Philosophie Magazine - 09.2019

(Nora) #1

Qui ne voit que j’ai pris une route par laquelle,


sans cesse et sans travail, j’irai autant qu’il y aura


d’encre et de papier au monde?


Michel de Montaigne, Essais, III, « De la vanité »


Au niveau mondial, on produit et utilise 54 cartouches d’encre par seconde, soit 1,1 milliard de cartouches par an.

Le prix de l’encre (pigments, fluides et additifs) nécessaire aux cartouches des imprimantes varie entre 800 et 2 500 euros le litre,
soit, en fourchette haute, le prix d’une bouteille de petrus d’un millésime récent.

L’encre destinée aux stylos est 50 fois moins chère que celle des cartouches.

Plus de 60 % des cartouches usagées filent directement dans une poubelle ou dans une décharge.

Chaque année, 50 millions de cartouches laser sont vendues en Europe. Elles contiennent 25 000 tonnes de toner
(de l’encre en poudre) et 50 000 tonnes de plastique. Chaque cartouche laser jetée contient encore 15 % du toner initial.

Il faut environ 1 000 ans pour que le plastique d’une cartouche d’encre d’imprimante se décompose.

L’encre des tatouages est faite d’un fluide porteur et de pigments, généralement, organiques, soit plus de 200 colorants
(2,53 milligrammes de pigments en moyenne au centimètre carré) et additifs dont on ignore les effets à long terme sur la peau.

De toutes les encres invisibles utilisées depuis l’Antiquité, celle à base de jus de citron est la plus facile d’emploi
et nécessite une simple lampe de 150 watts pour révéler le message sans brûler le papier.

Le fameux test conçu par le psychiatre suisse Hermann Rorschach en 1918 « pour rendre certains services
à la psychanalyse » devait compter 15 planches à interpréter par les patients, seules 10 ont été retenues par son éditeur.
Au moment de la publication en 1921, Rorschach considérait déjà son test dépassé.

Faite de mélanine, l’encre des pieuvres et autres céphalopodes est tellement stable qu’une naturaliste anglaise, Elizabeth Philpott, a pu dessiner
en 1833 un crâne de dinosaure marin avec l’encre extraite d’une seiche vieille de plus de 100 millions d’années.

L’invention de l’encre de Chine – mélange de gélatine animale, de noir de carbone et de charbon d’os –
est attribuée à Tien-Tchen, qui aurait vécu sous le règne de l’empereur légendaire Huángdì (2698-2597 av. J.-C.).

Des chercheurs de l’université de KyŌto ont reproduit La Grande Vague de Kanagawa, célèbre estampe de Hokusai,
avec une résolution de 14 000 points par pouce ou dpi (une imprimante classique offre, à titre de comparaison,
une résolution de 300 dpi) en induisant des microfractures sur un film de polymères.

Une peinture à l’encre de Chine réalisée au XIe siècle par l’un des plus grands maîtres de la littérature chinoise, Su Shi,
a été adjugée pour 52,5 millions d’euros lors d’une vente aux enchères à Hong Kong l’an dernier.

AU FIL D’UNE IDÉE

A


ctualité


Sources : Planétoscope, Journal du Net, Toner Recycle, ÉcoInfo/CNRS, Green Cartridge, In Chemistry/American Chemical Society,
Codes, Ciphers and Secret Writing, par Martin Gardner (Dover Children’s Activity Books, 1984, non traduit), Association française pour l’information scientifique, University College de Londres,
Bulletin de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale (vol. 82, 1883, p. 157), Nature, Le Point. © pixabay

Encres sympathiques


Par Sven Ortoli

24 Philosophie magazine n° 132 SEPTEMBRE 2019

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