Philosophie Magazine - 09.2019

(Nora) #1

LA CITATION CORRIGÉE


94 Philosophie magazine n° 132SEPTEMBRE 2019


Chronique
de François Morel *

9494


« La vie oscille, tel un pendule,


de l’ennui à la souffrance »


* Comédien et chanteur / Reprend ses chroniques sur France Inter le vendredi matin à 8h55 dans le 7-9. Elles seront réunies dans le livre Chroniques 2017-2019,
à paraître aux éditions Denoël / En octobre, il part en tournée avec son spectacle J’ai des doutes. Devos/Morel et sera à La Scala (Paris) du 5/11 au 5/01. © Serge Picard pour PM

; pixabay

.

Pour aborder la ren-
trée de façon confiante,
positive, optimiste, rien
de mieux qu’une citation
de Schopenhauer!
Bien sûr, j’aurais pu choi-
sir une citation de Sim, par
exemple celle-ci : « Il vaut
mieux être accueilli par
quelqu’un à bras ouverts que
par personne à Brazzaville »,
mais je connais mes em-
ployeurs, ils vont considérer
que Sim n’a pas tout à fait le
bagage philosophique suffisant pour être retenu comme auteur di-
dactique de référence. Dommage. Revenons à Schopenhauer.
Personnellement, je préférerais certifier que « la vie oscille,
tel un métronome, de la rigolade à la jouissance », mais en
suis-je tout à fait certain? J’aimerais affirmer que « la vie hésite,
comme un balancier, entre plaisir et ravissement », mais en suis-
je si intimement persuadé?
Sans doute eût-il été plus commode pour moi de choisir de gloser
sur une citation de Pierre Doris, par exemple celle-ci : « Les morts ont
de la chance : ils ne voient leur famille qu’une fois par an, à la Toussaint. »
Là encore, je crains que Pierre Doris, qui pourtant n’hésite pas à
traiter de la question de la mort, ne soit pas considéré par mon ré-
dacteur en chef comme un philosophe majeur – même s’il a joué le
rôle du médecin-chef (Pierre Doris, pas mon rédacteur en chef )
dans Les Planqués du régiment (1983) de Michel Caputo. (Michel Ca-
puto est également le réalisateur de Qu’il est joli garçon l’assassin de

papa, connu aussi sous le
titre de Arrête de ramer, t’at-
taques la falaise! [1979], ain-
si que de Si mon cul vous était
conté [1981], sans oublier
Chaude et humide Natacha
[1982]. Décidément, Philo-
sophie magazine est une re-
vue fort instructive !)
Tant pis. Ne nous éloi-
gnons pas trop de Scho-
penhauer.
Pour ma part, je souhai-
terais crier haut et fort que
« la vie tergiverse comme un oscillatoire perplexe entre serpen-
tins et cotillons, sarbacanes et confettis, coussins péteurs et lan-
gues de belle-mère », mais ne serait-ce pas un peu exagéré?
Mon pedigree affectif et culturel m’aurait plus naturellement
conduit à sélectionner une pensée de Francis Blanche – celle-ci, au
hasard : « Quand on a la santé, ce n’est pas grave d’être malade. » Là en-
core, du fait de l’ostracisme réputé de nos élites intellectuelles (qui
s’immisce jusqu’au sommet éditorial d’une revue philosophique
prétendument réputée ouverte d’esprit), on va me reprocher de
ne pas choisir un philosophe estampillé pur sucre.
Ce n’est pas faire injure à Schopenhauer de considérer que,
sur l’échelle de la rigolade, il est situé à un niveau assez bas. En re-
vanche, on peut lui être reconnaissant, à l’instar de Sim, de Pierre
Doris et de Francis Blanche, de ne jamais avoir pillé les stand-uppers
anglophones.
Vous voulez que je vous dise?

« La vie oscille , tel un pendule ,


de la souffrance à la consolation »

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