Les Echos - 21.08.2019

(lily) #1
Pour les banques françaises,
dont BNP Paribas, Société Géné-
rale, C rédit Mutuel et N atixis (filiale
de BPCE), cette série a de quoi
inquiéter. Certes, elles bénéficient
d’un coût du risque historique-
ment bas – les emprunteurs font
encore très peu défaut – et la Ban-
que centrale européenne est prête
à soutenir davantage l’économie.

En Allemagne aussi,
les faillites pointent
Mais ce contexte pourrait évoluer
dans le mauvais sens, comme en
témoignent le léger rebond des
faillites en mai en France et une
étude récente de S&P. Selon
l’agence de notation financière, « la
qualité de crédit des groupes euro-
péens devrait décliner au cours de la
prochaine année » étant donné ses
récentes décisions de notation, le
ralentissement économique et les
tensions géopolitiques.
L’agence de notation ne s’attend
pas à une hausse soudaine des
dégradations de rating, mais à une
forme de normalisation après une
période où la qualité de crédit a été

exceptionnellement élevée. En
d’autres termes, on s’approche dan-
gereusement de la fin du cycle, tant
redoutée par les banques. D’autant
qu’en Allemagne aussi, les choses
commencent à se gâter.
Galapagos, maison mère du spé-
cialiste allemand des échangeurs
de c haleur Kelvion, présente un ris-
que sérieux de défaut depuis juin.
Sevion, un fabricant allemand
d’éoliennes, est dans une situation
comparable et s’e st donné, fin
juillet, un mois pour s’entendre
avec ses créanciers. Eisenmann,
spécialiste allemand des équipe-
ments de peinture pour l’automo-
bile, est tombé en faillite fin juillet.
De quoi conforter Cees’t Hart, le
patron du brasseur danois Carls-
berg. « Le moment où vous vous
sentez séduits par les taux faibles et
où les entreprises ont le sentiment
qu’elles doivent en profiter pour
faire de très grandes choses – peut-
être trop grandes pour elles –, elles
doivent se souvenir qu’elles devront
toutes payer la facture plus tard »,
a-t-il déclaré la semaine dernière à
Bloomberg.n

Crédit : les banques face au risque de fin de cycle


Thibaut Madelin
@ThibautMadelin

Le sauvetage financier du groupe
MND est là pour le rappeler : les
taux bas, voire négatifs, sont certes
une opportunité pour les entrepri-
ses qui veulent investir ou réaliser
des acquisitions. Mais le piège d e la
dette peut aussi se refermer sur
elles, comme l’é quipementier
savoyard de stations de montagne,
sauvé de la faillite le 14 août, vient
d’en faire l’expérience.
Chaque cas étant particulier, il
est difficile de tirer des conclusions
d’un tel événement. Il s’inscrit tou-
tefois dans un contexte plus large,
où l’o n voit se multiplier le nombre
de sociétés éprouvant des difficul-
tés financières. La France, qui con-

L’argent facile a largement
soutenu la production
de crédit en France
et en Allemagne. Mais
l’accumulation de dossiers
de redressement
commence à inquiéter les
établissements financiers.

lité. « Les horaires d'ouverture res-
treints des marchés sont un sujet dont
nous discutons avec nos membres »,
explique le directeur général de
l’AFME, Simon Lewis. L’A FME sou-
tient « les propositions qui encourage-
raient des pratiques de travail plus
flexibles sur le marché boursier euro-
péen et qui pourraient contribuer à
promouvoir une plus grande diversité
dans le secteur », ajoute-t-il. Les mar-
chés européens sont, pour la plu-
part, ouverts de 9 h à 17 h 30, mais les
traders commencent avant et res-
tent bien après.

