Les Echos - 21.08.2019

(lily) #1

20 // FINANCE & MARCHES Mercredi 21 août 2019 Les Echos


cière et un plongeon de la devise à
9,60 dollars de Hong Kong pour un
dollar. La « reprise en main » possi-
ble de Hong Kong par la Chine fait
craindre aux marchés de nouvelles
secousses financières. Selon
l’agence Bloomberg, les marchés
des dérivés estiment qu’il y a désor-
mais une chance sur deux pour que
le billet vert atteigne 7,90 dollars de
Hong Kong dans les six mois, contre
une probabilité de 14 % début juillet.

La fin de l’âge d’or
« Les troubles sociaux et les risques
sur la croissance chinoise exercent
une pression à la baisse sur la mon-
naie de Hong Kong, constate Craig
Chan, analyste chez Nomura. Nous
n’anticipons toutefois pas une rup-
ture de l’arrimage de sa devise au dol-
lar ou une modification des marges de
fluctuation dans un f utur p roche. » L a
banque centrale dispose de réserves
de change encore significatives pour
contrer les attaques spéculatives des
marchés. L’arrimage – ou « peg » – a
résisté à la crise asiatique de 1997 et à
la « tempête » de 2008.

Nessim Aït-Kacimi
@NessimAitKacimi


De la violence de la répression à la
volatilité des monnaies, les manifes-
tations à Hong Kong et le durcisse-
ment de Pékin commencent à susci-
ter des remous sur le marché des
changes. Depuis début juillet, le
billet vert a progressé de 7,7862 à
7,8442 dollars de Hong Kong, soit un
gain de 0,7 %. La banque centrale, la
Hong Kong Monetary Authority
(HKMA), a peut-être agi récemment
pour contenir la baisse de sa devise
dans un climat plus nerveux, qui fait
craindre des sorties de capitaux de la


DEVISES


La monnaie de Hong
Kong, arrimée
au dollar depuis 1983,
pourrait traverser
une crise financière
si la situation
se dégradait encore.


Les entreprises ont-elles un
rôle à jouer dans la société?
181 grands patrons américains,
dont ceux d’Amazon, General
Motors, PepsiCo, Apple, Black-
Rock ou JP Morgan, ont tran-
ché. Le lobby Business Round-
table, qui les représente, a
redéfini lundi la « raison d’être »
de ces sociétés. Et remis en ques-
tion s a déclaration de 1997, selon
laquelle leur but premier était de
satisfaire les intérêts des action-
naires, conformément à la théo-
rie libérale rendue célèbre par le
prix Nobel d’économie Milton
Freedman. Une première.

« Aider l’Américain
moyen »
« Nous nous engageons à générer
de la valeur pour l’ensemble de
nos parties prenantes, pour la
réussite future de nos entreprises,
de nos communautés, et de notre
pays », affirme le communiqué
de Business Roundtable.
Meilleure considération des
salariés, des fournisseurs et des
clients et protection de l ’e nviron-
nement sont élevés au même
rang que la prise en compte des
intérêts des actionnaires. Parmi
les engagements phares de ces
grands patrons, une rémunéra-
tion plus juste et plus de forma-
tion, ou encore la promotion de
la diversité. Pour Jamie Dimon,

GOUVERNANCE


Près de 200 grands
patrons américains
s’engagent à mettre
sur le même plan
les intérêts de
leurs actionnaires
et la mission sociale
de leur entreprise.

PDG de JP Morgan qui préside
le lobby, c’est la « reconnaissance
que l’entreprise peut faire plus
pour aider l’Américain moyen ».
Mais ce nouveau mantra ne
s’accompagne d’aucune mesure
contraignante. L’organisation
ne mentionne pas non plus
les salaires mirobolants des
patrons. Un sujet qui fait beau-
coup de bruit dans le cadre de la
campagne présidentielle améri-
caine, marquée par le virage à
gauche d’une partie de l’électo-
rat. L’an dernier, la candidate à
l’investiture démocrate Eliza-
beth Warren avait introduit un
projet de réforme appelant les
entreprises à promouvoir un
capitalisme plus inclusif. Inter-
rogé par le « Financial Times »,
Larry Summers, secrétaire au
Trésor sous Bill Clinton, s’est de
son côté dit inquiet que cela ne
soit qu’une « stratégie pour met-
tre en pause des réformes indis-
pensables ».
Car les Américains sont de
plus e n plus sceptiques à l’égard
de leur modèle. En 2016, une
étude d e Harvard menée
auprès de jeunes âgés de 18 à
29 ans avait montré que 51 % ne
soutenaient pas le capitalisme.
« Les gens s e posent d es questions
fondamentales sur la mesure
dans laquelle le capitalisme sert
la société » , a reconnu Alex
Gorsky, signataire du commu-
niqué de Business Roundtable,
à la tête de Johnson & Johnson.
Un changement de para-
digme que suivent de près les
patrons américains, au pre-
mier rang desquels Larry Fink,
PDG de BlackRock. Depuis
plusieurs années, il appelle
régulièrement ses homologues
à revoir leur modèle et brandit
depuis 2018 la notion de « bien
commun ».—L. S.-I.

