31 août 2019—MLemagazine du Monde
Il seraIt tentant devoIr en CélIne sCIammale symbole d’une époque quIChange.La réali-
satrice dePortrait de la jeune fille en feu,en salle le 18 septembre, Prix du scénario au dernier
Festival de Cannes, est une des têtes pensantes et des figures de proue du Collectif 50/50 pour
2020 ,qui entend mettre au jour les inégalités et les discriminations dans le milieu du cinéma
et faire la même place aux femmes et aux hommes dans la production et la réalisation. Militante
àl’intelligence affûtée etàlapensée hyperstructurée, Céline Sciamma n’a pas attendu l’affaire
Weinstein et la mobilisation #metoo pour s’engager dans ce combat. Elle est féministe, les-
bienne etafait des filles et des femmes l’objet unique de son cinéma.
Comme s’ilyavait eu suffisamment de héros masculins dans l’histoire du 7eart?Comme s’il était
temps, maintenant, de regarder ailleurs et autrement?Comme s’il était interdit de ne pas suivre
les chemins tracés par AgnèsVa rda, Chantal Akerman ou, plus récemment, Catherine Corsini ou
Pascale Ferran?Sans doute... Mais aussi, plus simplement, parce que ce sont les visages et les
corps que Céline Sciamma désire filmer,les histoires qu’elleaenvie de raconter.
Il serait donc dommagederéduire Céline Sciammaàunsymbole et d’oublier l’essentiel:elle est
une (grande) cinéaste. Dans le remarquable et passionnant portrait que lui consacre Zineb Dryef
dans ce numéro deMLemagazine du Monde,la romancièreVirginie Despentes, une de ses
amies, dit au sujet dePortrait de la jeune fille en feu:«C’est un film lesbien absolu et en même
temps,çan’est pas le sujet, le sujet c’est l’amour.»Et Sciamma ajoute:«L’ idée que l’inclusif et
l’égalité produisent de l’ennui me révolte. »Elleyvoit surtout l’occasion de produire«dela
surprise et du spectacle ».Elle dit aussi qu’elleapassé sa vieàaimer des films qui ne l’aimaient
pas. Il était, semble-t-il, plus question de faire entendre une voix que de réparer une injustice. Si,
au passage, cela peut aider les filles et les garçons qui viennent la voir lors des projections organi-
sées en France, tant mieux. Mais ce n’est pas le but.
Filmer deux femmes qui tombent amoureuses, c’est simplement filmer l’amour.Montrer une
femme peintre du xviiiesiècle qui s’avance tête haute, c’est mettre en lumière une artiste. Et
s’il fallaitchercher du symbolique dans l’action et l’œuvre de Sciamma, c’est justement cela :
cette faculté et ce talent pour mettre en scène les questions de genre, de sexualité et d’égalité,
de manière romanesque. Comme si elles étaient dédramatisées. Ce que Céline Sciamma
montre, ce sont des personnages, forts et profonds. Pas des victimes, ni des minoritaires. Ce
qu’elle donneàvoir,c’est donc du cinéma. Marie-Pierre LanneLongue
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agazine du Monde.