Les Echos - 21.08.2019

(lily) #1
Le chef de la Ligue, Matteo Salvini, le Premier ministre, Giuseppe Conte, et Liugi Di Maio, chef du mouvement M5S. Photo Andreas Solaro/AFP

voirs » et s’est dit « préoccupé » de
voir le leader des souverainistes
appeler ses partisans à « descendre
dans la rue » pour le soutenir. Le chef
du M5S, Luigi Di Maio, l’a qualifié de
« serviteur de la nation dont l’Italie ne
peut pas se passer ». Matteo Salvini,
invoquant « la protection du cœur
immaculé de Marie », s’en est pris à
ses ex-alliés du M5S. « Si ce gouverne-
ment s’interrompt, c’est à cause de ces
messieurs qui disent toujours non et
bloquent tout », a-t-il dit, en accusant
aussi les autres parlementaires
d’« avoir peur du jugement du peu-
ple » en cas de législatives. Son
expulsion du gouvernement n’est
d’ailleurs pas forcément un revers
pour Matteo Salvini dans l’optique
de législatives ultérieures et si le pro-
chain gouvernement ne parvenait
pas à engranger rapidement des
résultats positifs.

Des jours de négociations
L’issue de la crise est e ntre les mains
du président de la République, Ser-
gio Mattarella. D’après la Constitu-
tion, il peut confier de nouveau à
Giuseppe Conte la mission de for-
mer un gouvernement, ou estimer
que les rapports de force au Parle-
ment empêcheront la constitution
d’une coalition et décider de législa-
tives anticipées. Le premier scéna-
rio est de loin le plus probable, ce
qui ouvrirait la voie à des négocia-
tions, sans doute dès jeudi. Un gou-
vernement de technocrates chargé
de t enir jusqu’en novembre n’est pas
impensable, mais le plus probable
est une tentative de constitution
d’un gouvernement entre le M5S
et... Matteo Renzi, du Parti démo-
crate (PD, centre gauche).
Les deux formations disposent
respectivement de 220 députés et
de 112, de quoi détenir ensemble la
majorité de 3 15 sièges, mais
devraient pour cela oublier les
insultes qu’elles avaient échangées
lors des dernières législatives, l’an
dernier. Matteo Renzi, qui a été Pre-
mier ministre de 2014 à 2016, ne
cache pas son ardent désir de reve-
nir au gouvernement. Le Parti
démocrate et le M5S pourraient
s’entendre sur un pacte pour « un
gouvernement fort et de renouvelle-
ment dans son programme », selon
les termes du chef du Parti démo-
crate Nicola Zingaretti.

(


Lire l’éditorial de
Jacques Hubert-Rodier
Page 10

lLe Premier ministre, Giuseppe Conte, a décidé de démissionner au vu de l’éclatement, décidé par Matteo Salvini,


de la coalition entre le leader populiste et le mouvement M5S.


lIl pourrait tenter de former un nouveau gouvernement avec le M5S et le parti de centre gauche de Matteo Renzi.


L’ Italie s’enfonce dans une nouvelle


crise politique


Brandebourg et talonner la CDU
d’Angela Merkel en Saxe le 1er sep-
tembre, les électeurs privilégient la
vision la plus pessimiste de la situa-
tion économique en Allemagne.
Après six mois de quasi-stagnation,
le recul de 0,1 % du PIB au deuxième
trimestre et le fait que la Bundes-
bank n’exclut plus dans son rapport
mensuel que cet indicateur se con-
tracte encore au troisième trimestre
promettent d’alimenter leur insatis-
faction.
Le gouvernement de coalition,
formé par les conservateurs de
l’Union CDU-CSU et les sociaux-dé-
mocrates (SPD), ne chôme pourtant
pas. Selon une étude de la Fondation
Bertelsmann publiée lundi, l’exécu-
tif a urait à mi-mandat déjà réalisé ou
mis en route 61 % de ses 296 engage-
ments passés en revue. Mais seule-

ment une personne interrogée sur
dix estime que le gouvernement
d’Angela Merkel tient ses promes-
ses. Dimanche, les conservateurs et
les sociaux-démocrates se sont
encore engagés à prolonger de cinq
ans jusqu’en 2025 l’encadrement
des loyers dans les zones les plus ten-
dues. Ils ont aussi promis un accord
sur les petites retraites courant sep-
tembre ainsi qu’un compromis d’ici
au 20 septembre sur le financement
de la réduction des émissions de CO 2
pour tenir les engagements de l’Alle-
magne à l’horizon 2030.
Aux milieux économiques qui
appellent Berlin à renoncer à son
dogme d’un strict équilibre budgé-
taire pour investir et se donner de
l’air, le gouvernement a par ailleurs
répondu fin juillet par 86 milliards
d’euros d’investissements dans les

infrastructures ferroviaires d’ici à
dix ans, en sus de 40 milliards sur
vingt ans pour accompagner la sor-
tie du charbon. Mais la chancelière
assure que le pays est assez solide
pour ne pas avoir besoin de renon-
cer au dogme du « Schwarze Null »,
lequel garantit justement à ses yeux
cette solidité.