Les PDG américains


revendiquent


leur responsabilité


sociale


plus pointées du doigt. La
contestation a été forte lors des
dernières assemblées généra-
les, comme celles de Barclays,
Playtech ou O cado. En mai, p rès
de 40 % des actionnaires de
Standard Chartered ont voté
contre la rémunération prévue
pour Bill Winters, le directeur
général de la banque.

La contestation s’étend
au FTSE 250
Une contestation qui s’étend
maintenant aux entreprises du
FTSE 250. Selon Deloitte, une
société sur six d e l’indice a essuyé
des votes à la baisse concernant
son plan de rémunération. Il
s’agit du plus haut niveau de
défiance depuis cinq ans, signe
que « les investisseurs attendent le
même standard de transparence
et d’engagement sur la rémunéra-
tion », que l’entreprise fasse par-
tie d u FTSE 100 ou du FTSE 250, a
expliqué le vice-président de
Deloitte Stephen Cahill, cité par
le « Financial Times ».
Pour rassurer les investis-
seurs et faire baisser la pression,
certaines entreprises ont pris les
devants, à l’image de Lloyds ou
d’Aviva. Une stratégie payante,
selon Deloitte : le nombre
d’entreprises du FTSE 100 ayant
enregistré des « votes avec une
faible majorité » – sous les 80 % –
en faveur des rémunérations a
chuté de plus de la moitié par
rapport à l’an dernier, et s’établit
désormais à 7 %.n

Jonathan Roisin
@JonathanRoisin

La période des folles rémunéra-
tions semble révolue pour les
grands patrons anglais. Selon un
rapport de Deloitte, le revenu
médian des dirigeants du Foot-
sie 100, l’indice phare de la
Bourse de Londres, a baissé en
2018, passant de 4 à 3,4 millions
de livres. Un plus bas depuis
2014, date à laquelle l ’exécutif bri-
tannique a exigé de la part des
entreprises plus de transparence
dans leur rapport sur la rémuné-
ration des dirigeants.
La baisse est notamment due
à celle des p lans d’intéressement
à long terme. Désormais, seules
5 % des entreprises du FTSE 100
possèdent plus d’un plan d’inté-
ressement à long terme, alors
qu’elles étaient près de 50 % il y a
cinq ans. Le salaire de base et les
bonus ont, eux aussi, stagné.
Deloitte constate ainsi qu’un
tiers des dirigeants du FTSE 100
n’a reçu aucune augmentation.
Il faut dire que les très fortes
rémunérations sont de plus en

GOUVERNANCE


La rémunération
des patrons du
FTSE 100 a atteint
son plus bas niveau
depuis 20 14, selon
le cabinet Deloitte.

Rémunérations :


les grands patrons


britanniques à la diète


liards de dollars d’actifs sous ges-
tion, il s’agit du fonds de « fixed
income » actif le plus important au
monde. Las, il affiche une perfor-
mance de 4,7 % depuis le début de
l’année, inférieure de près de 4
points de pourcentage à son indice
de référence selon Morningstar. Ce
qui le classe parmi les 7 % de fonds
les moins performants sur les 337
de sa catégorie. Sur le seul mois
d’août, il perd même 1,07 %.

