Le Monde - 29.08.2019

(coco) #1
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JEUDI 29 AOÛT 2019 france| 11

Des élus s’alarment de la mode du « gaz hilarant »


Plusieurs villes tentent de réglementer la consommation de cartouches de protoxyde d’azote


I


ls étaient une douzaine de
jeunes hilares, se rappelle
Arnaud Dumontier. Mi­
juillet, alors qu’il participe à
une « tournée de nuit avec la po­
lice municipale » de Pont­Sainte­
Maxence, petite ville de l’Oise
dont il est le maire (LR) depuis
cinq ans, l’équipe qu’il accompa­
gne contrôle des individus dans
un véhicule. « Ils étaient tous
morts de rire. Au début, je l’ai pris
pour moi », raconte l’édile. Mais
les policiers lui expliquent que
l’euphorie du groupe est liée à la
prise d’une substance en vogue :
le protoxyde d’azote. Les ballons
de baudruche qu’ils ont utilisés
pour inhaler ce gaz hilarant, que
l’on trouve dans les cartouches
destinées à la confection de
chantilly en siphon, jonchent le
sol de la voiture.
Depuis, les services munici­
paux de cette commune de
12 000 habitants ont constaté la
présence croissante de cartou­
ches vides dans l’espace public. Le
23 août, Arnaud Dumontier a dé­
cidé d’interdire leur vente aux mi­
neurs. Leur consommation est
proscrite sur les places publiques,
les parkings ou encore aux
abords des écoles.
« J’ai voulu protéger ma com­
mune », explique le maire. Ce pro­
duit est vendu librement en épi­
cerie, à 50 centimes la cartouche.
Comme lui, une dizaine d’élus –
notamment dans les Hauts­de­
France – ont, depuis le début de
l’été, pris des arrêtés municipaux
concernant le protoxyde d’azote.
Plusieurs d’entre eux estiment
que sa consommation dans l’es­
pace public s’est accélérée ces der­
niers mo²²²is, particulièrement
pendant l’été.
L’utilisation détournée de ce
produit légal aux effets euphori­
sants n’est cependant pas nou­
velle, rappelle Clément Gérome,
chargé d’études à l’Observatoire
français des drogues et des toxi­
comanies (OFDT). En 2017, selon
les statistiques de cet organisme
public, 2,3 % des 18­64 ans di­
saient ainsi avoir consommé un
ou plusieurs produits à inhaler
(catégorie qui englobe aussi

éther, colles...) au cours de leur
vie. Sans plus de précision sur la
part du protoxyde d’azote, dont
ce spécialiste estime l’usage
« sous­estimé ».
Créé en 1993, l’OFDT a observé,
dès la fin des années 1990, la pré­
sence du gaz hilarant dans les mi­
lieux festifs alternatifs, comme
les « free parties ». A partir de
2010, l’organisme repère égale­
ment cette substance dans les fê­
tes estudiantines. « J’ai com­
mencé quand j’étais en deuxième
année », se souvient Julien (qui
n’a pas souhaité donner son nom
de famille), désormais en sixième
année de médecine. D’après une
enquête publiée en 2018 par la
Smerep, une mutuelle étudiante,
6 % du millier d’étudiants inter­
rogés déclarent avoir déjà con­
sommé du gaz hilarant.
Si le produit n’est pas nouveau,
sa présence accrue dans l’espace
public l’est. Une synthèse, publiée
l’année dernière par l’antenne lil­
loise de l’OFDT, relève ainsi des
consommations « devenues sou­
dainement visibles dans la ville de
Lille » à partir de 2017. Les cartou­
ches de gaz se multiplient « le long
des trottoirs, aux abords de certai­
nes épiceries de nuit, à proximité
de grands ensembles urbains où se
pratique le deal de drogues illicites,
etc. ». Le document précise que la
prise de protoxyde d’azote s’est
désormais étendue aux « jeunes
impliqués dans le trafic de drogue
comme guetteurs », aux prosti­
tuées et aux « collégiens et lycéens
avides d’expérimentations dans
un cadre collectif ».
En cause : des mécaniques simi­
laires à celles qui favorisent la
consommation de poppers, une

autre substance récréative aupa­
ravant utilisée essentiellement
dans la communauté gay et dé­
sormais de plus en plus prisée
par les jeunes.
Comme le protoxyde d’azote, re­
lève Clément Gérome, les poppers
bénéficient d’une facilité d’accès
liée à leur statut légal, d’un faible
coût et d’une « représentation très
positive » auprès des nouveaux
usagers. « Un jeune pourra en con­
sommer en sortant de cours, puis
rentrer chez ses parents sans que
ceux­ci ne se doutent de rien », in­
dique Clément Gérome, qui relève
aussi « un effet de mode » lié aux
réseaux sociaux. Fin 2018, plu­
sieurs stars du club de football
d’Arsenal, en Angleterre, ont, par
exemple, été filmées en train de
consommer du gaz hilarant.