La succession d’Angela
Merkel en ligne de mire
Son ministre des Finances Olaf
Scholz a renchéri le week-end der-
nier en soulignant qu’avec un endet-
tement inférieur à 60 % de son PIB,
l’Allemagne disposait de marges de
manœuvre en cas de récession
sévère. De fait, les 50 milliards
d’euros dégagés pour faire face à la
crise financière de 2008 correspon-
draient à près de 1,5 point de PIB.

Pourquoi donc ce ressentiment
au sein de l’électorat allemand?
Depuis sa composition au prin-
temps 2 018, le gouvernement
d’Angela Merkel a dû affronter
une succession de crises politiques
alimentées par la chute des conser-
vateurs et des sociaux-démocrates
au fil des scrutins régionaux et euro-
péens. En posant la question de la
survie de la coalition, ces crises ont
renforcé le sentiment que l’exécutif
s’occupe plus de sa cuisine interne
que du pays.
Il faut dire qu’elles sont allées de
pair avec le renouvellement des
chefs des partis de la coalition, eux-
mêmes en campagne pour mobili-
ser leurs troupes. Depuis son élec-
tion en décembre à la tête de la CDU,
Annegret Kramp-Karrenbauer a
accumulé les maladresses en ten-

tant de réunir un parti divisé. Sa
nomination au ministère de la
Défense apparaît comme une der-
nière chance pour se mettre en posi-
tion de succéder à Angela Merkel
d’ici à deux ans.
Dans ce contexte, l’entrée en lice
d’Olaf Scholz pour prendre en
binôme avec la députée quadragé-
naire d u Brandebourg Klara
Geywitz la présidence du SPD, alors
qu’il estimait jusque-là que sa tâche
de ministre des Finances demandait
toute son attention, peut faire l’objet
de deux lectures. L’intéressé assure
qu’il s’agit de soutenir son parti en
l’absence d’autre candidature de
poids. Mais les électeurs risquent
surtout d’y voir un nouveau calcul
politique pour peser face à Annegret
Kramp-Karrenbauer dans la course
à la chancellerie.n

Ninon Renaud
@NinonRenaud
—Correspondante à Berlin


Le verre est-il à moitié vide ou à moi-
tié plein? Au vu des intentions de
vote en faveur de l’extrême droite,
qui pourrait arriver en tête dans le


ALLEMAGNE


A moins de deux
semaines d’élections
régionales à haut
risque, la fébrilité des
partis de la coalition
gouvernementale
alimente
le désenchantement
des électeurs.


Rentrée politique sous tension pour le gouvernement allemand


son de la longue liste en trente
points établie fin mai 2018 et tenant
plus d’un « contrat » de gouverne-
ment que d’un programme com-
mun, soulignent les observateurs
en Italie. D’autant que les domaines
complexes gérés par le M5S s’ins-
crivaient inévitablement dans une
durée plus longue que les coups
d’éclat sécuritaires de Salvini. En
outre, la promesse d’une baisse de
la pression fiscale est vite entrée en
contradiction avec la politique
sociale de lutte contre la précarité
voulue par le M5S.
Il n’empêche, quelques grandes
mesures phares ont pu voir le jour.
La plus symbolique a été l’instaura-
tion, début 2019, du revenu univer-
sel que Luigi Di Maio a réussi à
imposer à son très libéral collègue
Salvini. Ce « revenu de citoyenneté »
destiné à 5 millions d ’Italiens vivant
sous le seuil de pauvreté (contre
9 millions initialement prévus)
permet à une personne seule de
toucher 780 euros et à une famille
avec trois enfants de percevoir

1.330 euros par mois, pour un coût
annuel pour l’Etat de 7 milliards
d’euros. Autre promesse sociale du
mouvement de Luigi Di Maio très
attendue et tenue en début d’année
également : l’abaissement de l’âge
légal de la retraite. La réforme est
certes à l’arrivée moins ambitieuse
qu’à l’origine, puisque la baisse de
l’âge de départ – encore « expéri-
mentale » et qui s’étalera sur trois
ans – passe de 67 à 62 ans à la condi-
tion d’avoir trente-huit ans de coti-
sations. Une mesure critiquée pour
son coût (4 milliards d’euros par
an) dans u n pays q ui défie Bruxelles
par l’importance de son déficit
budgétaire et le niveau inquiétant
de sa dette publique.

