(^) corriger les fautes d’orthographe d’un texte ou sau-
vegarder automatiquement des données. Une autre
équipe examine les composants électroniques de
l’appareil, afin de comprendre son architecture,
mais sans connaître ses fonctions. Un troisième
groupe rassemble ensuite les résultats des deux
équipes. Découvre-t-il pour autant en quoi chaque
composant contribue à la tâche? Non! Parce qu’il
manque une pièce importante du puzzle : la
connaissance des fonctions de base de ce
composant.
Mais comment obtenir cette pièce manquante
dans le cas du cerveau? En d’autres termes, com-
ment peut-on connaître les fonctions des diffé-
rentes régions? Pour trouver la réponse, il faut
examiner les quantités considérables d’informa-
tions recueillies par les chercheurs.
SE REPÉRER DANS LE VORTEX
DES CONNAISSANCES
C’est aujourd’hui possible grâce à de grandes
bases de données, comme BrainMap.org ou
Neurosynth.org. Les neuroscientifiques y ont
stocké les résultats de milliers d’études d’imagerie
réalisées lors des dernières décennies, avec à
chaque fois les zones cérébrales qui s’activent dans
telle ou telle condition expérimentale. Si vous
entrez les coordonnées d’une région du cerveau
- par exemple (x = 24, y = – 28, z = – 10), ce qui
correspond à un point de l’hippocampe –, vous
obtenez la liste des expériences qui la mentionnent.
Des algorithmes spécifiques permettent ensuite
d’analyser ces dernières pour trouver les tâches
auxquelles cette région participe. On peut par
exemple déterminer si elle s’active dans des exer-
cices impliquant la mémoire autobiographique, la
navigation spatiale, les émotions...
D’autres bases de données stockent des images
du cerveau avec des informations dites psychomé-
triques. Celles-ci concernent les traits de personna-
lité, les capacités cognitives ou le comportement.
On peut alors calculer les liens entre ces caracté-
ristiques et le volume de « matière grise » (la
matière cérébrale qui contient les corps cellulaires
des neurones) dans telle ou telle région du
cerveau.
Ainsi, nous disposons à la fois des conditions
expérimentales où une région s’active davantage et
des comportements et traits de personnalité asso-
ciés aux modifications structurelles de cette région.
Il ne nous reste plus qu’à croiser les deux types de
données pour développer une compréhension iné-
dite des tâches qu’elle effectue. Bien sûr, cette com-
préhension sera d’autant plus précise que les scien-
tifiques seront nombreux à contribuer, en mettant
leurs propres résultats à disposition dans ces bases
de données et en proposant des hypothèses sur le
fonctionnement des zones cérébrales.
Grâce à cette approche, notre groupe du centre
de recherche Jülich a déjà acquis de nouvelles
connaissances sur l’hippocampe. Nous avons ainsi
montré que cette région est impliquée dans un cer-
tain nombre de fonctions cérébrales, de la cogni-
tion à l’émotion, et, de manière plus étonnante, que
ces fonctions sont assurées par des sous-régions
spécifiques (voir l’encadré page ci-contre). Ainsi, la
partie antérieure de l’hippocampe intervient dans
les émotions, tandis que la partie postérieure est
plus active dans les processus cognitifs, comme
l’orientation spatiale. La partie médiane, quant à
elle, est impliquée dans les tâches de langage et de
mémoire, qui nécessitent à la fois des processus
émotionnels et cognitifs.
UN CÔTÉ TOURNÉ VERS SOI,
L’AUTRE VERS LE MONDE
Nous avons également remarqué que la face
externe de l’hippocampe renferme un deuxième
gradient fonctionnel de ce type, selon que l’infor-
mation traitée est centrée sur soi – la mémoire
autobiographique, les émotions... – ou sur le
monde – les images de l’environnement par
exemple. Ainsi, la partie antérieure est plus impli-
quée dans les processus autoréférentiels et la zone
postérieure dans ceux centrés sur le monde, la
transition entre les deux s’effectuant de façon
presque continue.
L’analyse des bases de données permet donc
d’émettre des hypothèses inédites sur les fonctions
exactes des diverses zones cérébrales. Précisons
toutefois qu’une autre équipe pourrait tirer des
conclusions différentes à partir des mêmes don-
nées. Par conséquent, chaque hypothèse doit être
vérifiée par de nouvelles expériences d’imagerie
cérébrale. Ce n’est qu’ainsi que nous obtiendrons
un jour une cartographie détaillée de l’ensemble
du cerveau. £
Bibliographie
S. B. Eickhoff et al.,
Imaging-based
parcellations of the
human brain, Nature
Reviews
Neuroscience, 2018.
S. Genon et al., How
to characterize the
function of a brain
region, Trends in
Cognitive Sciences, 2018.
N. Rebola et al.,
Operation and
plasticity of
hippocampal CA
circuits, Nature Reviews
Neuroscience, 2017.
De grandes bases
de données compilent
les résultats de milliers
d’études d’imagerie cérébrale.
Biographie
Sarah Genon
Chercheuse au centre
de recherche Jülich,
en Allemagne.
Anna Plachti
Doctorante et spécialiste
de l’hippocampe.
Simon Eickhoff
Directeur de l’Institut
des neurosciences
systémiques, à l’université
Heinrich-Heine de
Düsseldorf, et directeur
de l’Institut du cerveau
et du comportement,
au centre de recherche
Jülich.