Les Echos - 21.08.2019

(lily) #1
ressé. Il n’en a pas moins confirmé
l’irritabilité persistante de l’opinion
sur la question du train de vie des
gouvernants, obligeant Edouard
Philippe à faire un rappel à l’ordre à
ses ministres. Un remaniement
n’est pas à l’ordre du jour, assure-
t-on à Matignon.
Depuis la crise des « gilets jau-
nes », Emmanuel Macron semble
avoir entendu le message et il
entend faire de la proximité une
marque forte de la seconde partie
du quinquennat. A ce titre, la nomi-
nation, mardi, de Joseph Zimet
comme nouveau conseiller e n com-
munication à l’Elysée, marque cette
volonté. Le poste était vacant
depuis le début de l’année.

L’écologie et le social
Mais si la rentrée se présente mieux
que l’an passé, l’équilibre reste fra-
gile. Entamé l’hiver dernier avec le
lancement du grand débat, le
timide retour en grâce du duo exé-

cutif dans l’opinion a connu un
coup d’arrêt au cœur de l’été dans le
baromètre Elabe pour « Les
Echos » et Radio Classique.

La réforme des retraites
s’annonce sensible
Sur le fond, Emmanuel Macron
n’entend pas dévier d’un pouce d e la
ligne qui a été tracée à l’occasion du
lancement de « l’acte II » du quin-
quennat, au printemps dernier.
L’écologie et le social sont au cœur
des préoccupations, avec une
urgence de résultat sans cesse plus
forte. La baisse du chômage a de
quoi rassurer le gouvernement,
mais elle reste insuffisante. « Il n’y
aura pas de rupture dans la méthode
et les thèmes de cet acte II. Les chan-
tiers sont les mêmes », confirme un
proche d’Edouard Philippe.
La période qui s’ouvre reste
semée d ’embûches. Certaines réfor-
mes s’annoncent sensibles, à com-
mencer par celle des retraites.

Grégoire Poussielgue
@Poussielgue


La rentrée? Quelle rentrée? Le
Conseil des ministres, qui se réunit
ce mercredi à l’Elysée après quatre
semaines d’interruption, se veut un
non-événement politique. Après
une année lourde de tensions qui
avait commencé par l’affaire
Benalla et s’est achevée par la
démission de François de Rugy,
sans oublier la crise majeure des
« gilets jaunes » et le grand débat
qui s’en est suivi, l’exécutif peut déjà
se féliciter d’un été qui n’a pas été
meurtrier.
Intervenu il y a un mois, le départ
du ministre de la Transition écolo-
gique a été promptement digéré et
n’a pas bouleversé les équilibres au
sein du gouvernement compte tenu
du faible poids politique de l’inté-


POLITIQUE


Propos recueillis par G. P.


Comment analysez-vous l’état
de l’opinion en cette rentrée?
On dit toujours que les rentrées
sont à risque, mais, cette année,
nous n’identifions pas d’événe-
ments montrant qu’il y aurait une
tension plus importante que
l’année dernière. Rappelons-nous :
la fin de l’été 2018 avait été marquée
par les suites de l’affaire Benalla et
les démissions de Nicolas Hulot et
de Gérard Collomb. Le jugement
porté sur un pouvoir considéré
comme autoritaire était net et
structurant. Le regard envers
Emmanuel Macron s’est amélioré
depuis le grand débat, et les criti-
ques évoquant un « président des
riches » s’étiolent.
L’année dernière, le rejet que sus-
citait Emmanuel Macron avait
aussi expliqué la crise des « gilets
jaunes ». Il semble, d’un point de
vue de l’opinion, entendre un peu
plus les messages des Français et
faire « amende honorable » lors-
qu’il revient sur certaines de ses
erreurs. De l’autre côté, aucune


figure n’arrive à incarner une oppo-
sition crédible. De ce fait, aucune
alternative ne semble aujourd’hui
émerger.

