Version Femina N°907 Du 18 Août 2019

(Jacob Rumans) #1
version femina

ANDRII LUTSYK/GETTY IMAGES

Bien-être


Silence,


je me ressource!


La nouvelle façon de se faire du bien? S’octroyer
une cure où l’on ne pipe pas mot. Décryptage
d’un besoin de plus en plus ressenti.
Par Carole De Landtsheer

Q


u’on se le dise, le silence est à la portée de tous. De nouveaux
publics comme des étudiants sous pression ou des femmes
actives au bord du burn-out accourent dans les monastères
bouddhistes et les abbayes : « Ce sont des personnes qui
traversent une période diffi cile ou ont l’impression que leur vie leur
échappe, qui courent après le temps... Elles s’octroient alors un temps
de calme absolu pour recharger leurs batteries », rapporte Honorine
Grasset, porte-parole des Foyers de charité, qui proposent des retraites
spirituelles. Mais la cure de silence n’a pas forcément de connotation
religieuse, pour peu qu’elle soit pratiquée dans un centre de méditation
en pleine nature ou tout simplement chez soi. Le principe? S’imposer
volontairement une plage de temps, plus ou moins longue, sans échange
verbal avec autrui...

3 exercices* pour débuter


1. La pleine conscience Planifi ez une balade, idéalement dans la nature, en marchant lentement, en observant et en écoutant votre environ-
nement. Cet exercice peut être décliné à d’autres activités (prise de votre repas en silence). 2. La pause visuelle Asseyez-vous, le dos droit,
et inclinez les yeux en direction du sol pour stabiliser le regard et favoriser ainsi un silence intérieur. 3. La posture méditative Placez-vous
à même le sol sur un coussin et concentrez-vous sur votre respiration en observant vos pensées défi ler.


Témoignage
Emmanuelle, 50 ans, a passé une dizaine de jours
dans l’ashram d’Amritapuri, en Inde
« Le silence imposé permet de ne plus être dans la démonstra-
tion ou le contrôle. On ne fait plus semblant et on passe pro-
gressivement du paraître à l’être, plongé dans sa bulle. On se
reconnecte à soi et à l’instant présent. Un vrai bol d’air mental! »

Une pause radicale... mais vitale
« On vit à des rythmes échevelés dans une société de bruits
et de sollicitations permanents », observe David Le Breton,
anthropologue, auteur de Du silence (Métailié). Dans ce
contexte, s’astreindre au silence est devenu un moyen de
sortir de l’hyperactivité induite par nos modes de vie. L’idée
est donc de s’accorder une pause radicale pour se retirer
du monde : « C’est une résistance à l’impératif de toujours
devoir être disponible, de répondre au téléphone et aux
mails. On fait le choix de s’eff acer, de ne plus être dans les
radars sociaux. » Il s’agit de se réapproprier son existence en
se recentrant sur son intériorité : « On se retrouve dans un
monde à soi où les autres ne pénètrent pas pour nous dicter
leur conduite et nous imposer leur vitesse », poursuit David
Le Breton. L’expérience aiderait à prendre de la distance

pour puiser de nouvelles forces et renforcer les capacités
d’écoute et de concentration. Et si la retraite silencieuse était
une façon de détoxifi er notre tête? C’est ce que pense Michel
Le Van Quyen, chercheur en neurosciences à l’Inserm, dans
son livre Cerveau et Silence (Flammarion) : « Le cerveau a
besoin de repos pour évacuer ses toxines et se régénérer. »

* Conseillés par la nonne bouddhiste Kankyo Tannier.
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