Les Echos - 21.08.2019

(lily) #1

Les Echos Mercredi 21 août 2019 MONDE// 05


doit rencontrer Angela Merkel à Ber-
lin ce mercredi, avant de s’entretenir
à Paris avec Emmanuel Macron,
jeudi, puis se rendre à Biarritz ce
week-end, à l’occasion du G7. Dans sa
lettre, le successeur de Theresa May
demande à en finir avec le « backs-
top », ce dispositif conçu pour garan-
tir que, conformément à l’accord de
paix de 1998, aucune frontière dure
n’apparaîtra j amais s ur l’île d’Irlande.
A Londres, il est perçu par beaucoup
comme une perte de souveraineté
potentielle p uisqu’il obligerait le pays
à se plier largement aux règles com-
merciales européennes.
Reste à trouver des alternatives.
Sur ce point, la lettre de Boris John-
son soulève plus de questions qu’elle
n’apporte de réponses. Le Premier
ministre propose que les deux par-
ties s’engagent de façon « juridique-
ment contraignante » à ne pas cons-
truire d’infrastructure destinée à
effectuer des contrôles à la future
frontière entre la République
d’Irlande, membre de l’UE, et le terri-
toire d’Irlande du Nord, rattaché au
Royaume-Uni. Ce qui peut se lire
comme une façon de contourner la

difficulté : soit les engagements juri-
diquement contraignants évoqués
ici sont un avant-goût d’un futur
mécanisme ressemblant étrange-
ment au « backstop » mais présenté
sous un jour différent, soit ils consti-
tuent une demande de liberté de
circulation des marchandises sans
condition.

Porte dérobée
Or, ce serait inacceptable pour les
Européens qui redoutent, depuis le
début de cette négociation, que le
Royaume-Uni n’utilise à l’avenir
l’Irlande comme une « porte déro-
bée » lui permettant d’accéder au
marché européen sans se confor-
mer aux règles qui y sont en vigueur.
Mardi, Donald Tusk a lâché un tweet
acerbe qui résume la frustration
européenne : « Ceux qui sont contre
le “backstop” sans proposer d’alterna-
tive réaliste soutiennent en réalité le
rétablissement d’une frontière. Même
s’ils ne l’admettent pas. » Dans un
document de décryptage envoyé d is-
crètement aux Etats membres, la
Commission européenne pointe de
son côté le manque de substance de

Gabriel Grésillon
@Ggresillon
—Bureau de Bruxelles


Les affaires reprennent. En faisant
parvenir, lundi soir, une longue lettre
à Donald Tusk, le président du Con-
seil européen, Boris Johnson a posé
les bases de la négociation qu’il
entend mener avec les Européens au
sujet du Brexit dans les prochaines
semaines. Une négociation qui
pourra s’amorcer très vite : le nou-
veau locataire de Downing Street


ROYAUME-UNI


Le Premier ministre
britannique
a fait parvenir une
lettre à Donald Tusk,
le président du Conseil
européen, pour
exposer ses demandes.


Une démarche jugée
« incorrecte »
par la Commission.


lations et les écosystèmes ». Plus d e la
moitié de l’azote utilisé comme fer-
tilisant agricole s’échappe dans
l’atmosphère, où il amplifie l ’e ffet de
serre, et dans l’eau, où cette subs-
tance peut avoir de graves effets sur
la santé infantile.
Le syndrome du « bébé bleu »,
une malformation cardiaque à la
naissance, lui est notamment
imputable dans les régions où la
présence de cet intrant est excessi-
vement élevée. Une situation ren-
contrée en Inde, au Vietnam et dans
trente-trois pays d’A frique, selon le
rapport. Chaque kilogramme de
fertilisant supplémentaire à l’hec-
tare augmente le rendement de 4 à
5 %, mais en même temps le risque
de rachitisme et de malformation
de 11 à 19 %, indiquent ses auteurs.
« Les fortes incitations à utiliser
des fertilisants causent autant de
dégâts à la santé, sinon plus, que les
bénéfices apportés à l’agriculture »,
estiment-ils.

Microplastiques
Un lien « coût- bénéfice » tout aussi
discutable à l’égard du choix d’irri-
guer. Le recours massif à cette tech-
nique dans certaines régions mal
adaptées (zones côtières, terres ari-
des, périphérie des grandes villes) a
fait monter dangereusement le
taux de salinité des eaux. Sans cette
contamination, il y aurait de quoi
nourrir chaque année 170 millions

