Courrier International - 22.08.2019

(lu) #1

courrier international — no 1503 du 22 au 28 août 2019 France. 13


l’Intérieur a publié des chiffres
qui font froid dans le dos. L’année
dernière, 361 maires auraient été
victimes de violences en France.
C’est presque un par jour. Une
bonne moitié d’entre eux auraient
reçu des menaces verbales ou
subi des pressions. Près de 40 %
auraient été victimes de violences
physiques.
Le vendredi [9 août], le maire
de Saint-Myon, dans le Puy-de-
Dôme, a été attaqué au couteau.
Un autre a vu la porte de son domi-
cile incendiée. Michel Soriano,
64 ans, maire depuis onze ans
du petit village de Lasséran, dans
le Gers, est bien placé pour en
parler. L’édile est insulté régu-
lièrement et a été agressé phy-
siquement à plusieurs reprises.
Un jour, il a même été menacé de
mort. “Heureusement que je cours
vite”, confie l’homme dans une
interview au Journal du dimanche.
Il déplore aussi que, après onze
ans à exercer une fonction qui
ne lui laisse guère de temps pour
sa famille et pour laquelle il ne


s’attribue que 300 euros (pour
payer son essence), il ne trouve
pas de successeur. Quand on lui
demande pourquoi il est devenu
maire, il répond : “En tout cas, ce
n’est pas pour l’argent! Mon moteur,
c’est le bien-être de la collectivité.”
Parmi les représentants de
l’État, les maires font pourtant
partie des plus respectés. Un
récent sondage Ifop révèle que
83 % des interrogés ont une “bonne
opinion” de leur maire. Pour les
sénateurs et les députés, ce chiffre
tombe à 33 % – seul un tiers des
Français a encore confiance dans
le monde politique.
Les premiers à en faire l’ex-
périence sont les députés de
La République en marche
(LREM), le parti d’Emma-
nuel Macron. Dans les régions
rurales, où les agriculteurs pro-
testent contre la signature de
l’accord de libre-échange avec le
Canada, 15 permanences d’élus
ont été vandalisées ces dernières
semaines, murées, couvertes de
graffitis. Depuis la prise de fonc-
tion des députés [LREM], sou-
vent novices en politique, ce sont


au total plus d’une centaine de
permanences qui ont été visées.
Quand Valérie Gomez-Bassac,
députée du Var, est revenue de
l’enterrement du maire de Signes,
c’était pour découvrir que sa per-
manence avait été prise pour
cible. “On est encore là”, disait
l’inscription bombée à la pein-
ture jaune sur la façade – mani-
festement une opération des
“gilets jaunes” visant à rappeler
leur existence et leurs revendica-
tions au bon souvenir de l’élue.

Irrespect croissant. Il règne
une drôle d’ambiance dans cette
République qui attache tant d’im-
portance à la liberté, l’égalité et la
fraternité. Les incivilités, le van-
dalisme, les menaces verbales et
les agressions physiques, l’irres-
pect croissant à l’égard des repré-
sentants de l’État – tout cela n’est
pas sans rappeler l’époque de la
Révolution française, quand ces
idéaux [de la devise républicaine]
ont été conquis de haute lutte,
par la violence.
C’est Alain Reichardt, l’ancien
adjoint de Jean-Mathieu Michel,
qui siège désormais à la place du
maire. Depuis le lundi [12 août],
il est son successeur officiel. Il
parle d’un ami souvent bourru,
mais aussi grand amateur d’opéra
et qui, en quarante-deux années
de mandat, n’a “jamais pris de
vacances”. Jean-Mathieu Michel
se plaisait à dire que, même si le
pape l’appelait, il donnerait encore
la priorité aux Signois.
“Jeannot, tu n’es pas mort pour
rien, assure Alain Reichardt. On
a un problème avec tous ceux qui
symbolisent l’État. Les policiers,
les pompiers, les urgentistes, les
enseignants, les directeurs d’école :
plus personne n’est respecté dans ce
pays”, déplore-t-il. Reste la maigre
consolation de savoir que la mort
de son ami a peut-être ouvert les
yeux aux Français.
Alain Reichardt, regard bleu,
silhouette athlétique, retraité à
Signes après une carrière dans
la marine à Toulon, voulait arrê-
ter la politique, à dire vrai. En
mars, aux municipales, il pré-
sentera pourtant sa candidature.
Notamment pour faire barrage
aux extrêmes. “Qu’est-ce qui se pas-
sera si quelqu’un du Rassemblement
national se présente et gagne les élec-
tions ?” Jeannot, dit-il, se retourne-
rait dans sa tombe.
—Martina Meister
Publié le 13 août

↙ Angela Merkel et Emmanuel
Macron. Dessin de Balaban,
Luxembourg.

de sa composition rendront diffi-
cile toute tentative de faire primer
les intérêts immédiats ou à court
terme de l’Allemagne.
En outre, Merkel a été malme-
née, car elle a dû faire face à une
rébellion de son propre parti, le
Parti populaire européen (PPE),
contre le pacte initial, qui a été
remis en cause : un fait insolite
après quinze ans d’un pacte qui
avait marqué, vaille que vaille,
l’ordre du jour européen. Pendant
toutes ces années, la chancelière
avait exercé officieusement un
droit de veto individuel, même sur
des questions qui sont votées non
pas à l’unanimité, mais à la majo-
rité. Elle devient ainsi un “canard
boiteux”, son importance décroît
de jour en jour.

