MLemagazine du Monde —31 août 2019
le 25août,àl’inauguration
du musée de la libération,àparis
Parmi toutes les célébrations de l’anniversaire de la libération de Paris,
le morceau de choix revenaitàl’inauguration du formidable musée
aux trois noms:Musée de la libération de Paris-Musée du général
Leclerc-Musée Jean Moulin, place Denfert-Rochereau. Dès le début
de l’après-midi, les premiers invités se dirigeaient vers une longue file
d’attente pour s’entendre dire«non, ici ce sont les Catacombes, le
Musée de la libération, c’est en face...»Enface, c’est-à-dire dans
l’autre pavillon de la barrière d’Enfer,édifiée par Ledoux. Et voici
Anne Hidalgo en robe bleue et convoi de voitures grises. Invités avec
elle, des membres des familles de Jean Moulin et de Philippe Leclerc
de Hauteclocque, des élus, des mécènes.L’ acteur Jean Benguigui est
venu en voisin. Quelques pas derrière, silhouette élégante derrière des
lunettes aux verres fumés violets, Bertrand Delanoë pourrait sortir
d’un film deTarantino. Il attrape un bras, serre un coude, tape sur une
épaule, reconnaissant les siens. Deux hommes prennent déjà une
photo avec lui.«C’est l’affiche de la campagne avec unAmajus-
cule!»,s’exclame Jean-Louis Missika, adjoint au maire de Paris,
chargé de l’urbanisme et de l’architecture.
Alors que des chars, des camions, des motos, des side-cars et autres
véhicules militaires d’époque remontent de la porte d’Orléans vers la
placeDenfert-Rochereau, dans la cour du musée il est acquis que les
mécènes prendront la parole les premiers.«Notre métier d’assureur,c’est
de protéger les personnes et les biens... »,commence le représentant
d’Axa.«C’est n’importe quoi... »Anne Hidalgo murmureàl’oreille de
Christophe Girard, son adjointàlaculture et président de Paris Musées.
De l’extérieur nous parviennent le bruit des moteurs de Jeep, les hour-
ras, un air de jazz, c’est la libération. Peut-être les Américains sont-ils en
train de distribuer des chewing-gums et des bas Nylon pendant qu’on
écoute ces quelques mots de nos sponsors...
Christophe Girard cherchedes yeux Delphine Lévy,ladirectrice géné-
rale de Paris Musées, qui lui chuchote que si les sponsors prononcent
leur discours maintenant,c’est pour ne pas avoiràlefaire plus tard, lors
de la cérémonie. Elle n’apas le temps de développer,Anne Hidalgo se
tourne vers elle.«Qu’est-ce que c’est que ce bordel, Delphine?»L’ air de
Oh When the Saints go Marching in...retentit dehors. C’est au tour du
représentant de la Banque populaire de saluer l’ouverture du musée,
en prenant soin de signaler que la banque possède 230 points de vente
en Île-de-France qui servent 700 000 clients. Peut-être pourrait-on
embrasser des GI’ssionsortait de là.«Jevais mettre mon grain de sel :
maintenant, ce sont les discours devant les invités... »Hidalgo entraîne
son monde sur la place où des sièges sont installés. Une dame trottine
après les officiels :«Mais on n’a pas dévoilé la plaque!»
Place Denfert-Rochereau, voiciànouveau Bertrand Delanoë en prin-
cipale attraction.«Tiens, vous êtes parisien?»C’est le journaliste édi-
teur DenisTillinac qui tente d’établir avec lui une complicité d’ex-
Parisiens en exil. Un couple inattendu vient bavarder avec lui:Gaspard
Gantzer,l’ancien dir’com de Hollande, et Isabelle Saporta, qui s’est
senti pousser des ailes de stratège politique depuis le score de son
compagnon,Ya nnick Jadot, aux européennes. Elle vient de rejoindre
Parisiennes Parisiens, le mouvement de Gantzer,cequi permet de
mettre au moins un nom sur une Parisienne du mouvement et pousse
les militants écolosàs’interroger sur ce qui se passe dans la tête de
Jadot.«Onaunpeu de cheminàparcourir dans les sondages, mais on
va faire uneremontada»,promet Gantzer.L’emploi de l’espagnol ne
semble pas ici destinéàsaluer la présence des républicains de la
Nueve dans les commémorations de la libération. CédricVillani est là,
lui aussi en civil (avec scarabée, mais sans lavallière). Le dernier
numéro deParis Matchnous apprend qu’il s’est justement ressourcé
en vacances en lisantPour l’honneur de Paris,de Bertrand Delanoë
(Calmann-Levy,1999).
Après le discours au maire, retour dans la cour du musée pour inaugu-
rer la plaque oubliée, en petit comité. Anne Hidalgo fait signe à
Bertrand Delanoë de venir se placeràcôté d’elle sur la photo, mais il
décline discrètement. Le groupe part en visite avec la directrice du
musée. Premier adjoint de la maire de Paris, Emmanuel Grégoire
laisse Delanoë passer devant lui.L’ ex-édile lui cèdeàson tour le pas-
sage :«Oublie que tu as travaillé pour moi »,plaisante-t-il, ce qui,
évidemment, signifie l’inverse. Geneviève Darrieussecq, secrétaire
d’État auprès de la ministre desarmées, déclare qu’elleaenvie de
revenir pour voir le musée au calme. C’est ce que chacun dit pour
justifier les conversations qui se tiennentàl’arrière sur les municipales
ou surleprochain plan de circulation du 14earrondissement, mais chez
Geneviève Darrieussecq, cela semble sincère.
«Ilfaut s’imaginer qu’à l’époque les moyens de communication d’au-
jourd’hui n’existaient pas »,s’exclame Christophe Girardàl’entrée
de l’escalier de quatre-vingt-dix-sept marches qui mène au bunker
où Cécile Rol-Tanguy,laveuve du colonel, chef des forces françaises
de l’intérieur,passa plusieurs moisà20mètres sous terre. Pour
l’épargner,àson âge (100 ans), les journalistes avaient pour consigne
de ne pas lui poser de questions. Sait-on jamais, si l’on avait été tenté
de l’interroger sur la brouille entre Mounir Mahjoubi et CédricVillani
autour des municipales.
j’yétais
Lescombattants.
parGuillemetteFaure
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agazine du Monde.