Joël Cossardeaux
@JolCossardeaux


C’est un fléau dont les conséquen-
ces sur le développement des pays,
riches ou pauvres, n’avaient encore
jamais été aussi précisément mesu-
rées. La constante dégradation d e la
qualité des eaux, dont la contami-
nation chimique n’épargne aucune
partie du globe, peut faire perdre
jusqu’à un tiers du PIB de certains
d’entre eux, eu égard à ses effets
délétères sur la population. Une
« crise invisible de l’eau », comme la
qualifie mercredi un rapport de
la Banque mondiale, que la planète
« ne peut pas se permettre » alors
que cette ressource se raréfie
dangereusement.
Ses experts, qui ont compilé les
plus grandes bases de données qui
lui sont consacrées, n’y vont pas par
quatre chemins : bactéries, rejets
chimiques, plastiques et autres
substances nocives peuvent « trans-
former l’eau en poison pour les popu-


DÉVELOPPEMENT


Les pays riches comme
pauvres subissent
une contamination
croissante de leurs
eaux, selon un rapport
de la Banque mondiale.


ment anticipée. Alors que la
campagne électorale va s’étirer
jusqu’en novembre 2020 c’est, à
ce stade, la baisse des taux qui
fait toujours figure d’outil favori
pour Donald Trump. Dans un
tweet publié lundi, le président
américain a non seulement
jugé l’économie des Etats-Unis
« très forte » mais il a surtout
appelé la Réserve fédérale à
baisser son taux directeur,
« dans un temps relativement
court, d’au moins 100 points de
base ».
De quoi nourrir, en attendant
la prochaine réunion de la Fed
les 17 et 18 septembre, les
conversations des banquiers
centraux qui se retrouvent en
fin de semaine à Jackson Hole,
comme chaque fin d’été. Sous
la pression constante du prési-
dent américain, le président de
la Fed Jerome Powell a déjà
déclenché, le 31 juillet dernier,
un premier mouvement de
baisse d’un quart de point,
inédit depuis dix ans.

« Fondamentaux
positifs »
Les derniers chiffres de l’acti-
vité américaine montrent, de
leur côté, une croissance
encore soutenue des dépenses
des ménages. « Un retrait de la
consommation serait un choc
très négatif pour l’économie
américaine. Ce n’est pas ce qui
paraît probable pour l’instant.
Les fondamentaux des ménages
américains – une croissance
forte des revenus et des comptes
sains – restent assez positifs »,
indiquaient dans une note
récente les économistes de la
banque Nomura.
Le président a en outre pour
l’instant la confiance des
consommateurs avec lui : non
seulement sa cote de popularité
reste stable, mais elle est encore
meilleure quand les électeurs
sont interrogés sur sa conduite
de l’économie, selon plusieurs
sondages. La consommation
pourrait, en revanche, pâtir de
la dernière hausse des tarifs
douaniers sur les produits
chinois, que Donald Trump
a d’ailleurs en partie différée à
la fin de l’année.n

Véronique Le Billon
@VLeBillon
—Bureau de New York

La Maison-Blanche réfléchit
au meilleur moyen d’éviter une
entrée en récession. L’adminis-
tration Trump commencerait
ainsi à réfléchir à une baisse
des cotisations sur les salaires,
selon le « Washington Post »,
qui cite trois sources internes
anonymes. L’outil avait déjà
été utilisé en 2011 par l’adminis-
tration Obama pour stimuler
la consommation après la crise
financière.
Dans un communiqué, la
Maison-Blanche a toutefois
démenti une opération de ce
type. « Des baisses d’impôts sup-
plémentaires pour le peuple
américain sont assurément
sur la table, mais une baisse
de l’impôt sur les salaires n’est
pas envisagée pour le moment »,
assure-t-elle.
Sur fond de tensions com-
merciales, le scénario d’un
retournement de l’activité
a gagné en crédibilité ces
derniers mois. Au deuxième
trimestre, la croissance améri-
caine est encore restée soute-
nue, à 2,1 % en rythme annua-
lisé, mais elle a néanmoins
ralenti. Et selon un panel d’éco-
nomistes américains interro-
gés en juillet dernier, une
entrée en récession en 2020
ou 2021 est désormais large-

ÉTATS-UNIS


Donald Trump
continue à réclamer
à la Réserve
fédérale une forte
baisse des taux.

L’administration


Trump sort


sa boîte à outils


anti-récession


en bref


Argentine : mission du FMI en vue


RELATIONS INTERNATIONALES Le Fonds monétaire interna-
tional a indiqué mardi « surveiller de près » la situation moné-
taire et financière en Argentine et va e nvoyer une mission à Bue-
nos Aires « bientôt », a annoncé un porte-parole de l’institution
dans un communiqué. Le Fonds fournit une aide financière
massive au pays sous forme d’un prêt de plusieurs dizaines de
milliards de dollars. E n juillet, il a débloqué 5,4 milliards de dol-
lars, portant à 38,9 milliards l’aide apportée jusqu’ici à l’Argen-
tine pour faire face à deux crises monétaires en 2018. Le nou-
veau ministre argentin des Finances, Hernan Lacunza, qui a
pris ses fonctions mardi, s’est d’ailleurs engagé à stabiliser le
marché des changes et à respecter l es objectifs budgétaires fixés
en 2018 dans le cadre de l’accord conclu avec le FMI. « Permettre
une plus grande volatilité » du peso « ne ferait qu’ajouter de
l’incertitude et des pressions inflationnistes », a-t-il indiqué.

