Politis N°1558 Du 20 au 26 Juin 2019

(Nancy Kaufman) #1

ces performances soient en elles-
mêmes des objets d’art. Ce qui
exige notamment d’affronter les
questions techniques : le rapport
au micro, la sensation du volume
de la salle, etc.


c’est un spectacle qu’il s’agit de
mettre au point...
Oui. Et d’en interroger le sens.
Je ne voulais pas d’un spectacle
strictement virtuose. Mon but
était qu’il ait à voir avec la litté-
rature, qui, selon moi, dit quelque
chose, au sens plat du terme, c’est-
à-dire qu’elle dit sémantiquement
quelque chose. J’étais à la fois
proche des « poètes sonores » et
à distance.


qu’est-ce qui guide l’écriture
des textes composant ce recueil,
poésie sur place ?
La quasi-totalité des textes sont
des commandes. Ce que ces textes
sont dépend des conditions de la
commande. Où cela aura-t-il
lieu? Quelle doit en être la durée?
Quel type de public potentiel sera
présent? Les textes sont réalisés
en fonction de ces contraintes-là.


Et d’aucune autre. Sauf que, quoi
que je fasse et quel que soit le lieu
où je le fais, cela s’articule avec les
préoccupations qu’on retrouve
dans mes autres livres, ceux desti-
nés à la lecture silencieuse, où elles
sont traitées autrement. Une ques-
tion guide leur écriture : quel effet
le texte produira-t-il oralement?
Quel effet rythmique, quel effet
de construction musicale, et sur
quel matériau de sens débouchera
tel traitement sonore? Du point
de vue de leur contenu, ces textes
relèvent du cut-up : ce sont des
extraits d’articles, d’autres livres,
passés par la moulinette sonore.

faites-vous aussi des lectures
de vos poèmes ?
Plutôt des fragments de mes textes
en prose : Grand-Mère Qué-
quette, Demain je meurs, Une
phrase pour ma mère (1)... Ce qui
est paradoxal parce qu’on associe
davantage la dimension sonore
au vers qu’à la prose. Mais, chez
moi, la prose est organisée selon
des principes prosodiques. Alors
que mes poèmes sont fabriqués
sur des critères de visualité.

Pour Ex-fan des seventies (2),
j’ai repris une première version
d’un texte paru dans un recueil de
1981, Voilà les sexes. Je l’ai tota-
lement transformé, notamment
parce qu’il y a deux voix, celle
de la comédienne Vanda Benes
et la mienne, pour l’hommage à
Roland Barthes auquel m’avait
invité la Maison de la poésie, il y
a quelques années.
Je ne voulais pas faire un topo
théorique sur Barthes, qui aurait
été ennuyeux, ni raconter mes
souvenirs anecdotiques avec lui.
J’ai opté pour cette performance
complètement décalée.

quel type de travail accomplis-
sez-vous avec votre corps ?
Mon projet était de faire per-
cevoir le plus concrètement
possible la forme à laquelle ces
textes doivent aboutir. Comme
une sculpture sonore qui serait
posée entre celui qui lit et ceux
qui écoutent. Ce qui supposait
que mon corps s’efface le plus
possible. Mais il y a une tension
constante entre le caractère iné-
vitable de la présence corporelle,

voire de sa gestuelle, et une réti-
cence active à cette apparition.
Pendant des années, j’ai essayé
de ne faire aucun geste. Je lisais
assis, vêtu de noir. J’ai toujours
essayé d’éliminer la spectacula-
risation de premier degré, tout
ce qui pouvait assigner un texte
à l’expression d’une psychologie
ou d’une sentimentalité.
La force de show-man de Bernard
Heidsieck consistait notamment
dans sa résistance à l’expression-
nisme ou à quelque forme d’his-
trionisme que ce soit. Ma posture
d’écrivain, spontanément, est
sentimentale et expressionniste.
Mon travail consiste à y résister,
à creuser l’émotion plutôt qu’à la
dessiner sur cette surface.

