enfants s’identifient à eux. Ripamonti explique
qu’au cours des premiers entretiens qu’elle réa-
lise avec des enfants, ou même des adultes, elle
leur demande de dessiner une famille d’ani-
maux. Les animaux activent des processus
d’identification sous une forme sécurisante, sans
éveiller les systèmes de défense ; ainsi, il lui
arrive de trouver des correspondances entre la
famille animale dessinée et ce que représente la
vraie famille de son patient.
L’âge des enfants est aussi un facteur impor-
tant, même s’il existe d’importantes différences
individuelles. « Les plus petits ont du mal à se
représenter la permanence de la mort. Ils ont
extrêmement besoin de leur mère et l’idée d’un
abandon peut donc être particulièrement
effrayante, observe Cassibba. Quant aux enfants
plus âgés, ils se sentent parfois vulnérables,
notamment à cause des informations qu’ils
entendent ici et là ; ils ont peur du noir ou de
s’endormir, et peuvent associer les images d’un
film à un événement réel qui les a frappés. Mais
certains jeunes sont aussi capables de commenter
une scène dramatique en disant qu’elle est belle
ou émouvante parce qu’elle n’est pas vraie. »
« Les enfants ne réussissent pas à interpréter
les émotions, en tout cas pas comme les adultes,
ni à donner un sens ou un nom à ce qu’ils éprouvent
avant l’âge de 6 ou 7 ans, complète Barducci. C’est
à cet âge qu’ils commencent à avoir une idée de la
mort. Une histoire qui les place brutalement face
à la perte de la mère, le deuil le plus craint des
jeunes, peut être perturbante. »
LEUR APPRENDRE À DISTINGUER
LE RÉEL DU FICTIF
Mais tous les dessins animés ne suscitent
pas les mêmes émotions ni le même stress.
Colman précise que la mort est parfois décrite
de façon parodique, exagérée, par exemple dans
les rencontres entre Beep Beep et le Coyote.
Alors, même les plus petits comprennent qu’il
ne s’agit pas de situations réelles et ne les
craignent pas. Toutefois, il est utile de rappeler
régulièrement que le thème de la mort, notam-
ment dans certains jeux vidéo, est présenté sous
l’angle du risque : « Je pense à des situations où
le personnage dispose de plusieurs vies et où le
jeu propose des actions dangereuses qui
amènent à en perdre, avertit Cassibba. Même si
le contexte est imaginaire, le fait d’être impli-
qué directement, avec une participation qui
dépasse celle de la simple vision d’un film, peut
conduire à ne pas réaliser qu’il s’agit d’actions
mortelles, qu’il ne faut pas reproduire... C’est
aussi le cas des jeux où il faut s’identifier avec
le méchant : l’enfant répète des comportements
virtuels qu’il risque d’appliquer, sans en avoir
vraiment conscience, dans la réalité. »
UNE FAÇON D’ENTENDRE
PARLER DE LA MORT
Tout cela ne signifie pas qu’il faille tenir
éloignés les enfants des dessins animés les plus
dramatiques. Cassibba pense que le fait de savoir
qu’il s’agit d’une fiction permet aux jeunes d’éla-
borer par la suite des stratégies pour affronter
les situations dramatiques réelles. Si un enfant
n’a jamais entendu parler de la mort, il peut être
traumatisé la première fois où il y est confronté.
Ou bien on se retrouve dans des situations gro-
tesques où l’on raconte des mensonges au petit
pour justifier l’absence d’une personne chère.
D’autant que certains enfants ont des diffi-
cultés pour exprimer leurs émotions : un dessin
animé est alors l’occasion de les aider à les iden-
tifier, à les comprendre et à leur donner un nom.
Dans ces moments-là, il arrive aussi que les
petits confient leur besoin d’être rassurés. Pour
Colman, « accompagner ses enfants dans le
visionnage de ces films permet d’évoquer avec
eux des thèmes douloureux. J’ai vu il y a peu Les
Nouveaux Héros avec les miens, et je me suis
rendu compte que le film décrit bien le processus
d’élaboration d’un deuil ». £
Bibliographie
I. Colman et al.,
Cartoons kill :
casualties in animated
recreational theater
in an objective
observational new study
of kids’introduction to
loss of life, BMJ,
le 16 décembre 2014.
L’éléphanteau Dumbo
va beaucoup souffrir
d’être séparé de sa
maman, qui sera
enfermée après avoir
défendu avec force
son petit contre des
garnements qui se
moqueront de ses
grandes oreilles.
Dumbo
© Walt Disney Pictures, 1939. (Capture d’écran)
BAMBI M’A TRAUMATISÉ!
(^82) VIE QUOTIDIENNE Psychologie