Embellie des dettes
souveraines
Le fonds a notamment souffert de
son exposition à la dette argen-
tine. Mais il a surtout été pénalisé
par sa faible exposition aux dettes
souveraines, dont le prix s’est
envolé cet été. L’indice Bloomberg
Barclays, le plus large sur le marché
obligataire, affiche une perfor-
mance de plus de 7 % en 2019. La
flambée du prix d es obligations s’est

traduite par une faiblesse record
pour les rendements. Le stock de
dettes à taux négatifs est passé de
12.000 milliards de dollars mi-
juillet à plus de 16.000 milliards ces
derniers jours.
Cette mauvaise passe pourrait
inquiéter les clients de Pimco, même
si le fonds affiche des performances
impressionnantes sur le long terme :
premier de sa catégorie sur dix ans,
d’après Morningstar. La société de
gestion dirigée par le Français
Emmanuel Roman a pris les devants
en publiant une note défendant sa
stratégie, un geste inhabituel. Son
directeur des investissements, Dan
Ivascyn, a par ailleurs accordé des
interviews au « Financial Times » et
au « Wall Street Journal ».
La société justifie son exposition
relativement faible aux dettes d’Etat
par leurs « faibles niveaux de rende-
ment » e t la probabilité d’une correc-
tion sur les obligations souveraines

Bastien Bouchaud
@BastienBouchaud


Pimco, le gérant emblématique des
marchés obligataires, se retrouve
sur la défensive. En cause, la contre-
performance de son fonds phare, le
Pimco Income Fund. Avec 130 mil-


OBLIGATIONS


Pimco Income Fund
est le plus important
fonds obligataire actif
avec 130 milliards
de dollars sous gestion.


Il affiche une perfor-
mance inférieure
à 93 % de ses pairs
depuis le début
de l’année.


part des investisseurs étrangers et
locaux. En avril 2018, elle était inter-
venue pour soutenir sa monnaie.
Une première depuis six ans.

En 2005, la HKMA avait mis en
place un corridor de fluctuations
autorisées où le billet vert pouvait
varier entre 7,75 et 7,85 dollars de
Hong Kong. Ce dernier avait arrimé
sa monnaie au dollar à un cours de
7,80 en octobre 1983 quand les
craintes d’une rétrocession de cette
colonie britannique à la Chine
avaient provoqué une crise finan-

Les marchés
redoutent une
accélération des
sorties de capitaux,
conduisant la banque
centrale à intervenir
pour soutenir
sa monnaie
et son économie.

En avril, le hedge fund Hayman
Capital conseillait aux investisseurs
de prendre leurs distances à l’égard
de Hong Kong en vendant leurs actifs
pour récupérer des dollars. « Depuis
trente-six ans que Hong Kong a lié sa
monnaie au dollar et a ainsi cédé sa
souveraineté monétaire à la Réserve
fédérale, ses taux devant suivre ceux
des Etats-Unis, l’île a été une oasis de
stabilité financière et politique mais
elle est aujourd’hui menacée par de
nouveaux risques qui sonnent la fin de
l’âge d’or », estimait son directeur des
investissements Kyle Bass.
Son système b ancaire, trop
endetté et fragile, pourrait s’effon-
drer comme un jeu de dominos.
« Compte tenu du manque de syn-
chronisation entre le cycle économi-
que américain et celui de Hong Kong,
l’arrimage entre leurs deux mon-
naies, coûteux, n’a plus de sens »,
estime le gérant. Un nouveau lien,
cette fois entre le dollar de Hong
Kong et le renminbi chinois, mar-
querait le retour de l’île dans la zone
d’influence géopolitique et écono-
mique de Pékin.n

Le dollar de Hong Kong


pris dans les troubles sociaux


Manifestation à Hong Kong, le 18 août dernier. Photo « The Yomiuri Shimbun »


Le fonds vedette de Pimco traverse


une mauvaise passe


américaines de long terme après
leur forte appréciation depuis le
début de l’année. Dan Ivascyn estime
qu’un accord commercial entre les
Etats-Unis et la Chine peut relancer
l’appétit pour le risque des investis-
seurs et entraîner des retraits impor-
tants des marchés obligataires. «
Même s’il s’agit d’un accord restreint,
les rendements pourraient soudaine-
ment rebondir fortement », a-t-il
expliqué au « Financial Times ».
Une raison, selon lui, de s’écarter
davantage de la dette souveraine.n

4 , 7 %

La performance du fonds
Pimco Income depuis le début
de l’année, soit 4 points
de moins que son indice
de référence selon Morningstar.
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