lille


Une revalorisation de ses bases
fiscales et deux impayés sur fond
de rentabilité médiocre ont eu rai-
son de l’équilibre économique de
la société Klégé, à Bapaume (Pas-
de-Calais). Elle vient d’être mise
en redressement judiciaire avec
six mois de p ériode d’observation.
Ce carrossier industriel, spécia-
liste des véhicules réfrigérés, est
une entreprise plus que cente-
naire, encore connue sous son
ancien nom, Delcroix.


Avec ses 110 salariés pour
13 millions d’euros de chiffre
d’affaires, Klégé est un fleuron de
l’industrie locale, qui exporte lar-
gement, notamment vers l’A lle-
magne et les Pays-Bas. Depuis
trois ans, la société fait l’objet
d’une revalorisation de sa base
locative fiscale, pour la faire bas-


HAUTS-DE-FRANCE


Victime d’un double
impayé à la suite
d’une forte revalori-
sation de sa base
fiscale, ce spécialiste
des remorques
frigorifiques a dû
déposer son bilan.


Klégé est un fleuron


de l'industrie locale.


LES CITOYENS INVESTISSEURS


SÉRIED’ÉTÉ
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18 // PME & REGIONS Mercredi 21 août 2019 Les Echos

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