Faiblesses. Résultat, ces pre-
mières décisions de la législature
marquent un tournant : le lea-
dership de l’Union passe de Merkel
à Macron. Le président français
présente des qualités pour assu-
rer la relève. Il dispose d’un pro-
gramme clair et ambitieux, sur
lequel il a bien communiqué. Son
projet politique est connu, son
audace sans limites, ou presque.
Et il se situe dans une certaine
centralité politico-idéologique.
Malgré ces atouts, la France pré-
sente de nombreux points faibles :
son économie n’est pas aussi forte
que celle de l’Allemagne, et ses
finances publiques sont moins

—El País Madrid

L


e récent choix de la vice-
présidente de la Banque
mondiale, Kristalina
Georgieva, comme candidate
européenne à la tête du Fonds
monétaire international (FMI)
doit être considérée comme une
victoire personnelle du président
Emmanuel Macron. L’ancienne
commissaire bulgare était, en
effet, sa candidate cachée, avant
même qu’ait commencé la valse
des [prétendants].
L’essentiel des nouveaux postes
communautaires porte la marque
de la France. Ainsi, la nouvelle pré-
sidente de la Commission, Ursula
von der Leyen, est tout autant une
[ex-]dauphine de la chancelière
Angela Merkel qu’un nom suggéré
par Paris. La nouvelle présidente
de la Banque centrale européenne
(BCE), Christine Lagarde, est on
ne peut plus française. Et le nou-
veau président désigné du Conseil
européen, le Belge francophone
Charles Michel, appartient au
même groupe libéral que le pré-
sident de la République.
En politique, une si riche mois-
son n’est jamais due au hasard.
Sans compter que la chancelière
en est pour ses frais. Parce que
la nomination de l’Allemande
Ursula von der Leyen à la tête de
la Commission ne doit pas faire
illusion : l’indépendance du collège
des commissaires et la pluralité

Vu d’espagne


Macron prend


les rênes de l’Europe


Au grand désespoir de l’Allemagne, le président
français semble asseoir toujours plus solidement
son pouvoir sur l’Union. Pourtant, les divergences
entre les Vingt-Sept réduisent son champ d’action.

saines. La prestidigitation diplo-
matique employée par Macron
pour renouveler les postes clés
de l’UE s’est faite au détriment de
certains de ses amis, comme l’Es-
pagne. Et la présidence française
n’a toujours pas exorcisé ses fai-
blesses intérieures, reflétées par le
mouvement de contestation popu-
liste et violent des “gilets jaunes”.
Macron ne peut donc pas aspi-
rer à être le chef de file de l’Union
sur le modèle de Merkel – cette
dernière, d’ailleurs, était plus
discrète –, comme s’il était un
nouvel avatar proeuropéen du
général de Gaulle. Il y a déjà
longtemps que même le couple
franco-allemand ne peut plu y
aspirer seul, dans un club dont
les nombreux membres ont sou-
vent des avis contradictoires.
Mais il peut et il doit tenter
d’établir une vraie complicité col-
légiale, qui regroupe au moins
Berlin, Paris et la Commission,
comme à l’époque dorée de
François Mitterrand, Helmut Kohl
et Jacques Delors. Sans laisser sur
la touche d’autres membres impor-
tants comme l’Espagne. Les défis
internationaux qui s’annoncent,
notamment la prochaine défec-
tion du Royaume-Uni, exigent une
direction des Vingt-Sept solide,
plurielle et efficace.—
Publié le 14 août

Plus d’une centaine


de permanences


d’élus ont été


vandalisées ces


dernières semaines.


L’économie


s’invite au G


●●● Entre la guerre
commerciale entre la Chine
et les États-Unis, le Brexit,
les Gafa, ou encore la
crise italienne, les grandes
puissances ne manqueront
pas de sujets de
discussion lors du G7,
qui se tient du 24 au 26 août
à Biarritz. Le risque
d’une nouvelle récession
devrait également
occuper les esprits
d’Emmanuel Macron,
Justin Trudeau, Angela
Merkel, Donald Trump,
Shinzo Abe, Giuseppe
Conte et Boris Johnson.
Pour découvrir ce que
la presse étrangère écrit
avant, pendant
et après le G7, rendez-vous
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