Philosophie Magazine - 09.2019

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4 IDÉES À RETENIR

4 IDÉES À RETENIR

En 1972, le psychologue

américain Paul Ekman

a publié une étude montrant

que tous les êtres humains

partagent six émotions

de base (joie, tristesse, dégoût,

peur, colère, surprise)

mais aussi qu’ils les expriment

à travers des expressions

universelles du visage.

Un argument contre le credo

selon lequel « tout est culturel »?

Après s’être intéressé

aux émotions humaines

quand ses collègues

se passionnaient pour

les algorithmes et l’intelligence

artificielle, le neuroscientifique

António Damásio vient

d’arriver à la conclusion

qu’il sera bientôt possible

de construire des machines

qui ressentent des émotions.

C’est pour quand?

Claire Marin fait l’éloge

de l’excitation, Manon Garcia

de la colère, Yves Cusset

de léthargie...

Cela ne suggère-t-il pas

qu’il est essentiel d’apprendre

à nommer les émotions

qui nous traversent – fussent-

elles sombres?

On aurait tort de croire que

la société nous laisse libres

d’exprimer nos émotions,

souligne Michaël Fœssel. À l’ère

de la « marchandisation des

affects », elle incite plutôt

à activer, tel un comédien,

nos émotions selon les attentes

de telle ou telle situation. Mais

ressentons-nous encore la joie

ou l’exaspération, lorsqu’on

les manipule?

A

près avoir infligé une blessure narcis-

sique à l’homme en lui révélant qu’il était

un cousin du singe, Darwin ne pouvait s’ar-

rêter en si bon chemin. De fait, avec L’Expres-

sion des émotions chez l’homme et les animaux, il imprime un

autre grand virage à la pensée occidentale. En effet, c’est

lui qui lève la condamnation qui pesait jusqu’alors sur les

émotions. Là où, depuis Platon et jusqu’à Kant, elles

étaient considérées principalement comme des perturba-

tions qu’il s’agissait de dominer par la force de la raison,

le naturaliste anglais note au contraire que « le langage des

émotions [...] a certainement son importance pour le bien de

CHARLES DARWIN

CAHIER CENTRALL’Expression des émotions chez l’homme et les animaux(extraits)

ÉMOTIONS ?QUE FAIRE DE NOS

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Les Émotions cachées

des plantes / Didier van

Cauwelaert (Plon, 2018)

Cet essai est à la fois le livre d’un

écrivain épris des plantes et d’un

esprit curieux compilant les décou-

vertes scientifiques sur la vie végé-

tale. Loin d’être réservées à la vie

animale, les émotions animent aussi

les plantes, dit-il. Elles se fortifient

quand nous les caressons, déclinent

lorsque nous les insultons, commu-

niquent leur peur en cas de danger

et, ainsi, s’adaptent à leur environ-

nement. À la racine de notre huma-

nité, exactement.

Ludwig von Beethoven /

Symphonie n° 3 en mi bémol

majeur, dite « héroïque » (1805)

La symphonie dite « héroïque »,

composée en l’honneur de Napo-

léon Ier, est considérée comme

l’œuvre séminale du romantisme

musical qui dominera le XIXe siècle.

Elle se caractérise par la primauté

donnée à l’expression des émotions

sur la beauté de la forme. Beethoven

étire une marche funèbre pour explo-

rer nos états affectifs – de la sombre

misère à l’allègement consolateur – et

conclut, de manière alors peu cou-

rante, par une apothéose.

Vice-Versa / de Pete Docter

et Ronnie Del Carmen (Pixar,

Disney, 2015)

Ce film d’animation est porté par une

ambition étonnante : mettre en scène

le fonctionnement du cerveau d’un

être humain – celui d’une petite fille

de sa naissance à son adolescence. Et

c’est un théâtre où s’affrontent, négo-

cient et coopèrent cinq personnages

incarnant autant de grandes émo-

tions. C’est ainsi que Joie, Tristesse,

Colère, Dégoût et Peur prennent tour

à tour la direction des opérations. Et

nous font revisiter le maelström des

premières années de notre vie.

L’Expérience intérieure /

Georges Bataille

(Gallimard, 1943)

Un livre magnifique saturé d’extases,

d’effroi et d’ennui. Bataille s’y attache

à cerner ce qu’il nomme « expérience

intérieure », plutôt que mystique : une

« émotion méditée » par laquelle notre

individualité se dissout jusqu’à se

prendre « pour la nuit ». Dans le sillage

de Nietzsche, il participe ainsi à une

réforme, ou à une transgression, du

discours philosophique : il ne s’agit

plus, afin d’approcher la vérité, de

prouver le monde mais de l’éprouver

de la plus intense des manières.

CAHIER CENTRAL

l’humanité ». Ainsi la peur nous permet-elle d’échapper au

danger, et le dégoût nous évite de nous empoisonner.

Mieux, ces « actes expressifs » innés que sont la joie ou la

colère, le haussement d’épaules en signe d’impuissance

ou les bras levés pour manifester notre étonnement, per-

mettent aux humains de communiquer spontanément

entre eux. C’est donc bien un instinct universellement

partagé qui relie, par-delà les différences culturelles ou

ethniques, toute l’humanité. Et c’est un instinct qui nous

vient de très loin : après tout, «  il n’est pas jusqu’aux in-

sectes qui n’expriment la colère, la terreur, la jalousie et

l’amour par leur bourdonnement ».

p. 48 p. 56 p.^64

POUR ALLER PLUS LOIN

p. 60

POUR PROLONGER LA LECTURE DU DOSSIER, RETROUVEZ DES EXTRAITS DE L’EXPRESSION

DES ÉMOTIONS CHEZ L’HOMME ET LES ANIMAUX (1872), DE CHARLES DARWIN.

Philosophie magazine n°132SEPTEMBRE 2019 69