« 12-13 ans à peine »
Les maires, eux, redoutent que
cette substance se popularise da­
vantage. Dominique Baert, maire
de Wattrelos (Nord), a été le pre­
mier à prendre un arrêté le
29 mai, devenu effectif à la fin du
mois de juillet. « Au printemps,
une directrice d’une école élémen­
taire de ma commune est venue
me faire part de son inquiétude »,
raconte­t­il. Elle lui signale alors la
présence, sur le parking de l’éta­
blissement, d’anciens élèves de
« 12­13 ans à peine », consommant
du protoxyde d’azote et en propo­
sant aux enfants de l’école.
« Cela commence à imprégner la
voie publique », se désole Anne
Voituriez, maire de Loos (Nord),
où les premières cartouches sont
visibles depuis un an. A Arras
(Pas­de­Calais), la mairie s’in­
quiète du « danger pour les pas­
sants et riverains » et de la pollu­
tion que représentent ces cartou­
ches laissées à terre. « Trente à cin­
quante personnes » ont été
repérées depuis avril comme des
consommatrices de gaz hilarant,
estime Frédéric Leturque, maire
de la ville. Des jeunes, souvent mi­
neurs, « qui n’ont pas beaucoup
d’argent » et « ne sont pas obliga­
toirement issus de familles sensi­
bles à la santé », s’inquiète­t­il.
L’élu explique vouloir alerter la

population et les pouvoirs publics
sur les risques liés à l’inhalation
de la substance euphorisante.
Brûlures – de par la froideur du
produit – perte de conscience,
acouphènes ou convulsions, plu­
sieurs risques immédiats exis­
tent. La plupart sont le résultat de
mauvaises pratiques, comme
pour le poppers, que certains
avalent. La nature du produit
consommé pose également pro­
blème. « Le protoxyde d’azote
vendu dans le commerce ne con­
tient aucun oxygène contraire­
ment à celui utilisé à des fins mé­
dicales », précise Anne Batisse,
pharmacienne toxicologue au
centre d’addictovigilance de Pa­
ris. Il y a donc un risque d’as­
phyxie, en enchaînant les prises.
Beaucoup de ces usagers con­
somment d’autres substances en
parallèle, multipliant ainsi les ris­
ques de complication. En pre­
mière ligne : l’alcool. « Les cas res­
tent rares mais certains de ces po­
lyconsommateurs ont présenté
des troubles psychiatriques
comme des crises de panique ainsi
que des pathologies cardiaques »,
précise Nicolas Authier, psychia­
tre­pharmacologue, membre de
la commission des stupéfiants et
psychotropes de l’Agence natio­
nale de sécurité du médicament
(ANSM). Un cas de décès, où le rôle
du protoxyde d’azote est suspecté
mais pas démontré, a été relevé
par l’agence en 2016.
Pour l’heure, très peu de cas de
dépendance ont été relevés.
L’ANSM a cependant demandé
un bilan officiel pour évaluer les

risques d’addiction, qui est at­
tendu pour début 2020. « On as­
siste à un engouement précoce
avec des cas de perte de contrôle
et un effet craving, soit une envie
irrépressible de consommer »,
précise Mme Batisse.

Solutions insuffisantes
Le produit est cependant légal. Sé­
bastien Leprêtre, maire de La Ma­
deleine (Nord), explique s’être
« plongé dans sa boîte à outils
pour trouver des morceaux de so­
lution », lorsqu’il a décidé de pren­
dre un arrêté municipal pour in­
terdire la vente de protoxyde
d’azote aux mineurs. Cette déci­
sion administrative, aussi prise le
2 août à Aulnay­sous­Bois (Seine­
Saint­Denis), a plus une visée pré­
ventive que répressive, affirme
Séverine Maroun, première ad­
jointe. Dans sa commune, le
nombre de cartouches retrou­
vées par les équipes municipales
a depuis été divisé par trois, pas­
sant de 600 à 220 pièces environ.

Une campagne de prévention a
également été lancée.
Ces arrêtés municipaux sont, se­
lon de nombreux maires, des solu­
tions insuffisantes. « Le gouverne­
ment doit agir, au moins à travers
un décret ministériel », estime Jac­
ques Richir, adjoint à la mairie de
Lille, qui n’a pas pris d’arrêté con­
cernant le protoxyde d’azote.
Deux propositions de loi visant à
encadrer l’usage de la substance,
notamment en interdisant toute
vente ou don à des mineurs, ont
été déposées depuis le début de
l’année – l’une en janvier par les
députés La France insoumise et
l’autre en avril par un groupe
transpartisan de sénateurs.
Elles n’ont cependant pas encore
été examinées. En février, répon­
dant à une question au gouverne­
ment, le secrétaire d’Etat auprès
de la ministre de la santé, Adrien
Taquet, avait estimé qu’il était, aux
yeux du gouvernement, « vain de
chercher à modifier la loi » pour les
produits de consommation cou­
rante à l’usage détourné.
Il avait notamment considéré
comme « peu efficace » une po­
tentielle interdiction du pro­
toxyde d’azote aux mineurs. « La
meilleure chose à faire est proba­
blement de mieux communiquer
sur les usages et les pratiques à ris­
ques auprès des jeunes », avait­il
déclaré. Pour la pharmacienne
toxicologue Anne Batisse, une in­
terdiction risquerait d’engendrer
un report des jeunes consomma­
teurs sur d’autres drogues.
clara gilles
et léa sanchez

