Elle N°3844 Du 23 Août 2019

(nextflipdebug5) #1

LAURENT ZABULON/ABACA ; SPREAD/ABACA ; KARL LAGERFELD ; SEBASTIAN JAENA.


23 AOÛT 2019

ELLE.FR 55


SOLAIRE DANS LE NOUVEAU FILM


DE REBECCA ZLOTOWSKI, « UNE FILLE FACILE »,


CELLE DONT LA NOTORIÉTÉ DÉBUTA PAR


UN SCANDALE NE CESSE DE SURPRENDRE.


LA JEUNE COMÉDIENNE REVIENT AVEC


NOUS SUR SON PARCOURS INCANDESCENT.


PAR THOMAS JEAN

C’est un titre de film qui, a priori, va
à Zahia comme un gant. L’ex-escort-
girl de luxe qui déclencha en 2010 un tsu-
nami médiatico-judiciaire – les stars du foot
Benzema et Ribéry seront jugés pour « sollici-
tation de prostituée mineure » puis relaxés –
fait ses débuts au cinéma dans « Une fille
facile ». Le quatrième long-métrage de
Rebecca Zlotowski, la réalisatrice qui a
offert leurs premiers vrais grands rôles à Léa
Seydoux (dans « Belle Épine ») et Lily-Rose
Depp (dans « Planetarium »). Avec la même
délicatesse, elle fait de Zahia Dehar une
cagole bouleversante, Sofia, que la richesse
fascine mais qui n’est riche que de ses men-
surations. Sofia et sa jeune cousine Naïma
séduisent alors deux types fortunés, s’invitent
sur leur yacht et déclenchent, à bas bruit, des
luttes de classes qui révéleront que les plus
cupides et les plus vulgaires ne sont évidem-
ment pas celles qu’on pourrait croire. Il y a du
Zahia dans Sofia, cer tes. Mais la biographie
de la petite Algérienne, née en 1992,
surpasse tous les scénarios : Zahia Dehar
débarque en banlieue parisienne à 10 ans,
se prostitue à 15, devient personnage
public à 17 quand l’affaire éclate, créatrice
de lingerie à 20 devant qui tous les VIP de la
mode, de Karl Lagerfeld à Jean Paul
Gaultier, se pâment, et actrice à 27, enfin.
D’une vie à l’autre, elle saute avec aisance.
Sur sa notoriété, elle capitalise au mieux.
Alors fille facile, peut-être. Mais femme
complexe, surtout. Taiseuse et volubile.
Tragique et rigolote. Durant notre rencontre
cet été, au bar d’un hôtel de luxe du quar tier
du Faubourg Saint-Honoré, elle ne cesse
de nous intriguer.
Ce qui laisse coi, quand on rencontre Zahia,
c’est, bien sûr, sa plastique. Pierre Commoy,
moitié du duo star de la photo Pierre et Gilles
qui l’a maintes fois portraiturée (voir photo

p. 56), la décrit comme « un personnage
warholien au visage et à la cambrure irréels,
comme venus d’une autre planète ». « Avec un
voile de tristesse qui l’embellit d’autant plus »,
complète son acolyte Gilles Blanchard. Mais,
plus encore, c’est sa façon de s’exprimer,
hyper contrôlée de prime abord, qui frappe.
De même que son corps, moulé dans une mini -
robe et perché sur des maxi-talons, se meut
prudemment, à petits pas, ses mots sont soi-
gneusement choisis, prononcés d’un timbre
suave façon Bardot d’antan, sans le moindre
écart de langage ni haussement de ton, le
tout souvent ponctué d’un « oui, c’est vrai,
oui... » même quand elle n’a pas l’air d’accord
avec vous. Timidité? Excès de politesse?
« Comme beaucoup de jeunes femmes à qui
on n’a pas souvent donné la parole, Zahia ne
s’est pas souvent permis de contredire ses
interlocuteurs, avance Rebecca Zlotowski.
C ’est une habitude de geisha qu’elle a prise,
docile et souriante en toutes circonstances.
Mais dès qu’elle s’autorise à parler vraiment,
ce qu’elle raconte est passionnant. »

Il faut, pour cela, lancer Zahia sur ce
qui l’émeut. C’est une vraie cinéphile,
par exemple, qui se tient face à nous, elle
qui, enfant, passait « des après-midi entiers
à regarder ces films égyptiens des
années 1960 dans lesquels toutes les femmes,
de la paysanne à la bourgeoise, étaient mon-
trées de manière sophistiquée », qui vénère
Buñuel, qui pouffe de rire en se remémorant
telle scène impertinente à laquelle Isabelle
Adjani se livre dans « L’Été meurtrier », et pour
qui, dans les films de Zlotowski, « tout est
important, voire surtout quand il ne se passe
rien » – c’est d’ailleurs Zahia, via Instagram,
qui a fait le premier pas vers la réalisatrice.
Mais là où Zahia nous interpelle le plus, c’est
quand elle parle de rapports de

ELLE MAG / RENCONTRE


Du parvis
du palais
de justice
aux unes des
magazines,
la belle Zahia
est sous le feu
des projecteurs.

Au palais de
justice de Paris,
le 2 juin 2010.

2011

2012

À Cannes
en 2019.

À Roland-
Garros
en 2014.

L’O BJ E T
DU SCANDALE
Free download pdf