Politis N°1558 Du 20 au 26 Juin 2019

(Nancy Kaufman) #1
restriction de l’accès au chômage
Pour ouvrir des droits au chômage, il faudra
avoir cotisé six mois en deux ans, contre
quatre mois en vingt-huit mois aujourd’hui.
Selon les chiffrages, ce sont entre 250 000 et
300 000 chômeurs, parmi les plus pauvres,
qui perdront leur droit au chômage à compter
du 1er novembre 2019. Non indemnisés, ces
chômeurs pourraient être découragés de s’ins-
crire à Pôle emploi, ce qui entraînerait un effet
rapidement perceptible sur les chiffres du chô-
mage. Et le gouvernement table sur 2,85 mil-
liards d’euros d’économie en trois ans grâce à
cette mesure. Il s’agit d’un retour à un mode
de calcul en vigueur avant 2008, qui avait été
revu pour faciliter l’accès des plus jeunes et des
plus pauvres à l’assurance-chômage.

baisse des allocations pour les chômeurs
qui travaillent
Le calcul des indemnités chômage ne prendrait
plus en compte le salaire perçu en moyenne par
jour travaillé (comme c’est le cas aujourd’hui,
comme en Espagne, au Portugal ou en Alle-
magne), mais le salaire perçu
rapporté à toute la période,
jours chômés compris. L’effet
mécanique de cette réforme du
mode de calcul, qui sera effec-
tive le 1er avril 2020, devrait
être particulièrement corsé
pour les 830 000 personnes qui
cumulent allocation et salaire.
Aujourd’hui, seulement 41 %
des inscrits à Pôle emploi per-
çoivent une allocation et la
moitié des 2,6 millions d’alloca-
taires indemnisés touchent moins de 860 euros
mensuels. Entre 600 000 et 700 000 chômeurs
qui alternent des petits boulots et une alloca-
tion verront leurs indemnités baisser après la
réforme, estime le gouvernement.

bonus-malus sur les contrats courts
Dans les 7 secteurs qui envoient le plus de tra-
vailleurs précaires vers Pôle emploi (restaura-
tion et agroalimentaire notamment), les entre-
prises devront cotiser plus si elles dépassent
la moyenne de CDD et bénéficieront d’un
« bonus » si elles sont au-dessous. Cette mesure
s’attaque au nœud du problème de précarisa-
tion de l’emploi : 87 % des embauches sont
en CDD (84 % des emplois en cours restent
des CDI), dont 50 % inférieurs à une semaine

Régime de choc


et recul des droits


La réforme de l’assurance-chômage impose des économies


considérables sur les allocations des plus précaires et quelques


mesures symboliques pour les entreprises et les hauts revenus.


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(2) 400 000 salariés
sont concernés par
cette situation de
« permittence », à la
limite de la légalité.
(3) Chiffres 2016, hors
intermittents, Unédic.
(4) 2,7 milliards contre
8,9.
(5) 550 millions
d’euros d’économie en
révisant les règles du
cumul.

