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JEUDI 29 AOÛT 2019 disparitions| 17
17 AVRIL 1937 Naissance
à Vienne (Autriche)
1963 Entre au bureau
d’études de Porsche
1993 PDG de Volkswagen
2012 Volkswagen absorbe
Porsche
2015 Démissionne
du conseil de surveillance
25 AOÛT 2019 Mort en
Bavière
Ferdinand Piëch
Ancien patron de Volkswagen
C’
est un industriel
emblématique qui
vient de partir. L’un
de ceux qui ont con
tribué à ramener leur pays aux
premiers rangs de la scène mon
diale. Volkswagen, la firme dont
Ferdinand Piëch fut à la fois l’héri
tier et le bâtisseur, lui avait rendu
une forme d’hommage en se his
sant, en 2016, au rang de numéro
un mondial de l’automobile, en
dépit du « dieselgate ».
Ferdinand Piëch est mort, di
manche 25 août, à l’âge de 82 ans,
a annoncé sa femme, lundi
26 août. « Mon mari (...) est décédé
subitement et de manière inatten
due », écrit Ursula Piëch dans un
bref communiqué, confirmant
des informations de presse et
évoquant « une vie marquée par la
passion pour l’automobile et les
employés qui les construisent ».
Le toutpuissant patriarche se
serait bien vu rester au volant de
Volkswagen jusqu’à ses 80 ans,
qu’il comptait célébrer en instal
lant au sommet ce constructeur
né la même année que lui (1937).
Mais il fut poussé vers la sortie en
mai 2015, quatre mois avant les ré
vélations des tricheries délibé
rées, lors des tests d’émissions
polluantes des moteurs diesel du
groupe. Nul ne saura jamais com
ment « l’homme qui a de l’essence
dans les veines », ainsi que l’avait
surnommé Die Zeit en 1993, aurait
géré cette crise sans précédent.
Un allemand devant un japo
nais (Toyota) et un américain (Ge
neral Motors), soixante et
onze ans après la fin de la seconde
guerre mondiale... Un point d’or
gue « historique » à tous égards
pour le petitfils de Ferdinand
Porsche (18751951), concepteur de
la « voiture du peuple » (Volkswa
gen) voulue par Hitler. Une filia
tion d’autant plus lourde à porter
pour « Ferdinand le Petit » qu’il
était aussi le fils d’Anton Piëch
(18941952), premier patron, de
1941 à 1945, de l’usine installée en
BasseSaxe par le régime nazi. La
« Coccinelle », devenue star dans
l’Amérique des sixties, finira par
redorer le blason (et les comptes)
de la firme allemande, détrônant
en 1972 la Ford T comme voiture
la plus vendue de tous les temps.
Ferdinand Piëch, lui, gravira une
à une les marches vers le sommet.
Né le 17 avril 1937 à Vienne, en
Autriche, ce petit Mozart de
l’automobile – il dessinait ses pre
mières voitures dès l’âge de 4 ans,
raconte la légende familiale – va
se révéler un redoutable chef d’or
chestre. Il mènera sa carrière, sa
famille et ses collaborateurs à la
baguette. Sans jamais lever le pied
de l’accélérateur, sa passion pour
« das Auto » chevillée au corps.
Après de brillantes études d’in
génieur en Suisse, il commence
son parcours en famille, en 1963,
au bureau d’études de l’oncle Ferry
Porsche, fondateur de la firme ho
monyme à Stuttgart, et connaît
son apothéose à Wolfsburg trente
ans plus tard, lorsqu’il est nommé
président de Volkswagen AG.
L’épopée est jalonnée de voitu
res cultes. De la Porsche 911, qui
reste une des voitures emblémati
ques de la marque, à la 917, qui
remporta les 24 Heures du Mans
en 1970 et 1971, en passant par
l’Audi Quattro, première berline à
« traction intégrale » (quatre roues
motrices) à remporter le cham
pionnat du monde des rallyes,
en 1982. Sans oublier la Golf, qui
demeure la voiture la plus vendue
en Europe après sept générations.