Les visites en Thaïlande stagnent


TOURISME Après des années de progression, le secteur du tou-
risme, vital pour l’économie thaïlandaise, montre des signes
d’essoufflement, p énalisé par une baisse des visiteurs chinois et
l’appréciation de la monnaie locale qui rend les vacances plus
chères dans le royaume. Le pays a accueilli 19,8 millions de tou-
ristes sur les six premiers mois de 2019, une quasi-stagnation
(+ 1,48 %) par rapport à la même période de 2018, selon le minis-
tère du Tourisme. Pour tenter d’enrayer l’essoufflement du sec-
teur, les autorités ont annoncé la semaine dernière un plan de
relance de 10 milliards de dollars, en partie destiné a u tourisme.

la lettre de Boris Johnson, et en juge
certains éléments « incorrects » et
« trompeurs ». Ce qui se clarifie un
peu plus, en revanche, est la posture
de négociation de Boris Johnson.
Elle consiste à tenter de mettre la
pression sur les Européens. Pour
mieux les convaincre de faire bou-
ger leurs lignes rouges, il brandit
avec constance la menace
d’un Brexit sans accord. Après avoir
prévenu que la liberté de circulation
des personnes prendrait fin le
31 octobre dans un tel scénario, le
gouvernement s’apprête à lancer
une campagne de communication
pour préparer la population à un
divorce sans accord.
Cette stratégie n’est pas sans ris-
que : des fuites de presse ont révélé,
le week-end dernier, une étude du
gouvernement anticipant une situa-
tion chaotique dans ce scénario.
Face aux ministres qui s’emploient à
dire que ce document était daté, le
dirigeant de l’opposition travailliste,
Jeremy Corbyn, est monté au cré-
neau, en exigeant que soient
publiées immédiatement les études
d’impact les plus récentes.n

Brexit : Boris Johnson relance les hostilités


les auteurs du rapport pour mesu-
rer le taux de contamination, est
dépassé dans la plupart des régions
riches de la planète, partout en
Europe et dans l’est des Etats-Unis
notamment.
« Le fait d’être un pays à haut
niveau de revenus ne vous immunise
pas », signalent les experts. Les-
quels observent d’ailleurs que « la
gamme des polluants a tendance à
augmenter avec la prospérité » d’un
pays. Aux Etats-Unis, plus de 1.
nouveaux produits chimiques –
environ trois par jour – sont enre-
gistrés. Remédier à cette situation
sera « difficile » pour ces pays pour-
tant censés avoir les moyens d’y
faire face. A plus forte raison, ce
sera « quasiment impossible » pour
ceux qui ne les ont pas, estiment les
spécialistes de la Banque mondiale.
Sur une planète où plus de 80 % des
eaux usées (95 % dans certains pays
en développement) sont rejetées
sans traitement, investir dans des
installations d’assainissement
relève de l’urgence.
Mais à supposer que cet effort
puisse être réalisé, il a toutes les
chances d’être vain, s’il n’est pas
accompagné d’un soutien appro-
prié aux structures chargées de
veiller à la bonne qualité des eaux et
d’une farouche volonté de tenir les
populations informées des risques
qu’elles encourent pour mieux les
prévenir.n

La pollution des eaux ampute


la croissance des pays du Sud


de personnes, la population du Ban-
gladesh. Un pays où les eaux salines
augmentent sévèrement le taux de
mortalité infantile : il représente
jusqu’à 20 % d ans les zones c ôtières.
S’agissant des microplastiques,
qui ont envahi les eaux du globe, le
rapport de la Banque mondiale ne
tire aucune conclusion quant à leur
impact sanitaire. Les données
exhaustives sur le sujet manquent
encore. Mais certaines données
invitent à réfléchir. Ces substances
ont été retrouvées dans pas moins
de 80 % des eaux de source, 81 % d es
eaux distribuées par les villes et
93 % de l’eau conditionnée en bou-
teille, indiquent les experts de la
Banque mondiale qui appellent à
renforcer la prévention.
Ce problème de contamination
ne se pose pas qu’aux pays en déve-
loppement. Le « déficit en oxygène
des eaux » (Biological Oxygen
Demand), l’indice mis au point par

Sur une planète où
plus de 80 % des eaux
usées sont rejetées
sans traitement,
investir dans
des installations
d’assainissement
relève de l’urgence.

Les derniers
chiffres de l’activité
américaine
montrent
une croissance
soutenue
des dépenses
des ménages.
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