S’il est un objet de puériculture
qui divise les parents, c’est bien la tétine.
Massivement utilisée dans les sociétés occiden-
tales – 80 % des petits Français en auraient une,
selon une étude réalisée dans les maternelles par
Laurence Lupi-Pégurier, de l’université de Nice-
Sophia-Antipolis –, elle suscite autant d’inquié-
tude qu’elle apporte de soulagement. Combien de
jeunes mamans, épuisées par les nuits d’insomnie
ou les heures passées à bercer une petite boule
hurlante, ont déjà déclaré : « Avant j’étais contre,
mais c’est la seule chose qui empêche mon bébé
de pleurer »? Ce n’est pas pour rien que les
Anglais appellent cet ustensile pacifier, littérale-
ment « pacificateur »...
Si la tétine inquiète autant, c’est notamment
parce qu’elle a été très critiquée par le corps
médical, qui la rendait responsable de diverses
infections et de mortalité infantile. Pourtant,
elle semble connaître un relatif retour en grâce.
Les recherches ne nient pas qu’elle présente un
certain nombre d’effets négatifs, mais elles lui
trouvent aussi des atouts. Alors, quel bilan
dresser à la lumière des connaissances scienti-
fiques dont nous disposons?
SAUVÉS PAR LA TÉTINE
Du côté des effets positifs, la tétine pourrait
aider à lutter contre l’un des drames les plus
terribles qui menacent les jeunes parents : la
mort subite du nourrisson. Cette pathologie, où
un bébé apparemment en bonne santé décède
dans son sommeil, ferait plus de 200 victimes
par an en France. En passant en revue les tra-
vaux sur ce thème, Ann Callaghan, de l’hôpital
de Perth, en Australie, et ses collègues, ont mon-
tré que les nourrissons qui utilisent une tétine
ont 2 à 5 fois moins de risque de décéder ainsi.
L’Académie américaine de pédiatrie va jusqu’à
recommander d’en proposer une aux enfants au
moment de s’endormir – sans les forcer à la
prendre ni la réintroduire lorsqu’elle tombe pen-
dant le sommeil.
Ce bienfait s’expliquerait par un effet stimu-
lant de la tétine, selon une étude menée par
Stephanie Yiallourou, de l’université Monash, à
EN BREF
£ Autrefois très
contestée par le milieu
médical, la tétine aurait
en réalité certains
avantages chez les très
jeunes enfants.
£ Elle limiterait la mort
subite du nourrisson,
aurait un effet
antidouleur et aiderait
les prématurés à
apprendre la tétée.
£ Mieux vaut toutefois
ne pas l’utiliser trop
longtemps, car elle
risque alors de nuire à
l’apprentissage
émotionnel et d’entraîner
plus tard des
comportements addictifs.
NICOLAS GUÉGUEN
Directeur du Laboratoire d’ergonomie
des systèmes, traitement de l’information
et comportement (LESTIC) à Vannes.
VIE QUOTIDIENNE Les clés du comportement
Docteur Tétine
et Mister Tototte
Bienfaisante assistante médicale ou frein
au développement émotionnel de l’enfant?
Les recherches sur la tétine dressent
un bilan contrasté.
© Charlotte Martin/www.c-est-a-dire.fr