Elle N°3844 Du 23 Août 2019

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chaussures Manolo Blahnik por-
tées par Carrie Bradshaw dans
« Sex and the City », en passant par les serre-
tête preppy de Blair Waldorf dans « Gossip Girl »,
ou les pulls jacquard vus dans « Twin Peaks », « les looks dans
les séries ont toujours influencé les goûts, explique Marie
Turcan, rédactrice en chef du site Numerama et spécialiste des
séries. Par exemple, dans les années 1990, la coupe au carré
de Rachel dans “Friends ” est devenue incontournable. Á la fin
des années 2000, “Mad Men” a entraîné une révolution esthé-
tique avec les costumes d’époque, notamment ceux de Joan
Holloway, qui ont remis au goût du jour la mode des sixties, alors que
la tendance était au minimalisme ».
Depuis, les plateformes de streaming se sont dévelop-
pées et l’offre est devenue considérable, provoquant le
phénomène du « binge-watching » (visionnage en rafale). Leur poten-
tiel marketing n’a pas échappé aux labels. « Les marques de mode sont
conscientes de l’impor tance des séries et ont une peur panique de ne
pas capter l’attention des jeunes consommateurs, explique Èric
Briones, fondateur de la Paris School of Luxury et auteur de “La Géné-
ration Y et le Luxe”. Se retrouver dans une série leur permet d’émerger
dans un océan de contenus. Elles savent aussi que beaucoup d’ados
ont une culture mode impressionnante et vouent un culte aux années
1980 et 1990 – même s’ils ne les ont jamais connues. Être associé à
un univers rétro peut donc s’avérer redoutablement efficace. »
Ainsi, Levi’s a récemment commercialisé une collection
capsule avec l’une des séries les plus populaires de
Netflix, « Stranger Things », qui rend hommage aux eighties et
dont la troisième saison a été diffusée début juillet. La marque de jeans
a habillé la petite bande de Hawkins, dans l’Indiana. Au menu : une
chemise à motifs aztèques ou un jean à pinces baptisé « El », en réfé-
rence à Eleven, héroïne magnétique incarnée par Millie Bobby
Brown. La semaine suivant le lancement de la dernière saison, Lyst, un

moteur de recherche dédié à la mode, a enregistré en France une
augmentation des recherches de 157 % pour les mots - clés « Stranger
Things », de 800 % pour la combinaison multicolore et de 111 % pour
le chouchou por tés par les jeunes comédiens. Autre paramètre déter-
minant, particulièrement chez les ados? L’influence des acteurs,
ultra-suivis sur les réseaux sociaux. « Ces cinq dernières années, les
acteurs sont devenus de véritables icônes au pouvoir d’influence
considérable », note Fawnia Soo Hoo, journaliste new-yorkaise qui
écrit sur la mode et les séries pour le site Fashionista. Comme les
héros de « Stranger Things », ou encore Elizabeth Gillies, qui inter-
prète l’un des personnages principaux du reboot de « Dynasty » et
compte plus de 8 millions d’abonnés sur Instagram. La costume desi-
gner de la série, Meredith Markworth- Pollack, explique : « Autrefois,
les marques prêtaient rarement pour les séries car elles n’ étaient pas
créditées. Sur “Dynasty”, la majorité des vêtements et accessoires
sont achetés, même si des labels avec lesquels j’aime travailler nous
confient des produits. Mais l’influence d’Instagram a clairement
changé la donne. » Chez Maison Vaincourt, marque hexagonale
de ceintures de luxe, on af firme qu’ être apparu dans la série et avoir
été tagué sur l’Instagram de la styliste (suivie par plus de 96 000 per-
sonnes) représente un « booster de notoriété évident, particulière-
ment aux États-Unis ». « Lorsqu’une série surgit sur les écrans, il arrive
que les pièces utilisées ne soient plus disponibles en boutique. Mais
le succès des sites de revente de vêtements permet de les retrouver
facilement », ajoute Fawnia Soo Hoo. Pour les plus aguerris, il existe
des plateformes comme Spotern, une start-up parisienne, ou
WornOnTv, qui permettent de retrouver les tenues identiques ou
similaires à celles qu’on a pu voir dans les séries – mais aussi dans
des films ou des clips de musique.
Aujourd’hui, pour Marie Turcan, « les séries deviennent de plus en
plus des objets de consommation, des machines à goodies asso-
ciées à l’achat compulsif de vêtements ». À quand des séries pro-
duites par les marques de mode elles-mêmes?

MOLLY GODDARD


« Riverdale »
« Stranger Things »

« P r e t t y L i t t l e L i a r s »

H&M x « Stranger Things »
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