Version Femina N°907 Du 18 Août 2019

(Jacob Rumans) #1

Société


DCAIUS – D. R.

S


’affirmer dans une identité et une
sexualité qui diffèrent des arché-
types sociaux relève encore en
France d’un parcours semé d’obs-
tacles et de beaucoup de souffrance. Sur-
tout à l’adolescence. L’homophobie ordi-
naire, en hausse de 15 % depuis début

2018, selon le ministère de l’Intérieur,
rend plus difficile l’entrée de ces ados dans
la vie adulte. L’anthropologue Thierry
Goguel d’Allondans alerte sur la « sursui-
cidabilité » des jeunes LGBTQIA+ (voir
encadré). « Ils perçoivent vite que ce qu’ils
vivent et représentent met mal à l’aise bon

nombre d’adultes, dérange les pairs, bou-
leverse l’ordre établi, écrit-il dans son livre
Ados LGBTI (Chronique sociale). Alors,
ils se cachent, s’abstiennent, fuient ou, au
contraire, se révoltent. Rares sont celles
et ceux qui ont pu trouver assez tôt une
oreille attentive. » On les écoute...

LGBT ou LGBTQIA+ ?
Le sigle LGBT (Lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres) a remplacé dès le début des années 90 le terme «gay » jugé trop restrictif,
mais on voit apparaître des variantes comme LGBTQ, recommandé aux Etats-Unis, LGBT+ ou encore LGBTQIA+, qui ont pour but de
représenter l’ensemble des identités possibles en dehors de l’hétérosexualité : Q comme « queer » (une personne qui ne se sent pas
appartenir à un genre défini), I comme « intersexe » (née ni homme ni femme), A comme « asexuel », + pour « tous les autres ».

LGBT


Les nouveaux combattants


Derrière ce sigle, qui désigne toute personne qui n’est pas hétérosexuelle, il y a, entre
autres, des ados. Rencontre avec des jeunes aussi courageux que vulnérables.
Par Tiphaine Honnet

Aelfgyve, 18 ans
« Pourquoi devrais-je subir
une transformation? »
« Quand je présente mes papiers, on me dévisage. Je sais que je vais
devoir expliquer ma vie. Voilà, pour l’état civil, je suis une fille. Aux
yeux de la médecine, je souffre d’un syndrome de Mayer-Rokitansky-
Küster-Hauser (MRKH), soit une absence partielle du vagin et de l’uté-
rus. Le docteur me l’a annoncé à mes 15 ans avant de conclure : “Cela
n’aura pas de conséquences sur ta santé, mais je peux te proposer des
opérations pour tout réparer.” Mes parents ont flippé. Moi, je me suis
arrêté au fait que j’étais hors de danger. Deux ans et demi plus tard, je
suis tombé sur une plaquette parlant de l’intersexuation dans le centre
LGBT+ de ma ville. L’explication était claire : une personne intersexe est
une personne dont les caractéristiques sexuelles ne correspondent pas
aux normes binaires mâle ou femelle. Ça peut concerner les organes
génitaux tout comme les gonades ou les chromosomes. Pour des raisons
administratives et morales, les médecins mettent la pression aux
parents pour que les enfants intersexes subissent des opérations et des
traitements hormonaux. Au sein du Collectif Intersexes et Allié.e.s
dans lequel je milite, on parle de véritables mutilations. Nous n’avons
pas à nous transformer, c’est aux autres de changer leur regard ! »

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