Il y a quand même des tensions
dans les urgences hospitalières
et dans le monde agricole...
Oui, mais ces sujets ne sont pas mis
de côté par le gouvernement. Ils
sont traités. La question des urgen-
ces est importante, mais elle ne sus-
cite pas aujourd’hui de tension
pour l’ensemble des Français.
Quant au monde agricole, il suscite
une forte compréhension. Les
agriculteurs sont soutenus par les
Français, y compris lorsqu’ils
recourent à des actions virulentes
ou violentes.

Les Français ont-ils perçu
le tournant écologique voulu
par l’exécutif? La plus grande
proximité affichée est-elle
reçue?
Il y a une aspiration très forte des
Français pour l’environnement. La
remise en cause du modèle produc-
tiviste est appréciée. Pour l’exécutif,

Sur les retraites, il faut voir com-
ment les choses s eront p résentées et
quelles s eront les p ropositions alter-
natives. Dans l’affichage, l’exécutif
ne remet pas en cause le système
par répartition et les oppositions ne
présentent pas encore de proposi-
tions crédibles aux yeux des person-
nes que nous interrogeons. L’enjeu
est de montrer aux Français que
cette réforme est indispensable,
qu’ils ne seront pas trop perdants et
qu’elle ne remettra pas en cause fon-
damentalement les valeurs du sys-
tème, à savoir la solidarité entre les
générations.

L’exécutif peut-il considérer
que la crise des « gilets
jaunes » est derrière lui?
Il ne pourra jamais dire cela. Le
mouvement des « gilets jaunes » est
né d’une crise conjoncturelle – la
hausse du prix de l’essence –, mais
ses tenants sont structurels. Cer-
tains Français continuent à avoir
des problèmes d e pouvoir d’achat et
ont le sentiment de ne plus maîtri-
ser leur destin. Qu’ils ne peuvent
pas disposer du petit « plus »

le problème est celui de l’incarna-
tion. Si Nicolas Hulot était claire-
ment rattaché à l’environnement,
ce n’était pas le cas de François de
Rugy et ce n’est pas (encore) celui
d’Elisabeth Borne. Le gouverne-
ment doit encore convaincre sur
cette question, qui est prioritaire
pour nombre de Français.
En ce qui concerne la question de
la proximité, cela marche un peu
mieux depuis que les Français ont
perçu une certaine humilité et
moins le côté autoritaire de la part
du président de la République. Le
grand débat a joué positivement en
ce sens.

Le gouvernement peut-il abor-
der sereinement la réforme
des retraites?

JEAN-DANIEL LÉVY
Directeur du dépar-
tement politique
et opinion
d’Harris Interactive

a nettement baissé au cours de l’été,
mais ils sont toujours là. D’autres
points chauds apparus au prin-
temps ne sont pas éteints, comme
aux urgences. Enfin, la colère du
monde agricole ne faiblit pas
depuis l’adoption du Ceta. Que ce
soit par les « gilets jaunes » ou les
agriculteurs, les permanences des
députés de la majorité restent atta-
quées, mettant la majorité sous
pression constante.
A l’approche du mi-mandat,
l’exécutif a aussi en ligne de mire les
élections municipales de
mars 2020. Les enjeux sont lourds
pour Emmanuel Macron et sa
majorité, qui joue son implantation
territoriale, alors que les élections
intermédiaires vont se succéder à
un rythme régulier d’ici à la pro-
chaine élection présidentielle du
printemps 2022 : les sénatoriales
auront l ieu en septembre 2020 e t les
élections départementales et régio-
nales en 2021.n

lLe Conseil des ministres se réunit ce mercredi après quatre semaines d’interruption.


lLe chef de l’Etat cherche la bonne posture pour l’acte II de son quinquennat.


lLes tensions, à l’hôpital et dans le monde agricole, demeurent.