Jamais à court de défis, l’ingénieur
Piëch laissera en héritage à ses
ouailles la XL1, conceptcar hy
bride électrique diesel consom
mant – officiellement – moins
d’un litre de carburant aux 100 ki
lomètres. Ultime pied de nez à la
concurrence restée lettre morte
après le « dieselgate ».
Politique et roué
Tout passionné de technologie
qu’il fût, cet homme au regard
d’aigle et aux nerfs d’acier était
un conservateur dans l’âme, dé
fendant bec et ongles une vision
classique de l’automobile : mo
teur à explosion, performances
routières, qualité irréprochable,
finition haut de gamme... Ce posi
tionnement premium qui fait la
fortune de l’industrie allemande
- et la cible de ses critiques les plus
virulents outreRhin lorsqu’elle
triche et abîme le mythe de la
Deutsche Qualität.
Passé chez Volkswagen en 1972
après une brouille entre les Pors
che et les Piëch, l’héritier y fera de
la marque Audi la grande rivale de
BMW, de Mercedes... et de Porsche.
Sous sa poigne de fer, à partir de
1993, Volkswagen deviendra un
groupe puissant, rentable. Et sur
tout planétaire. Après avoir acheté
les camions MAN et Scania, Piëch
s’offre le luxe, si l’on ose dire, de
croquer Bentley, Bugatti, Lambor
ghini et Ducati, la « Ferrari des mo
tos »... Herr Doktor Ingenieur ira
même jusqu’à suggérer à Fiat – qui
eut l’outrecuidance de convoiter
un temps le grand rival Opel, alors
propriété de GM depuis 1929 – de
lui céder Alfa Romeo, dont les in
génieurs allemands sauraient
quoi faire, eux, laisseton enten
dre du côté de Wolfsburg...
La firme produit aujourd’hui,
avec l’ensemble de ses marques,
plus de 10 millions de véhicules,
dont 20 % en Chine, devenue son
premier marché devant... l’Alle
magne! Le risque du ralentisse
ment économique de l’empire du
Milieu sera l’une des causes de
l’éviction du patriarche en
avril 2015. Juste avant qu’éclate le
scandale des ordinateurs tru
queurs, donc. Maigre consola
tion : il ne verra pas son nom asso
cié à l’affaire, laissant l’homme
qui l’avait évincé, son bras droit et
successeur désigné Martin Win
terkorn, porter seul le chapeau...
Avant que celuici soit à son tour
contraint de démissionner.
Autocrate assumé, le manageur
Piëch fit systématiquement sau
ter les têtes qui lui faisaient de
l’ombre. Du Français Daniel
Goeudevert, débarqué en 1993
après l’avoir défié pour la prési
dence de Volkswagen, à l’Alle
mand Bernd Pischetsrieder, venu
de BMW en passant par Seat entre
2000 et 2002, reparti en 2006.
Sans oublier l’Espagnol José Igna
cio Lopez, débauché à prix d’or –
avec un procès retentissant pour
espionnage industriel à la clé –
chez General Motors en 1993, puis
remercié en 1996.
Politique et roué, l’héritier sut
toujours caresser dans le sens du
poil les autres puissances du
groupe, du Land de BasseSaxe
qui détient encore 20 % du capi
tal, aux omniprésents et omnipo
tents syndicats. Dès 1994, pour
sauver 30 000 emplois, il instaure
la « semaine des quatre jours »,
sous la houlette de Peter Hartz,
l’homme qui concoctera dix ans
plus tard les réformes du marché
du travail et de l’Etatprovidence
outreRhin, pour le compte de Ge
rhard Schröder, alors chancelier
socialdémocrate. En 2015, le pré
sident (par intérim) du conseil de
surveillance de VW après le dé
part de Ferdinand Piëch, Berthold
Huber, n’est autre que l’ancien pa
tron du syndicat IG Metall, la plus
grande organisation ouvrière
d’Europe, avec ses 2,4 millions
d’adhérents.