Peu de femmes
cadres supérieures
Le manque de mixité dans le sec-
teur financier en général est préoc-
cupant. E xemple criant, les conseils
d’administration des plus grandes
entreprises financières mondiales
sont composés à 75,3 % d’hommes,
selon le rapport 2019 de Corporate

supérieur à 30 % au Royaume-Uni,
selon une étude de l’IA en mars 2019.
De plus, cette d iscrimination aug-
mente avec l’âge et les années
d’ancienneté. « Les femmes sont plus
nombreuses que les hommes à débu-
ter dans les services financiers, mais
leur représentation diminue réguliè-
rement au fur et à mesure qu’on
monte dans la hiérarchie », jugeait
en juin Mark Carney, le directeur de
la Banque d’Angleterre.
Pourtant, la parité femmes-
hommes dans les banques serait
un facteur de meilleure stabilité
financière, selon une étude 2018 du
FMI. Cette corrélation est principa-
lement due aux critères d’embau-
che discriminatoires, conduisant à
la sélection de femmes exception-
nellement qualifiées pour les pos-
tes. La diversité des idées dans des
équipes mixtes est également une
des raisons conduisant à des moin-
dres prises d e risques, d es p oints d e

vue pouvant mener à de meilleures
décisions, selon l’organisation
internationale.
Cet écart tend à se résorber dans
les pays qui instaurent des obliga-
tions légales de parité. Les entrepri-
ses financières mondiales soumises
aux quotas ont en moyenne 36,1 %

de femmes membres de conseils,
contre 21 % pour les autres, selon le
CWDI. Parmi les dix groupes les
plus paritaires, six sont français


  • BPCE, BNP Paribas, Credit Agri-
    cole, Société Générale, AXA, CNP
    Assurances – avec une moyenne de
    44,6 % de femmes à leur conseil.n


Fleur Bouron


Réduire les horaires d’ouverture des
salles de marché européennes pour
attirer plus de femmes. C’est l’idée
émise par les banques et gestionnai-
res d’actifs européens, inquiets de la
faible parité femmes-hommes de
leurs équipes. L’Association pour les
marchés financiers en Europe
(AFME) et l’Investment Association
britannique (IA) ont annoncé lundi
qu’elles envisageaient cette possibi-


BANQUE


L’Association pour
les marchés financiers
en Europe (AFME)
et l’Investment Asso-
ciation cherchent des
solutions pour attirer
des femmes en finance.


Les salles de marché face au défi de la parité femmes-hommes


plus de soixante-dix ans. Pour les
Etats, les rendements se sont enfon-
cés en territoire négatif, leur permet-
tant de gagner de l’argent en s’endet-
tant. Ce renversement concerne
aussi les entreprises, même celles
qui traversent une mauvaise passe.
L’équipementier Valeo, bien qu’il
soit touché par le ralentissement
chinois et par de nouvelles régle-
mentations européennes sur les
émissions, a vu le taux de son obliga-
tion arrivant à maturité en 2022 pas-
ser sous la barre des 0 %. « Les taux
bas sont comme une drogue douce,
met toutefois en garde le patron de
Valeo, Jacques Aschenbroich, cité
par Bloomberg, il existe un effet
addictif que nous voulons éviter. Nous
ne nous disons pas : la dette est bon
marché donc on va en accumuler. »

Un matelas de fonds propres
Les stratégies commerciales des
banques participent également de
cet emballement. Les établisse-
ments bancaires cherchent à aug-
menter les volumes pour compen-
ser la compression de leur marge
nette d’intérêts. Du côté d es p articu-
liers, les banques utilisent le crédit
immobilier comme produit d’appel
pour capter des clients et conserver
leurs parts de marché.
Le phénomène e st tel que les a uto-
rités de supervision sont en alerte.
Elles veulent éviter une fermeture
trop brutale du robinet à crédit en
cas de retournement économique.
En France, elles ont contraint les
banques à constituer un coussin
contracyclique, u ne sorte de matelas
de fonds propres supplémentaires
pour encaisser un choc. Le taux de
surcharge a été porté à 0,5 % (effectif
en avril 2020), provoquant la colère
des établissements.
En Allemagne, la BaFin a emboîté
le pas au gendarme bancaire fran-
çais. Elle a introduit le 1er juillet un
coussin contracyclique de 0,25 %
des actifs pondérés des risques pour
éviter un coup de frein trop fort. Le
sujet est d’autant plus inquiétant
que l’A llemagne est menacée de
récession.n

lLe ratio de la dette privée en France


a augmenté de 4,6 points, à 133,2 %


du PIB. Outre-Rhin, le taux augmente


plus modérément.


