Saveurs - 09.2019

(coco) #1
Nicolas Carmarans
à la dégustation, dans
sa vieille cave voûtée
contenant des barriques
de 228 et 500 litres.

PORTRAIT DE VIGNERON Nicolas Carmarans


108 - SAVEURS No^258


À quelques kilomètres de Mauvais Temps, Nicolas possède
un autre îlot de vignes. Du village de Campouriez, une petite
route sinueuse et forestière descend jusqu’au bord des gorges de
la Truyère et le lieu-dit Izagues. L’endroit respire la sérénité. C’est
dans ce hameau que le vigneron a posé son baluchon. C’est là aussi
qu’il a installé son chai et qu’il élève ses vins sous les voûtes d’une
cave ancienne dans des barriques de 228 et 500 litres.

Des vignes pleines de vie
Devant sa bâtisse, le dénivelé plus doux qu’à Mauvais Temps lui
a permis de planter ses pieds de chenin et de fer servadou – égale-
ment appelé mansois – dans le sens d’une pente argilo-limoneuse.
Cette ancienne pâture à vaches n’a jamais vu de vigne auparavant
et encore moins de chimie. À force de l’arpenter à pied, Nicolas
connaît son coteau sur le bout des doigts. Au printemps, il faut
ébourgeonner pour réguler le rendement, passer l’intercep ou
encore piocher autour des pieds pour éliminer la végétation qui
ferait trop concurrence à la vigne encore jeune. Régulièrement,
Claude, le père, vient donner un coup de main à son fils. La femme
de Nicolas, Biba, est aussi un soutien extrêmement précieux. Loin
des vignes menées en chimie qui ne donnent plus grand signe de
vie, celle-ci en est pleine : insectes, coccinelles, fourmis et vers de
terre de gros calibre se baladent parmi les géraniums sauvages, les

achillées millefeuilles, les renoncules, les trèfles et autres rumex
qui s’invitent dans la parcelle.
Depuis son installation, Nicolas a pris le temps de connaître ses
terroirs et de les identifier, il a pris la mesure du métier : « J’ai fait
des erreurs au début, mais j’ai plein de copains vignerons. On
discute beaucoup, même si ce qui marche chez eux ne marche
pas forcément chez moi, et vice versa. » Des principes mais pas de
recette. À chacun d’adapter sa philosophie à sa géographie, son cli-
mat, ses terroirs, l’âge de ses vignes ou encore ses cépages. L’affaire
ne se fait pas en un jour, et rentrer en pleine connivence avec son
contexte exige de la patience. Nicolas explique par exemple :
« Aujourd’hui, j’arrive enfin à faire des vins rouges que j’aime
boire. Au départ, j’étais persuadé de ne pas pouvoir faire quelque
chose de bon et de pas trop rustique avec le fer servadou. Et puis je
me suis rendu compte que c’était à moi de m’adapter à ce cépage
et pas le contraire, de faire en sorte de prendre son énergie et pas
sa force, d’exprimer son essence, son côté racinaire. En vinification,
je privilégie donc plutôt une douce infusion qu’une extraction
brutale, qui ferait ressortir une trop grande rusticité. Tout en ayant
une structure et une colonne vertébrale affirmées, les vins de ce
cépage s’expriment avec une complexité portée notamment par
des arômes de gentiane, une légère amertume qui est la marque
de fabrique du domaine. Je suis content d’arriver à ça. »

258-VIGNOBLE-BAT.indd 108 05/07/2019 16:51

Free download pdf