tuent une manne pour les industriels. Elles sont donc considérées
comme des « ressources à fort potentiel d’innovation » suscitant
de nombreuses convoitises.
Une pratique florissante
Christophe Ceresero (voir encadré page 59) fait partie des quelques
centaines de cueilleurs professionnels en France. Selon lui, si la
cueillette doit être responsable en favorisant la rotation des zones
et un prélèvement parcimonieux des espèces afin de ne pas avoir
d’impact sur leur renouvellement, c’est aussi une pratique qui per-
met la valorisation d’un produit et d’un territoire. L’exemple du
lactaire sanguin, un champignon très présent dans le Bugey, est
à ce titre un bon exemple. Poussant en nombre dans cette région
de l’Ain, il n’est pas consommé sur place, mais très apprécié dans
les pays du Sud, comme l’Italie et l’Espagne, qui en font des
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SAVEURS No^256 - 53
A
vec l’invention de l’agriculture, il y a 10 000 ans, qui a
permis de produire des aliments en plus grand nombre
et de façon plus sûre, on aurait pu imaginer que la
cueillette disparaîtrait. Pourtant, elle suscite encore
un vif intérêt, qui s’explique en partie par la demande croissante
de produits naturels et bons pour la santé. Mais attention, il faut
connaître l’historique des parcelles et la sensibilité aux pollutions
des plantes que l’on cueille. Car qui dit sauvage ou spontané ne
dit pas forcément sain, comme l’explique William Marotte, pré-
sident de la coopérative Sicarappam regroupant des cueilleurs
de plantes sauvages d’Auvergne. Sur les trois cents plantes que
la coopérative propose à la vente, certaines, comme l’aubépine, le
cynorhodon (fruit de l’églantier) ou le sureau, poussent autour des
villes et villages. « Nous les faisons donc systématiquement ana-
lyser afin de s’assurer de leur qualité », poursuit William Marotte,
qui, en ce mois de mars, prélève des bourgeons de figuier dans le
sud de la France. Cueilleur depuis plus de quinze ans, il a assisté
à la raréfaction de certaines espèces du fait de l’activité humaine,
comme l’arrachage des haies avec l’expansion urbaine ou le trai-
tement de certaines zones de montagne, qui a un impact sur la
richesse de la flore sauvage.
Cueillir et préserver
Par ailleurs, face à une demande de plus en plus grande, les
cueillettes doivent être responsables afin de ne pas mettre en
péril les espèces. Beaucoup de cueilleurs sont des amoureux
de la nature, sensibilisés à ces questions. Cependant, certains
arrachent tout, surtout s’ils sont mal payés. Comme le souligne
un rapport de l’Association française des professionnels de la
cueillette de plantes sauvages (AFC) : « En France métropolitaine,
de l’après-guerre jusque dans les années 1960, les cueillettes com-
merciales de plantes sauvages ont longtemps représenté des reve-
nus d’appoint pour les familles installées dans les zones rurales.
[...] Si de plus en plus d’agriculteurs ont délaissé cette activité
peu lucrative et synonyme d’archaïsme et de pauvreté, d’autres
acteurs, souvent des néo-ruraux, s’en sont saisis, faisant des cueil-
lettes des plantes sauvages une réelle opportunité pour habiter
et valoriser autrement un espace rural en déprise. » Le rapport
poursuit : « Les nouvelles stratégies d’approvisionnement qui se
profilent placent donc la flore de certains pays européens, dont la
France, au cœur d’une véritable spéculation qui soulève de fait la
question des conditions de l’utilisation durable de ces ressources
et des modes de régulation à inventer à l’échelle des territoires
pour gérer ces prélèvements. » Aujourd’hui, ces plantes consti-
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AUX ORTIES
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