Macron garde le cap mais cherche


le bon ton pour sa rentrée


Pour sa rentrée, l’exécutif peut déjà se féliciter d’un été qui n’a pas été meurtrier. Photo Denis/RÉA


« Il n’y a pas plus de tension que l’an dernier »


permettant d’améliorer leur quoti-
dien. Le mouvement sera toujours
présent.
Dans c e contexte, l es Français qui
sont « gilets jaunes » ou qui expri-
ment de la sympathie pour ce mou-
vement ne doivent pas avoir le
sentiment que les réformes actuel-
lement mises en œuvre se feront, si
l’on veut forcer le trait, au bénéfice
des urbains ainsi que des catégories
supérieures et au détriment des
ruraux ainsi que des catégories
populaires.n

« Il y a
une aspiration
très forte
des Français pour
l’environnement.
Pour l’exécutif, le
problème est celui
de l’incarnation. »

Impôts :


plus de 2.


comptes en


ligne piratés


Ingrid Feuerstein
@In_Feuerstein

On pourrait croire la forteresse
de Bercy imprenable, mais des
hackers ont trouvé la faille. La
Direction générale des finances
publiques (DGFiP) a annoncé
mardi avoir été victime d’un
piratage massif de l ’espace dédié
aux particuliers Impots.gouv.fr.
Plus de 2.000 comptes de mes-
sagerie personnelle ont subi
une intrusion, ce qui a permis
aux hackers de renouveler le
mot de passe sur l’espace en
ligne des usagers concernés.
L’incident est intervenu fin
juin, juste après la période de
déclaration de revenus. D’après
« Le Canard enchaîné » paru
ce mercredi, des milliers de
feuilles d’impôt auraient été
trafiquées. En s’introduisant
dans la messagerie personnelle

des usagers, les hackers peu-
vent non seulement réinitiali-
ser le mot de passe, mais aussi
retrouver le numéro fiscal dans
le cas où le contribuable aurait
transmis son avis d’imposition
par e-mail pour ses démarches
administratives. Ils peuvent
alors modifier certains élé-
ments de la déclaration de
revenus. « L’administration
fiscale a reçu 2.000 demandes
de réinitialisation de mots de
passe dans un temps très
limité », indique un porte-
parole du ministère, considé-
rant que « le système d’alerte a
bien fonctionné. »

Sécuriser son accès
Bercy indique que les usagers
concernés ont été prévenus par
téléphone ou par e-mail. Leur
situation fiscale a été rétablie
dans son état initial. « Il
convient de bien sécuriser son
accès afin qu’un pirate ne puisse
pas accéder à vos données per-
sonnelles et ainsi réaliser des
opérations à votre insu », pré-
vient la DGFiP.
En attendant, les services de
Bercy vont sécuriser, dès la fin
du mois d’août, la réinitialisa-
tion du mot de passe par la
saisie d’une question secrète.
D’autres solutions, compatibles
avec les normes européennes
et le RGPD, sont envisagées,
comme l’envoi d’un code par
SMS ou l’application d’un sys-
tème biométrique.n

FINANCES
PUBLIQUES

Bercy a annoncé
mardi avoir été
victime d’un
piratage massif
de l’espace dédié
aux particuliers
Impots.gouv.fr.

D’après « Le Canard
enchaîné », des
milliers de feuilles
d’impôt auraient
été trafiquées.

L’ incident a eu lieu
fin juin, juste
après la période
de déclaration
de revenus.

La situation fiscale
des usagers
concernés a été,
depuis, rétablie
dans son état initial.

Edouard Philippe entend mettre
l’accent sur le dialogue pour démi-
ner le terrain et mener ce chantier à
son terme. Un séminaire gouverne-
mental aura lieu la semaine pro-
chaine. Le Premier ministre rece-
vra l’ensemble des partenaires
sociaux les 5 et 6 septembre, alors
que la bataille de l’opinion reste à
gagner.
Les points de tension demeurent
et sont autant de grenades qui peu-
vent e xploser à tout moment et r avi-
ver la grogne sociale. L’intensité des
manifestations des « gilets jaunes »

La date


2020
L’exécutif a en ligne de mire
les élections municipales
qui auront lieu en mars.

FRANCE


Mercredi 21 août 2019Les Echos

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