Une Mitbestimmung (« coges
tion ») politicoéconomique très
teutonne et soigneusement cali
brée, qui permettra au Spitzenchef
(« patron de choc ») Piëch de se
ménager des alliés précieux pour
mener à bien son ultime bras de
fer avec les Porsche...
Ces derniers avaient cru pou
voir, entre 2005 et 2009, mettre la
main sur le constructeur de
Wolfsburg. Mobilisant ses salariés
contre le projet, le « cousin Piëch »
brandit sans hésiter la « loi Volk
swagen », une disposition qui in
terdit à un actionnaire de détenir
plus de 20 % des droits de vote. Il
s’assure au passage l’appui finan
cier du Qatar, présent au capital
des deux firmes, et le soutien ma
gnanime du chrétiendémocrate
Christian Wulff, alors ministre
président du Land de BasseSaxe
(puis président de la République
fédérale de 2010 à 2012).
Le 1er août 2012, la fusionab
sorption de Porsche au sein de
Volkswagen signe la victoire to
tale de Ferdinand Piëch. La fa
mille réunifiée sous sa férule con
trôle aujourd’hui 52,2 % des droits
de vote dans le groupe Volkswa
gen. Et une quatrième génération
du clan fondateur a fait son en
trée au conseil de surveillance de
Porsche Automobil Holding SE,
avec notamment un neveu de
« Ferdi », Stefan Piëch. La boucle
ainsi bouclée pour le vieil héritier
restait à préparer sa sortie. Par le
haut comme il se doit.
Sa fortune (estimée à plus de
3 milliards d’euros) mise à l’abri
pour ses douze enfants, dans
deux fondations de droit autri
chien au régime fiscal avanta
geux, il fait entrer en 2012 au con
seil de surveillance de Volkswa
gen sa quatrième épouse, Ursula
Marianne, de vingt ans sa cadette.
Caressetil vraiment l’idée de
voir « Uschi » lui succéder à la pré
sidence? Une femme au volant à
Wolfsburg, énième provocation
ou dernière révolution pië
chienne... La sortie de scène de
« Ferdi » prenant des allures de
sortie de route, son épouse dé
missionnera finalement avec lui.
Le grand patron laissera « son
empreinte sur l’industrie automo
bile de ces cinquante dernières an
nées comme personne d’autre, en
tant qu’entrepreneur, en tant
qu’ingénieur, en tant que vision
naire courageux », selon l’hom
mage en forme d’épitaphe que lui
rendit Martin Winterkorn lors de
l’assemblée générale des action
naires qui entérina le départ du
patriarche, le 5 mai 2015.
pascal galinier
En 2008 à
Brunswick
(Braunschweig).
REUTERS
David Koch
Milliardaire, soutien financier de la droite américaine
L
e milliardaire David
Koch, qui avait dirigé avec
son frère Charles l’une
des plus importantes en
treprises américaines, née de l’ex
ploitation pétrolière, est mort le
23 août. Il était âgé de 79 ans.
Communiqués laudateurs d’un
côté, critiques virulentes de
l’autre... La mort de David Koch a
ravivé les réactions passionnées
que sa longue carrière mêlant les
affaires et la politique a toujours
suscitées. Il n’en aurait certai
nement pas été surpris, assu
mant sans complexe ses convic
tions libertariennes et son com
bat pour réduire autant que pos
sible la taille et le pouvoir des
gouvernements.
David Koch naît avec son ju
meau William en mai 1940 à
Wichita, au Kansas. C’est là que
sont également nés leurs deux
frères aînés, Frederick et Charles.
Leur père, Fred, ingénieur dans le
pétrole, y a installé l’entreprise
qui a fait sa fortune, à partir d’une
invention qui facilite le processus
de raffinage, exportée aussi bien
dans la jeune Union soviétique
que dans l’Allemagne hitlérienne.
