Saveurs - 09.2019

(coco) #1

SAVEURS No^258 - 35


S


ur l’étal du maraîcher, elle tient son rang à côté de
la pomme. On s’est habitué à ce qu’elle fasse partie
de la corbeille de fruits, quitte à oublier sa saisonna-
lité. Et surtout son incroyable variété. Il faut, comme
souvent, prêter attention aux expressions populaires pour se
rappeler que la poire a longtemps été un fruit d’exception.
On la « coupe en deux » pour décider d’un compromis, on la
« garde pour la soif » quand il s’agit d’économiser. Ce n’est
qu’au xixe siècle qu’elle va perdre de sa superbe. La « bonne
poire » devient objet de caricature et de moquerie quand on lui
prête les traits du roi Louis-Philippe. On se la fend allégrement
et on oublie qu’on la dégustait avant le fromage.
La poire, telle que nous la connaissons aujourd’hui est issue
d’une longue évolution et de sélections horticoles. Toutes les
variétés actuelles proviennent du poirier sauvage Pyrus commu-
nis, originaire d’Asie Mineure. Comme la pomme, c’est un faux
fruit à pépins, nommé « piridion » par les botanistes (le vrai fruit
est en fait le trognon). On trouve sa trace il y a plus de 6 000 ans,
mais les poires sont alors des petits fruits durs comme la pierre.
Ce sont les Romains qui vont commencer à s’y intéresser, à les
sélectionner et à diffuser leurs cultures. Pline en recense une
quarantaine de variétés. Elles sont consommées crues, sèches ou
cuites, fermentées dans une boisson proche du poiré. Au Moyen
Âge, les poires sont encore assez coriaces, comme le suggère le
nom d’une variété de l’époque, la « caillou rosat ». Les meilleures
se voient attribuer des noms flatteurs tels que « bon-chrétien ».

Aristocrate et voluptueuse
La Renaissance marque le développement de l’amélioration de
la poire, mais c’est surtout La Quintinie, le jardinier de Versailles,
qui va se passionner pour ce fruit. Objet de toutes les attentions,
la poire s’impose comme le fruit de l’aristocratie. Sa chair devient
fondante comme du beurre, sa peau rugueuse s’affine, et sa
saveur âpre se fait sucrée et parfumée. C’est l’avènement de la
poire dite « à couteau ». Alors qu’on ne la consommait jusqu’ici
que cuite, elle prend sa place sur les plus belles tables, dégus-
tée crue en fin de repas. Louis XIV en raffole, et les souverains
rivalisent pour enrichir leurs collections. Côme III de Médicis
en aurait ainsi fait servir 232 variétés lors d’un dîner! Peu de
fruits vont ainsi atteindre les sommets de l’arboriculture et une
telle ascension sociale. Les poires conserveront leur aura jusqu’au
xixe siècle, et l’on peut imaginer les promesses de volupté que
suggéraient leurs noms évocateurs comme la « cuisse-madame »,
la « trésor d’amour » ou la « bellissime de jardin ».
De ces quelque 2 000 variétés, il n’en subsiste plus qu’une
dizaine sur nos étals. Il faut ainsi se tourner vers des

SALADE D’ÉPINARDS AUX POIRES,
SAUCE À LA MENTHE ET CROÛTONS AU BRIE
Appétissant
Préparation : 20 min. Cuisson : 5 min. Pour 4 personnes :
n120 g de pousses d’épinard n2 poires conférence bio, pas
trop mûres n1/2 baguette tradition n160 g de brie n120 g de yaourt
brassé n1/2 bouquet de menthe n1 citron bio n1 c. à soupe
bombée de pistaches émondées non salées n1 c. à soupe d’huile
d’olive nSel, poivre


  1. Râpez finement le zeste du citron et récupérez son jus. Dans
    le petit bol d’un mixeur, mélangez le yaourt brassé, l’huile d’olive
    et les feuilles de menthe. Salez et poivrez. Ajoutez le zeste et
    le jus du citron. Mixez le tout pour obtenir une sauce onctueuse.
    Réservez au réfrigérateur.

  2. Préchauffez le four à 200 °C.

  3. Coupez le pain en 8 petites tartines. Sur chacune, répartissez
    le brie coupé en petites tranches. Ajoutez sur chacune un peu
    de poivre et quelques pistaches concassées. Enfournez quelques
    minutes jusqu’à ce que le fromage soit doré.

  4. Pendant ce temps, épépinez les poires, coupez-les en lamelles.
    Répartissez les pousses d’épinard dans 4 assiettes, ajoutez les poires,
    nappez de sauce à la menthe et répartissez les croûtons sortis du
    four. Parsemez éventuellement de feuilles d’oxalis et servez aussitôt.
    Notre conseil vin : un pouilly-fumé.


Assiette et coupelle Margot Lhomme.

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