L’or noir
estaumenu,
pour aromati-
ser une huile
d’oliveou
rendreplus
savoureuse
une simple
pizza.
C
hez Marcello, «lieu de vie»italo-
chicdans le 6earrondissement
de Paris, on la sert râpéesur
un toast, en caviar surune
burrataou accommodéedansunplatde
pâtes:latruffeest la star dumenu.Dela
classique puréeàlatruffeauplusauda-
cieuxbao–briochechinoisefourrée, cuite
àlavapeur–,i mpossible d’yéchapper.
Si le sproduitsdeluxeont toujours attiré
lesconsommateurs,lat ruffeacecidepar-
ticulierqu’elle s’accommode d’un rien :«Le
plus simple estlemeilleur »,assurentde
concertproduct eurs et cuisiniers.Sans
doute l’unedes raisonsdu succès de ce
coût euxchampignon auprèsdes
gourmetsdepuisquelquesannées. En
témoigne le succès fulgurantdel’enseigne
Artisan dela truffe, lancée en 2013.Au
départ,uncorner àLaGrande Épicerie,
puis rapidementdes adresses parisiennes
et lyonnaisesavant un développementà
l’étranger.Tokyo,Hambourg,Dohaet, pl us
récemment, Hongkong.«Lademande
augmenteconstamment,se réjoui tAnne
Blondet, responsable desachatsdela
marque.Lesconsommateurs sont vraiment
ouverts au produit, ça se démocratise.
Latruffeestbeaucoup moins intimidante
qu’avant,c’estquelque chose que l’on
prend plaisiràcuisiner etàoffrir.»
En tête dans le srecettesàlamode,les
incont ournablespâtes et pizzas.Ciro
Cristiano,chefexécutif de la chaînede
restaurantsBig Mamma(Pizzer ia
Popolare,PinkMamma, La Felicita...) le
confirme.«Lapizzaàlatruffearemplacé
enFrancelaRegina. C’estunerecetteassez
facile,ilsuffit derespecter le produit. »
Quandoncuisine la truffe, estime-t-il,il
faut obéi ràdeuxprincipes:sefaire plaisir
et suivre la saisonnalitéduproduit –noire
du Péri gordd’octobreàfévrier,blanche
durant l’été. Carilnefautpas s’ytromper,
toutes lestruffesne se valent pas. La qua-
lité du produit ne sera évidemmentpas
la mêmedans un plat surgeléàmoins de
5€–qui,biensouvent,est «aromatisé»
àl’huile de truffesansréellementen
cont enir –que dans un restaurant gast ro-
nomique.L’originale,c’est la noiredu
Péri gord(Tuber melanosporum).
Uniquement produitedanslar égiondont
elle portelenom,elleest la plusdélicate,
pluspuissante au goûtque sescousines.
Ànepas conf ondreaveclat ruffemus-
quée,Tuber brumale:si, àl’œil,les deux se
ressemblent,lad ifféren ce se ressentàla
dégustation–et, surtout, au prix.«La
blanche,plus légère,plaît aux palais moins
expérimentés,commente Stéphane Vigier,
producteuretr esponsable du marché de
Saint-Geniès, en Dordogne.La
Melanosporumparleradavantage aux
connaisseurs. »
Surles marchés officiels, où doiventêtre
achetésles champignonssil ’onveuts’as-
surerdeleurqualité, toutes lestruffessont
contrôlées.«Cheznous, pas deroumaines
ni d’espagnoles, et encoremoins de
chinoises »,promet le producteur. Flaira nt
l’or noir àplein nez, lesculturesalterna-
tives, «contrefaites»,sesontdéveloppées
en mêmetemps que la mode desplats àla
truffe.«Ilyaeuune période où la Chine a
tentédes’y mettre,mais les champignons
manquaient cruellement de goût.Les
Espagnols, enrevanche,sont de plus en
plus présents sur le marché...»Pays de
culture mais pasdeconsommateurs,
l’Espagneproduit de grossesquantités de
champignons. Et pourles non-initiés,diffi-
cile de distinguerles andalouses despéri-
gourdines –trèssemblablesphysique-
ment,mais«rienàvoir niveau goût ».Au
restaurant,l’originedoitêtrepréciséesur
la carte. Sinon,mieux vaut la demander ou
passer sonchemin.
Pour éviter l’ invasion de cestruffes basde
gamme, producteurs,courtiers et restau-
rateurs vertueux cherchentàdémocrati-
serleurs produits, en lesrendantacces-
sibles àtous.«Quand une personne qui ne
connaît pas dutout la truffevient sur l’un
de nos marchés, on luifournit desrecettes
facilesàréaliser,parexemple un beurrede
truffe,rapporte Stéphane Vigier.Çarévèle
tout l’arôme du champignon, etc’est
beaucoup plusfacileàmaîtriser qu’une
omeletteàlatruffe. »
Resteque cuisiner la truffecoûte cher.
Malgré l’en gouement, lesrestaurantsqui
en servent–enchoisis santdes truffes
issues de filièresdurables–ont du mal à
trouverl’équilibre.«C’estdavantage un
produit d’appel, un objet marketing, qu’un
produit que l’on sert par intérêt financier,
rapporte Marie-Lorna Vaconsin,du
Marcello.Sitous les clients choisissaient
un platàlatruffe,onferait faillite. »
Marcello, 8, rue Mabillon, Paris 6e.
http://www.marcello-paris.com
Pizzeria Popolare, 11, rue Réaumur,Paris 2e.
http://www.bigmammagroup.com
trattorias/pizzeria-popolare
Artisan de la truffe, trois adressesàParis.
http://www.artisandelatruffeparis.com
d’où ça sort?
La truffe pour tous.
dans lespâtes, sur une oMelette,voire sur une pizza...
le luxueuxchaMpignonatendanceàsedéMocratiser.
Maistoutes les filières d’approvisionneMent ne sevalentpas.
parNoémie LecLercq
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Joann
Pai. Anne-Emmanuelle
Thion
MLemagazine du Monde —31 août 2019