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J. Kaminski et al., PNAS, 17 juin 2019.
Pourquoi les
chiens ont le
regard tendre
PSYCHOLOGIE
p. 14 Focus p. 16 Les nouveaux cartographes du cerveau p. 20 La femme qui riait pour un rien p. 26 Roger Sperry, la découverte du câblage cérébral p. 32 Le cervelet, petit mais costaud
neutre, voire laisse transparaître du
dégoût ou de la tristesse.
Alors, la Joconde était-elle fourbe
et simulatrice? Ou bipolaire? Selon les
travaux de Paul Ekman, éminent spé-
cialiste des émotions et des expres-
sions faciales, une telle asymétrie sug-
gère en tout cas que son sourire
n’exprime pas une joie sincère. Mais
pour les auteurs de cette étude, la
jeune femme pourrait tout simplement
avoir été fatiguée de poser pendant
des heures. Giorgio Vasari, historien
de l’art du xvie siècle rapporte pourtant
que Léonard avait employé des bouf-
fons et des musiciens pour la divertir.
Il semble que ça n’ait pas suffi pour
maintenir une émotion réelle...
Mais que les amateurs de mystère
se consolent : les chercheurs envi-
sagent encore une autre explication.
Léonard était connu pour avoir une
profonde connaissance de la physio-
nomie humaine. Il est alors possible
qu’il ait deviné, plusieurs siècles avant
les psychologues modernes, que ce
type de sourire n’était pas sincère, et
qu’il ait volontairement dessiné cette
expression ambivalente pour signaler
au spectateur que le tableau cache
quelque chose. Voilà qui donnera du
grain à moudre à tous ceux qui ima-
ginent un sens cryptique à la Joconde
– comme l’italien Silvano Vinceti, qui
affirme avoir décelé d’énigmatiques
lettres tracées dans les yeux de la
jeune femme... £
Guillaume Jacquemont
Les chiens disposent d’une arme
redoutable pour obtenir ce qu’ils veulent : leur
regard. Qu’ils lèvent vers vous leurs grands yeux
humides, et vous risquez fort d’éprouver une irré-
sistible envie de vous en occuper. Quel est donc
leur secret?
C’est ce qu’ont étudié Juliane Kaminski, de
l’université de Portsmouth, et ses collègues. En
comparant l’anatomie faciale des chiens et des
loups, les chercheurs ont montré que le plus fidèle
ami de l’homme dispose d’un muscle supplémen-
taire qui lui permet de relever l’intérieur du sourcil.
Avec un double effet : d’une part, ses yeux
paraissent plus grands et donc plus proches de
ceux d’un bébé, et d’autre part, l’expression qui en
résulte ressemble à celle qu’adoptent les humains
quand ils sont tristes. Deux bonnes raisons pour
vous pousser à cajoler votre toutou.
Des observations comportementales ont
confirmé que les chiens ne se privent pas d’user de
ce regard fatal. De précédents travaux avaient d’ail-
leurs montré que ceux qui élèvent davantage le
sourcil sont plus vite adoptés dans les refuges pour
animaux. Pendant des centaines de générations, les
humains auraient ainsi montré une préférence plus
ou moins consciente pour les canidés les plus doués
pour les acrobaties faciales, dont ils se seraient
mieux occupés. Au point que ce muscle supplémen-
taire aurait émergé en un temps record, puisque les
chiens n’ont été domestiqués qu’il y a 33 000 ans.
Une paille, à l’échelle de l’évolution. £ G. J.
Le sourire chimérique créé
en dédoublant la moitié gauche
du visage (pour l’observateur)
n’exprime aucune joie (C),
tandis que celui obtenu à partir
de la partie droite semble heureux (d).
© Pavlina Trauskeova/shutterstock.com