Philosophie Magazine - 09.2019

(Nora) #1
8 9

de pleurs, ou pour l’arrêter s’il a déjà commencé.
Il est évident qu’alors la conscience de l’acte
accompli et la volonté sont tout d’abord mises
en jeu, ce qui ne veut pas dire que, dans ces cas
ni dans d’autres analogues, nous sachions
quels sont les muscles qui sont mis en action,
pas plus que quand nous accomplissons volon-
tairement les mouvements usuels.
Quant aux mouvements expressifs dus au
principe de l’antithèse, il est clair que pour eux
la volonté est intervenue, quoique d’une façon
éloignée et indirecte. Il en est de même des
mouvements qui résultent de notre troisième
principe : par cela même qu’ils sont sous la
dépendance de la facilité plus grande qu’a la
force nerveuse à passer dans des voies dont
elle a l’habitude, ces mouvements ont été
déterminés par l’exercice antérieur et répété
de la volonté. Les effets dus indirectement à
cette dernière force sont souvent combinés
d’une manière complexe, par la force de l’ha-
bitude et de l’association, avec ceux qui
résultent directement de l’excitation du
système cérébro-spinal. Il semble qu’il en est
ainsi, lorsque l’action du cœur s’accroît sous
l’empire d’une forte émotion. Quand un ani-
mal hérisse son poil, quand il prend une atti-
tude menaçante et jette des cris perçants
pour effrayer un ennemi, nous sommes
témoins d’une intéressante combinaison de
mouvements originellement volontaires et
de mouvements involontaires. Il est pos-
sible cependant que des actes même abso-
lument involontaires, comme l’érection


des poils, aient pu subir la mystérieuse
influence de la volonté.
Certains mouvements expressifs se sont
peut-être produits spontanément, sous l’in-
fluence de divers états d’esprit, comme les tics
dont nous avons parlé précédemment, pour
devenir ensuite héréditaires. Mais je ne con-
nais aucun fait qui confirme cette hypothèse.
La faculté d’échanger ses idées au moyen
du langage entre membres d’une même tribu a
joué un rôle capital dans le développement de
l’humanité ; mais les mouvements expressifs
du visage et du corps viennent singulièrement
en aide au langage. On s’en aperçoit bien vite
quand on parle de quelque sujet important
avec une personne dont le visage est caché. Il
n’existe pourtant pas de bonne raison, autant
que j’ai pu m’en assurer, pour supposer qu’au-
cun muscle ait été développé ou même modi-
fié exclusivement en vue de l’expression. Les
organes vocaux seuls, et les autres organes
à l’aide desquels se produisent divers sons
expressifs, semblent faire exception à cette
règle ; mais je me suis efforcé ailleurs de
démontrer que ces organes se sont dévelop-
pés à l’origine pour des raisons relatives au
sexe, et afin que l’un des deux sexes pût appe-
ler ou charmer l’autre. Je ne vois non plus
aucun motif d’admettre qu’aucun des mou-
vements héréditaires qui servent aujourd’hui
comme moyens d’expression ait été à l’ori-
gine accompli d’une manière volontaire et
consciente, dans ce but spécial, à l’instar de
certains gestes employés par les sourds-muets
Free download pdf