La directrice
d’une école de
Wattrelos signale
que d’anciens
élèves proposent
du protoxyde
d’azote aux
enfants de son
établissement

Le gaz hilarant
est observé dans
les « free parties »
dès la fin des
années 1990
et dans les fêtes
estudiantines

mardi 20 août, après 20 heures. Le tram
quitte la gare de Montpellier pour desservir les
quartiers, villes et villages à l’ouest de la ville,
des zones plutôt résidentielles et tranquilles.
Plusieurs jeunes gens montent dans les rames,
rejoints par d’autres aux stations suivantes. Es­
sentiellement des garçons, entre 12 et 16 ans.
Les uns ont des ballons de baudruche à la
main, qu’ils portent régulièrement à leur nez ;
d’autres, des petites bouteilles d’alcool comme
on en vend aux caisses des supermarchés. A
l’arrière, un jeune fume tranquillement son
joint, vautré sur une banquette. Aux arrêts du
tram, certains jettent par la porte entrouverte
de petits objets qui les encombrent : les capsu­
les de protoxyde d’azote avec lesquelles ils ont
gonflé leurs ballons (au moyen d’un siphon).
Tous discutent, rient, jouent. Aucune agressi­
vité vis­à­vis des quelques passagers présents,
juste une ignorance totale du fait qu’ils ne sont
pas seuls dans le tram.

« C’est à la mode et c’est pas cher »
Une dizaine d’arrêts plus loin, ils descendent et
rejoignent d’autres jeunes, garçons et filles. C’est
encore l’été et pendant cette période, tous les vil­
les et villages autour de Montpellier organisent
à tour de rôle leurs fêtes votives, qui se déroulent
généralement autour de jeux taurins dans de pe­
tites arènes. Du 17 au 22 août, c’était au tour du
Crès, une ville résidentielle de 9 000 habitants
au nord­est de Montpellier, d’organiser cet « évé­
nement phare tant attendu des jeunes des envi­
rons », comme l’écrit la mairie sur son site.
Mais le tram a apporté aux jeunes des quar­
tiers plus éloignés l’occasion de participer à ces
fêtes de villages. « Nous avions déjà de nom­
breux jeunes de l’extérieur les années précéden­
tes, précise l’élu chargé des animations,
Maxime Chavance, mais c’est la première année
qu’ils viennent avec ces produits­là. Je n’avais ja­
mais vu cela. La police municipale avait peur

que, si la fête dégénère en bagarre à un moment
ou un autre, ces petites douilles servent de pro­
jectiles. Heureusement, cela n’a pas été le cas. » Et
voilà comment les petites capsules inondent
les trottoirs des villes et villages autour de
Montpellier pendant tout l’été, des plages de
Palavas­les­Flots (Hérault), en passant par les
arrêts de tram ou les gradins des petites arènes.
Pour ce jeune qui accepte de parler sans don­
ner son nom, « c’est à la mode, c’est tout! Et puis
c’est pas cher. Dans les grandes surfaces, on paie
30 euros les 60 capsules ». Son copain ajoute :
« C’est rapide. Dès la prise, on se sent bien, et ça
dure environ trois minutes, c’est sympa. Et fran­
chement, ce n’est pas de la drogue. Faut arrêter
d’en faire tout un plat. »
Les jeunes ne sont pas tous d’accord sur l’as­
pect addictif ou non du produit. « J’en prends
quand je suis avec mes potes et qu’on fait la fête,
c’est tout. Cela ne va pas plus loin », dit l’un. Un
autre avoue quand même : « Dès que l’effet s’ar­
rête, c’est vrai que j’ai envie d’en reprendre une
immédiatement. Certaines soirées, j’ai quand
même consommé une centaine de capsules. »
Inhaler du gaz hilarant est une chose. En inha­
ler en ajoutant drogue et alcool en est peut­être
une autre... La pratique se développe aussi.
Côté élus, ici comme ailleurs, on commence à
sonner l’alarme : le maire de Montpellier Phi­
lippe Saurel a alerté la ministre de la santé, esti­
mant que le sujet est un enjeu de santé publi­
que : « J’aurais pu prendre un arrêté pour en in­
terdire la vente aux mineurs, mais je pense que ce
type de décision n’est pas efficace. Il vaut mieux
une politique nationale sur ce type de sujet qui
concerne tout le monde. » Deux jours plus tard,
le maire de Palavas, Christian Jeanjean, choisis­
sait d’interdire aux mineurs « la détention, l’uti­
lisation, le dépôt et l’abandon de cartouches de
protoxyde d’azote ».
anne devailly
(montpellier, correspondante)

« Certaines soirées, j’ai quand même


consommé une centaine de capsules »


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