Opération coup-de-poing
Le flamboyant ministre de l’Inté-
rieur Matteo Salvini a, à l’inverse,
réussi à convaincre une écrasante
majorité de députés M5S de voter
son spectaculaire – et très populaire


  • durcissement de la politique
    d’immigration dont il avait fait l’axe


de sa conquête du pouvoir. A force
d’opérations coup-de-poing très
médiatiques, et en ciblant notam-
ment les bateaux qui tentent de les
faire accoster sur la Péninsule, les
flux de migrants arrivant d’Afrique
du Nord en Italie ont été réduits de
85 % au premier trimestre, à
2.114 personnes, par rapport à la
même période de 2018. Le mois der-
nier, Salvini a aussi réussi à tordre le
bras de son collègue Di Maio, mar-
qué par le discours écologiste et
décroissant du M5S, en arrachant
au Premier ministre Giuseppe
Conte la relance du projet de ligne
ferroviaire à grande vitesse Lyon-
Turin, qui impose le creusement
d’un tunnel sous les Alpes pour un
coût estimé à 8,6 milliards d’euros.
Restent d onc au bord du chemin,
après l’éclatement de la coalition,
des réformes qui n’auront pas eu le
temps d’aboutir : la « flat tax » favo-
rable aux classes moyennes chère
à Salvini, u n SMIC à 9 euros
défendu par le M5S et la réforme de
l’autonomie des régions du Nord.n

Beaucoup de dissensions depuis un an


Daniel Bastien
[email protected]

Au moment où explose officielle-
ment la coalition populiste entre
le M5S de Luigi Di Maio et la Ligue
de Matteo Salvini, le bilan de ses
réformes apparaît maigre au terme
d’un peu plus de quatorze mois au
pouvoir. « La production législative
de cette année gouvernementale a été
des plus basses : environ la moitié
de celle des gouvernements précé-
dents », relevait récemment le quo-
tidien « Corriere della Sera ».
Les dissensions montantes entre
les deux alliés, la violence des char-
ges entre les deux vice-Premiers
ministres et la politisation extrême
de leur fonction – qui les éloignait
des dossiers concrets – ont eu rai-

Au jour de la dissolution de
la coalition gouvernemen-
tale, le tandem impossible
Salvini-Di Maio n’est
parvenu à imposer que
quelques réformes phares.

Yves Bourdillon
@yvesbourdillon


Matteo Salvini est écarté. Le flam-
boyant ministre de l’Intérieur et c hef
de la formation nationaliste la
Ligue, qui s’e st imposé au centre de
la vie politique italienne par sa poli-
tique anti-migrants, ne sera pas
membre du prochain gouverne-
ment après le sabordage, mardi, de
celui dirigé par Giuseppe Conte.
« J’interromps ici cette expérience
de gouvernement », c’est en ces ter-
mes que ce dernier a annoncé au
Sénat sa démission, après un dis-
cours très dur contre Matteo Salvini,
l’accusant d’avoir été « irresponsa-
ble » et avoir seulement « poursuivi
ses propres intérêts » en cherchant à
capitaliser sur des sondages qui cré-
ditaient la Ligue d’une majorité au
Parlement, dans le sillage de son
score record, de 34 %, aux européen-
nes de mai. Matteo Salvini réclame
des législatives anticipées et a pour
cela sabordé, le 8 août, la coalition
qu’il formait depuis quatorze mois
avec le Mouvement 5 étoiles (M5S).
Une coalition un brin baroque
puisque la Ligue est classée à
l’extrême droite et le M5S considéré
comme populiste de gauche.


Mais le Premier ministre, et avec
lui le reste de la classe politique,
estime qu’organiser des législatives
cet automne serait désastreux au
moment où l’Italie a urgemment
besoin de « mesures pour favoriser la
croissance économique et les investis-
sements », et notamment de défen-
dre son budget face à Bruxelles.
L’équilibre des finances de la troi-
sième économie de la zone euro,
caractérisée par une dette équiva-
lente à 132 % du PIB, ratio le plus élevé
de la zone derrière la Grèce, inquiète
en effet les marchés financiers.
Le chef du gouvernement a aussi
dénoncé l’appel de Matteo Salvini à
ce qu’on lui donne « les pleins pou-


EUROPE


« J’interromps
ici cette
expérience de
gouvernement. »
GIUSEPPE CONTE
Premier ministre

MONDE


Mercredi 21 août 2019Les Echos

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