Tremblez, professeurs,
car c’est un fait maintenant scientifique-
ment établi : vos élèves ne sont pas tout
le temps concentrés quand ils travaillent,
pendant vos cours ou chez eux. C’est ce
qu’ont montré les psychologues Nash
Unsworth et Brittany McMillan, de l’uni-
versité d’Oregon, qui se sont même fixé
comme défi de caractériser toutes les
formes de distractions auxquelles sont
soumis les étudiants chez eux et en
classe, et leur conclusion est formelle :
« d’après nos résultats, les élèves ont ten-
dance à être dérangés tant par des dis-
tractions externes que par leurs
pensées. »
Avouons-le, les chercheurs – dont je
fais partie – donnent parfois l’impression
de réinventer l’eau tiède. Pourtant, ami
lecteur, fais preuve d’un peu d’indulgence
et vois plutôt dans cette étude une louable
tentative de quitter un instant le labora-
toire pour le terrain, et ce afin d’appré-
hender l’attention des élèves telle qu’elle
s’exerce réellement dans la « vraie vie ».
Cette publication s’inscrit dans une
longue lignée de recherches dont cer-
taines avaient quantifié dès le début des
années 1970 – donc bien avant l’inven-
tion des téléphones portables – que 10 %
à 50 % du temps des élèves en cours était
consacré (déjà) à penser à autre chose
qu’au cours lui-même. Les jeunes n’ont
donc pas attendu l’explosion du numé-
rique pour se laisser distraire, car il leur
suffit pour cela d’un peu d’imagination!
Mais quelle forme prend la distrac-
tion chez un étudiant de 18 à 25 ans?
Pour le savoir, Unsworth et McMillan ont
demandé à une centaine d’élèves de leur
université de tenir un journal pendant
une semaine et d’y consigner chacun de
leurs décrochages attentionnels, assorti
d’une rapide description.
Résultat : les étudiants sont distraits
en premier lieu par les mouvements ou
les bruits qui les environnent, et notam-
ment par les conversations des autres
Selon la « théorie du poisson rouge », nous serions incapables
de nous concentrer plus de quelques minutes d’affilée. Cela reste
à voir. En tout cas, il suffit de faire des pauses au bon moment
pour happer ces « bulles d’attention » à l’existence si brève.
VIE QUOTIDIENNE L’école des cerveaux
JEAN-PHILIPPE
LACHAUX
Directeur de recherche à l’Inserm, au Centre
de recherche en neurosciences de Lyon.
SAUVEZ LES
POISSONS ROUGES!
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