Un tandem avec son jumeau
Le père élève ses fils dans un es
prit de compétition qui finira par
détruire une fratrie progressive
ment divisée en deux camps.
Après la mort de leur père en 1967,
Charles et David prennent en ef
fet le contrôle de l’entreprise fa
miliale, transformée en un gigan
tesque conglomérat. En 1983,
Frederick et William passent à
l’offensive en les accusant de spo
liation. Une longue guérilla judi
ciaire s’ensuit. Elle ne trouvera
son épilogue qu’en 1998, aux dé
pens des plaignants.
Entretemps, un partage des rô
les s’est installé entre Charles et
David. Aussi extraverti que Char
les est secret et reclus à Wichita,
David a décidé de s’installer à New
York pour profiter de tout son lus
tre. De galas en dîners mondains,
il devient la figure publique d’un
tandem qui partage en revanche
les mêmes convictions politiques
et surtout l’aversion contre le
poids de l’Etat fédéral. En 1980, Da
vid est d’ailleurs candidat à la vi
ceprésidence des EtatsUnis aux
côtés du candidat du Parti liberta
rien Ed Clark, pour un score très
confidentiel conforme à la noto
riété de cette petite formation.
La déroute anticipée ne dé
tourne pas les frères Koch de la po
litique, bien au contraire. Patiem
ment, le duo tisse sa toile et fi
nance les candidats prêts à défen
dre leurs idées. David Koch, libéral
sur les questions de société telles
que l’avortement ou le mariage
gay, ne peut se retrouver dans la
guerre culturelle conduite par
l’aile droite du Grand Old Party.
Le réseau de donateurs qu’il
met sur pied avec son frère, Ame
ricans for Prosperity, deviendra le
deuxième en puissance de feu,
après celui du Parti républicain, à
la faveur de la décision de la Cour
suprême, en 2010, qui ouvre tou
tes grandes les vannes de l’argent
en politique. L’influence réelle ou
fantasmée du tandem est telle
que l’attention qu’il attire à la
veille de l’élection présidentielle
de 2016 va masquer initialement
l’irruption de Donald Trump.
Les deux frères et le magnat de
l’immobilier partagent des con
victions communes : une volonté
implacable de déréguler, de la dé
fiance envers les syndicats et l’ab
sence de préoccupation environ
nementale. Charles et David Koch
se sont notamment illustrés dans
leur lutte acharnée contre toute
forme d’organisation des trans
ports urbains, perçue comme les
prémices d’une forme sournoise
d’étatisme.
Mais le bréviaire singulier de
Donald Trump, républicain hos
tile au libreéchange, indifférent à
la dette publique et à la taille de
l’Etat fédéral dès lors qu’il est à la
tête de l’exécutif, pousse progres
sivement les deux frères à pren
dre leurs distances. Ils ne pèsent
de tout leur poids sur l’adminis
tration Trump que pour parvenir
à une réforme de la politique pé
nale responsable de l’incarcéra
tion de masse en vigueur depuis
plus de deux décennies.
Rattrapé par la maladie, un can
cer à la prostate, David Koch
quitte ses fonctions au sein du
groupe familial en 2018. Un acci
dent d’avion meurtrier dont il
avait réchappé miraculeusement,
en 1991, l’avait convaincu d’ajou
ter à ses activités celle de phi
lanthrope, au profit de grandes
institutions culturelles newyor
kaises qu’il fréquentait avec assi
duité, comme pour le bénéfice de
la recherche médicale.
gilles paris
3 MAI 1940 Naissance
à Wichita (Kansas)
1980 Candidat à la vice-pré-
sidence des Etats-Unis pour
Ed Clark (Parti libertarien)
2018 Quitte ses fonctions
au sein du groupe familial
23 AOÛT 2019 Mort à
Southampton (New York)