lLes autorités sont mobilisées pour


éviter un coup de frein trop brutal


en cas de ralentissement économique.


L’endettement des entreprises

et des ménages s’accélère en France

Etienne Goetz
@etiennegoetz


Les vannes du crédit sont toujours
grandes ouvertes dans les deux
principales économies de la zone
euro. Les taux d ’endettement d u sec-
teur privé en France et en Allema-
gne progressent à toute allure alors
qu’ils reculent ailleurs en Europe.
Selon les données de la Banque de
France, la dette des sociétés privées
non financières et des ménages à
l’intérieur de l’Hexagone représente
133,2 % du PIB au premier trimestre
de l’année, contre 128,6 % un an
auparavant. Même tendance outre-
Rhin : 92,4 % pour les trois premiers
mois de l’année, contre 89,6 % au
premier trimestre 2018. Le rythme
est cependant plus modéré.
A l’inverse, le ratio de la dette pri-
vée en Espagne, qui avait explosé
avant la crise, fléchit de 3,9 points
sur un an, à 127,8 %. Au Royaume-
Uni, le taux d’endettement est passé
de 153,5 % d u PIB à 151,7 % à fin mars.
En dehors du Vieux Continent, le
Japon voit son ratio augmenter, à
151,8 % contre 147,6 % un an plus tôt.


En France, cette dynamique est
tirée par les entreprises qui sont
endettées à hauteur de 73,3 % de la
richesse nationale, contre 60 %
pour les ménages. La frénésie de la
dette s’explique avant tout par le
plongeon des taux partout sur la
planète finance en raison de crain-
tes de récession et d’interventions
des banques centrales. A titre
d’exemple, les ménages emprun-
tent pour acheter un logement
à 1,2 % en moyenne (hors assu-
rance), un niveau jamais vu depuis


CRÉDIT


La frénésie de la dette


s’explique avant tout


par le plongeon


des taux partout sur


la planète finance.


Directors Women International
(CDWI), une organisation améri-
caine qui promeut la présence de
femmes aux conseils d’administra-
tion. Parmi les 104 entreprises finan-
cières du classement Fortune Global
500, une seule est dirigée par une
femme : Tricia Griffith, patronne de
l’assureur américain Progressive.
De manière générale, elles ne
représentent que 14,8 % des cadres
supérieurs des banques. Par ailleurs,
l’écart salarial moyen entre les hom-
mes et les femmes dans le secteur
financier reste très important : il est

30 %

L’écart de salaire moyen entre
les hommes et les femmes,
au Royaume-Uni, selon une
étude de l’IA en mars 2019.

naît la plus forte augmentation du
taux d’endettement des entrepri-
ses et des ménages en Europe, est
clairement concernée.
Le géant de la distribution
Casino, dont la maison mère Ral-
lye est sous procédure de sauve-
garde, a ainsi annoncé mardi un
nouveau plan de cession d’actifs
de 2 milliards d’euros pour se
désendetter. Plombé par une dette
de 2,7 milliards d’euros, l’équipe-
mentier pétrolier Bourbon s’e st
placé en redressement judiciaire
fin juillet, faute d’entente avec ses
créanciers.

« La qualité de
crédit des groupes
européens devrait
décliner au cours
de la prochaine
année. »
STANDARD & POOR’S

FINANCE & MARCHES


Les EchosMercredi 21 août 2019

Free download pdf