Saveurs - 09.2019

(coco) #1

Le chef étoilé Thierry Marx a


créé des écoles destinées aux


adultes en situation de précarité


professionnelle afin que la cuisine


devienne un outil de réinsertion.


Une recette qui marche!


Pari


réussi


Texte Emmanuelle Jary. Photos Claire Payen.

CASSEROLES SOLIDAIRES


SAVEURS No^258 - 21


E


n 2004, Thierry Marx est élu Chef de l’Année, il fait
l’objet d’un reportage pour l’émission Envoyé Spécial
et d’un portrait dans Libération. Une journaliste lui
pose alors cette question qui sera déterminante pour
la suite : « Comment en êtes-vous arrivé là, vous qui avez grandi
dans un quartier défavorisé? » Sa réponse : « J’ai bénéficié de plu-
sieurs cadres éducationnels comme le sport, l’apprentissage avec
les compagnons du devoir et l’armée. » Thierry Marx prend alors
conscience des inégalités et décide d’aider les personnes éloignées
de l’emploi à retrouver un cadre mais également un réseau, car
c’est bel et bien ce qui fait défaut dans les quartiers prioritaires des
villes, comme on qualifie aujourd’hui les quartiers en difficulté.
« Il y a quelques années, j’ai travaillé pour le Secours populaire et
les Restos du Cœur. J’ai rencontré Véronique Colucci et, en parlant
avec elle, j’ai compris que pour les personnes en précarité, il n’y
avait pas de solution d’apprentissage. C’est comme un trou dans la
raquette. » Il décide d’agir. Mais si Thierry Marx connaît tout de la
cuisine, il lui fallait une aide administrative. Le hasard met sur sa
route Véronique Carrion, juriste sensible aux questions d’insertion,
de développement économique et d’emploi. Thierry Marx élabore
le programme pédagogique pour la cuisine, la boulangerie et les
métiers du service, tandis qu’avec l’aide de la mairie du 20e arron-
dissement de Paris, Véronique trouve un local. Les demandes
de formation étant de plus en plus nombreuses, ils cherchent
rapidement un lieu plus grand, une ancienne imprimerie. Ils y
construisent deux cuisines professionnelles et une boulangerie, sur

1 000 m^2 , auxquels s’ajoutent 300 m^2 d’espace événementiel. Là,
pendant 12 semaines, les 130 stagiaires apprennent 80 recettes et
80 gestes. « On enseigne le pratique qui est dispensé en CAP, mais
pas la théorie. Donc nos stagiaires se mettent à la cuisine tout de
suite », explique le chef. Et Véronique Carrion, aujourd’hui direc-
trice des centres de formation Cuisine Mode d’Emploi(s), d’ajou-
ter : « Il ne faut pas perdre de vue que ce sont tous des adultes qui
ont en moyenne 30 à 35 ans, donc il faut que ça aille vite pour les
remettre sur le marché de l’emploi. Ils apprennent ensuite plus
profondément en pratiquant le métier, le but étant de leur mettre
un pied sur la première marche. »

Des résultats impressionnants
Après cette formation, à raison de 35 heures par semaine, les
apprentis sont orientés vers un stage en milieu professionnel.
« 90 % d’entre eux trouvent un emploi », annonce fièrement
Thierry Marx, qui consacre tous ses lundis – jour de fermeture de
son restaurant étoilé le Sur Mesure, au Mandarin Oriental, à

Les apprentis viennent de tous horizons. Ils créent des liens lors de leur
passage dans l’école et se constituent ainsi un réseau qui leur sera précieux.

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