Nat Images N°57 – Août-Septembre 2019

(やまだぃちぅ) #1

Les chasseurs des hauts plateaux | Adrien Lesaffre


par l’ambiance qui y règne. Les
lumières changeantes offrent une
atmosphère feutrée. Au fil de nos
déambulations sur ces immenses
pelouses, sous l’œil inquisiteur des
aigles et des faucons, notre loup
passe comme un mirage. Dense pe-
lage roux écharpé de blanc, grandes
oreilles, museau long et fin... on croi-
rait voir un renard géant. Il passe à
bonne distance, occupé par sa quête
de proies. Notre présence n’a pas
l’air de le déranger. Probablement
parce qu’ici l’homme cohabite de-
puis longtemps avec l’animal. On
trouve quelques petites fermes iso-
lées au cœur même de son biotope.


Profitant de ce moment, je m’al-
longe lentement sur la végétation
rase. Ce que je vois dans mon viseur
me réjouit. L’arrière-plan végétal
fournit un onctueux fond gris-vert qui
met bien en valeur la magnifique
robe rouge fauve de l’animal.
Quelques clichés, puis la silhouette
s’évanouit derrière le relief.


En attendant d’autres loups, nous
observons les aigles des steppes, les
faucons laniers, les buses d’augure.
Le ciel de Balé est constellé de ra-
paces. Il faut dire qu’ici on dénombre
pas moins de seize espèces diffé-
rentes de rongeurs, dont le fameux
et néanmoins étrange rat-taupe
géant (Tachyoryctes macrocephalus),
mets favori de notre loup. Il a l’em-
barras du choix : on trouve au moins
6000 de ces rongeurs au kilomètre
carré! Cette importante biomasse
est un atout pour nos observations.
Quand nous apercevons un loup tapi
à ras de terre, la queue basse,
oreilles tournées probablement vers
sa cible, nous nous installons tran-
quillement à bonne distance. Il suffit
de se positionner derrière lui contre


le vent pour ne pas gêner sa chasse.
Il ne prête nullement attention à notre
présence.
Sur le chemin du retour nous sur-
prenons un dernier loup faisant un
somme derrière un buisson rabougri
et déplumé. Il se relève sur ces anté-
rieurs, nous regarde un court instant
avant de prendre lui aussi le chemin
du retour. Un ciel d’orage dessine
une énième variation climatique. La
lumière passe entre deux nuages. Le
soleil glisse derrière les dentelles de
falaises grises et tachées d’ocre, la
lumière s’éteint peu à peu, suivie
d’une brise fraîche. Il est temps de
rejoindre notre campement.
Nos tentes plantées au milieu de
lobélies dressées telles des gar-
diennes immobiles, sont toujours là.
Nous dînons tout en nous remémo-
rant ces instants évanescents en
compagnie du loup. Pendant notre
sommeil, une pluie glaciale s’abat
sur le nylon de nos tentes. Un “ploc
ploc” incessant. Impossible de dor-
mir. Je pense alors aux photos que je
souhaite faire (un loup fantomatique
dans une brume d’altitude, retrans-
crire l’ambiance argentée que don-
nent les immortelles, une atmo-
sphère aux tons pastel, etc.) jusqu’à
ce que Morphée me rattrape.

“Serval cat !”
Nous nous levons tôt ce matin
avec l’espoir d’observer la meute
avant son départ. Nous évoluons sur
un sol mouillé de la pluie d’hier. Les
alchémilles ont collecté entre leurs
petits poils duveteux des gouttes
d’eau. S’allonger à même le sol pour
nos prises de vues va être pénible.
Le temps de trouver le lieu de vie
de la meute, nous assistons aux
derniers aboiements d’un immuable

Rat-taupe géant
Ce rongeur au physique plutôt surprenant est le plat préféré des loups d’Abyssinie.
Canon EOS 5D Mark III, 400 mm f/2,8, à f/4, 1/1000 s, 3200 ISO

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