plusieurs poésies performances
vous poussent pourtant jusqu’aux
limites physiques, que ce soit
celles du souffle ou des possi-
bilités de la diction...
Toucher la limite physique dans
la performance est l’indice, à mon
sens, du fait de toucher la limite
dans l’expérience de l’art ou de la
littérature. Cela présente un

et Barthes et Lacan et Kristeva et Freud et Derrida et Deleuze et Guattari et Jambeau et Lardret et Levy et Jacques et
Roland et Julia et Siggy et Gilles et Félix et Gustave et Maurice et Bernard et Henri et Laurent et Jack et Julie et Loïse et
Abel et Caïn et Lacain et Cyrille et Phénix et Arthes et Bacan et Fristeva et Guérida et Kreud et Gueleuze et Daktari et
Tarzan et Zartan et Tarzoon et Cartoons et Disney and Happy et Barthes et Bacan et Bristeva et Breud et Berrida et
Battary et Carthes et Caca et Kreuse et Queue-Lourde et Tarte et Tata et Listeva et Larthes et l’artiste et Dreude et
Feleuze et Tabarly et Tu-Quoque et Mifili und Soweiter and So-on et Family and Life and Play Boy et Tutti et Frutti et
Sigmund et Tarbes et Caslon et Vristeka et Vely et Traderi et Radada et Ledeuze et Letroize et Lequatre et leur suite et
Marthes et Nacan et Pristeva et Quérida et Reud et Seuleuze et Tuattari et Vambon et Wardé et Xarthes et Yacan et
Zristeva et Peud et Releuze et Suattari et Tombeau et Vardret et Woolite et Xollers et Yarthes et Zacan et Zarthes et
Yacan et Vristeva et Uttari et Tutuguri et Sarthes et Talan et Talon et Achille et Triste-Eva et Adam et Reuf et Soso et
Froidy et Œdipe et Guéridon et Rutabaga et Rita Magic et Renoir d’Hambourg und Von Paraboum et Julo et Rollo et
Jacko et Ioulia et Fifi et le p’tit Marcel et Gilou et Vivi et Charlie et Marx et Merckx et Hinault et Merckx et Marx (bis)
et crabe et la queue et Christ et Eva et la boîte à riz et Gilou Rhizome et Cancan et sa p’tite amie deux dés de radis un
quart de laitue tu craques je baratte et il se déride et on cristallise et nous freudonnons et vous déguisez et ils boitent
hardi et je chante et tu lardes et c’est bath et nous lévytons et Sollers itou et c’est bon c’est coulant ou c’est très crispé c’est
terrorifié ou frais dégoisé ou c’est praliné consommé gratis du rutabagué d’la noix de Lacan du Barthes aux poireaux et
c’est du nanan du sucré nougat et du fard beurré ou l’radis véreux dans la pâte à riz du jambon et du lard et du lait de vit
et tout ça mêlé ça se met en tas si deux leuzes y vont quatre arrivent (on rit) qui fricote frotte Freud qui se gratte a ri qui
aime jambon s’omelette l’art qui rate Barthes il craque qui cale à Lacan il jouit dans Gilou hop là : b, a, ba! ça va : à
dada! et Marx et Freud et Farx et Mreud et Frax et Meurd et Freud et Marx (bis) et farce et merde (bis) et merde et farce
et marde et ferce et fesse et messe et Shem et Shaun et les nines et les ons et Mao et grand-mère et face de merde et merde
en pile et parx et preud et prout et trouc (ter) et bol et tarte et Juvia Cristella et Jack-des-Rideaux et oui et non et
Barthes? ah oui! et Barthes? : ouais ouais! et Barthes? : bof bof! Normal-Sup-Mao? : no! Barthes : oui! The Anti-
œdipe-duo? : no! Barthes : oui! The Big-post-68-antimarx-pro-deo-jase-band? : no! Barthes oui! The Foudre-
groopies? : no! Barthes : oui! The New-philo-wave? : no! Barthes : oui! The Faf Attractions? : no! Barthes : oui!
The Sons of Tel Quel and University? : no! Barthes : oui! — et la suite on la saura bientôt ........ Toto

ex-fan des seventies voix : vanda benes et christian prigent


(1) tous parus
chez pol.
(2) texte ci-
dessus et voir sur
politis.fr la vidéo
d’ex-fan des
seventies,
lu en public par
vanda benes et
christian prigent
(Maison de la
poésie, 7 avril
2018). ››› p. 28
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