830 euros par mois de leur travail et perçoivent
un complément moyen de 490 euros de Pôle
emploi. Tout compte fait, ils sont deux tiers à
vivre avec un revenu inférieur au smic.
Ces précaires ne roulent donc pas sur l’or,
mais ils sont de plus en plus nombreux. En
vingt ans, le nombre de CDD d’un mois et
moins a été multiplié par 2,5. Sans compter
les entreprises qui parasitent totalement ce
système, dans la restauration, l’hébergement
médico-social, les instituts de sondage ou
l’audiovisuel, qui, en imposant à leur main-
d’œuvre des CDD à répétition, font reposer sur
Pôle emploi les périodes « inter mission » (2).
Pour le gouvernement, cela pose un pro-
blème comptable. Les 830 000 précaires qui
ont besoin de Pôle emploi pour joindre les
deux bouts (3) représentent 5,9 milliards d’eu-
ros d’allocations versées. Quant à la somme
des CDD, ils contribuent trois fois moins au
pot commun qu’ils ne perçoivent (4). D’où
l’idée, pas tout à fait neuve, de ponctionner
dans le droit des précaires. Les partenaires
sociaux l’avaient entrepris en 2017 (5).
Sauf que pour être tout à fait complets, les
calculs devraient intégrer les effets induits par
une réduction des droits. D’une part, le cumul
emploi-chômage permet à l’Unédic d’écono-
miser 5,3 milliards d’euros d’allocations, non
versées à des chômeurs qui y ont droit, car
ces derniers reprennent une activité. D’autre
part, durcir les conditions d’indemnisation des
plus précaires les précipiterait vers le RSA...
Qu’il faudra financer par l’impôt.
Sans avoir l’air d’y toucher, cette réforme
constitue aussi et surtout une reprise en main
de l’assurance-chômage. En deux ans, le gou-
vernement a réussi à s’arroger le financement
du chômage (baisse des cotisations compensée
par la hausse de la CSG), corseter les syndicats
dans leurs fonctions de cogestion, semer leur
chemin d’embûches dans les négociations,
instrumentaliser leur division, pour

et 30 % à une journée. Mais elle devrait se
révéler indolore pour les employeurs, car la
variation de cotisation ne dépassera pas 1 point.
Pour une cotisation équivalente à 4,05 % de
la masse salariale aujourd’hui, le bonus pour
les entreprises vertueuses fera baisser ce taux
à 3 % et le malus l’augmentera à 5 % pour les
mauvais élèves. Les entreprises de moins de
11 salariés et les secteurs du BTP et de l’audio-
visuel sont exclus du dispositif. Et la mesure ne
prend pas en compte les contrats supérieurs à un
mois. Cette promesse de campagne d’Emma-
nuel Macron, chiffon rouge pour la droite et
le patronat, a donc finalement été accueillie
comme une « bonne nouvelle » par Geoffroy
Roux de Bézieux, le patron du Medef, soulagé
que la mesure reste circonscrite.

une microtaxe sur les cdd d’usage
Pour lutter contre le recours aux CDD d’usage
(CDDU), contrat courts sans fin prédétermi-
née ni prime de précarité, le gouvernement
compte sur une taxe à chaque signature de
contrat à hauteur de... 10 euros. Ironie du
sort, le gouvernement vient de
généraliser le CDDU à la fonc-
tion publique (contrat de chan-
tier). Dans le privé, 1,2 million
de salariés sont en CDDU, pour
126 000 emplois en équivalent
temps plein.

dégressivité
pour les hauts revenus
L’allocation perdra un tiers de sa
valeur après six mois d’indem-
nisation pour les chômeurs qui
touchent plus de 4 500 euros (excepté les séniors
de plus de 57 ans). Une mesure avant tout sym-
bolique, puisqu’elle touche une part infime des
allocataires, qui a déjà été mise en œuvre entre
1986 et 2001, sans montrer d’efficacité sur les
chiffres du chômage.

des moyens pour pôle emploi
Le gouvernement n’a pas été avare de com-
munication sur « l’amélioration de l’accom-
pagnement des demandeurs d’emploi ». En
définitive, il compte allouer 350 millions d’eu-
ros au fonctionnement de Pôle emploi, sur les
3,7 milliards d’euros d’économies dégagées par
cette réforme. L’institution a perdu ces dernières
années des agents et a dû multiplier par 5 les
effectifs dédiés au contrôle. z E. M.

quel est le montant
de l’indemnisation?

Les allocataires indemnisés qui
n’ont pas travaillé au cours du mois
touchent en moyenne 1 020 € net.

50%


des allocataires
touchent

moins de


860€


net par mois


3,


milliards d’euros
d’économie sur
trois ans, c’est
l’objectif du
gouvernement.

Politis 1558

20/06/

l'évéNEMENT

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