Saveurs - 05.2019

(lily) #1

GOURMET


SAVEURS No^255 - 45


C


’est un don de la nature. Un des rares aliments
transformés uniquement par le travail spontané
de l’abeille, l’homme ne se chargeant que de la
collecte, de l’épuration et du conditionnement. Le
miel est le produit du nectar des fleurs ou du miellat (des sécré-
tions d’insectes suceurs de sève) récoltés par les butineuses
et transformés en sucres (glucose, fructose notamment) par
les enzymes de leur jabot. Un produit naturel et unique, dont
le goût, la couleur et la texture évoluent au gré des pollens
butinés. C’est aussi une des toutes premières nourritures de
l’humanité : l’homme du Paléolithique s’ingéniait déjà à trou-
ver des techniques pour rendre moins périlleuse la récolte du
précieux nectar, poussé par un instinct inné pour le sucré.

Divin délice
Pendant longtemps, le miel a été considéré comme un cadeau
des dieux. « Salive des étoiles » et « sueur du ciel », comme
l’écrit Pline l’Ancien. Les Égyptiens pensaient qu’il naissait des
larmes d’Amon-Rê. Pour eux, c’est non seulement un aliment,
mais aussi un remède et un ingrédient indispensable pour les
embaumements. Premiers apiculteurs, comme en témoignent
des fresques sur les murs des temples, ils installent les essaims
dans des vases d’argile empilés. Dans la cuisine de la Grèce
antique, le miel est très utilisé et l’hydromel coule à flots, bien
avant le vin. Chez les Romains, le miel est, avec le vinaigre
et le garum, un ingrédient majeur des sauces. L’histoire culi-
naire a d’ailleurs retenu le nom d’Apicius, riche gastronome
romain à qui le chef Alain Senderens a rendu hommage avec
son « canard Apicius », au miel et aux épices. Le miel est aussi
consommé chez les Amérindiens – dans des boissons où il est
mélangé au cacao –, et en Asie. Il semblerait d’ailleurs que la
première recette de pain d’épice au miel soit chinoise.

Un goût inimitable
Le miel restera longtemps le seul édulcorant, jusqu’à ce que
le sucre de canne soit rapporté en Europe au xiie siècle par les
Croisés, puis qu’au xixe siècle se développe l’industrie de la
betterave sucrière. Si ces sucres plus « raffinés » sont désor-
mais prisés, le miel n’en demeure pas moins un ingrédient
indispensable du répertoire culinaire français, notamment. Si
l’on raconte que le pain d’épice faisait partie de la ration des
cavaliers de Gengis Khan, il est devenu à la Renaissance la spé-

cialité de Reims, puis de Dijon. Montélimar s’est imposée dès le
xviie siècle comme la capitale du nougat, tirant parti du miel de
lavande provençal et des amandiers du Vivarais. Le chouchen,
version bretonne de l’hydromel, était préparé à base de moût
de pommes et, historiquement, de miel de sarrasin, dont la
production se raréfie de nos jours. En pâtisserie, c’est surtout
du côté du Maghreb que le miel coule à flots, nappant

Dans des rayons, les
abeilles construisent des
alvéoles de cire pour y
stocker le miel. Certains
apiculteurs le proposent
sous cette forme.

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