Nat Images N°57 – Août-Septembre 2019

(やまだぃちぅ) #1

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Les brûlis permettent, entre autres choses, d’éliminer les jeunes arbres – comme ceux qu’on voit ici au premier plan – afin d’éviter que la lande évolue en forêt.

Alors que tous les étés les gendarmes cou-
rent après les incendiaires dans le sud de
la France, dans le Poitou, tous les au-
tomnes, des gestionnaires subventionnés
par l'État mettent le feu dans une réserve
naturelle nationale... mais sous le
contrôle des pompiers et pour la bonne
cause : la biodiversité des landes!

Plateau situé entre les vallées du Clain et de
la Vienne, au nord de Poitiers et de la forêt
de Moulière, le Pinail, riche dans son sous-
sol d'un large banc de pierres meulières, est
devenu au moyen-âge une vaste carrière
dont la renommée s'est étendue au-delà de
nos frontières. La pierre se situant à faible

profondeur, l'extraction se faisait directe-
ment par la surface, meule après meule :
après un sondage, on creusait un trou
jusqu'à la dalle de meulière, on taillait puis
on sortait le ou les blocs. Les déblais étaient
entassés autour des trous et avec une
couche géologique imperméable en
dessous, les fosses se sont remplies d'eau.
C'est donc cette exploitation qui a donné
naissance à ce vaste “champ” de près de
6000 mares. Mais avant de pouvoir creuser,
il a fallu défricher et ensuite entretenir le
site. Il y a eu la coupe manuelle, le pacage
du bétail mais le feu s'est vite avéré un allié
précieux : il permettait l'élimination de la
végétation ligneuse rapidement et plus
facilement qu'en essartant, et il
favorisait la repousse des grami-
nées favorables au gibier et aux
troupeaux qu'on y faisait paître.
Il a donc été utilisé sans contrôle
sur le Pinail pendant des siècles.

Ce que peut le feu
Au niveau de la nature, le feu a eu
trois effets intéressants...


  • L'“exportation” de la matière
    organique par la combustion n'a
    pas permis au sol de s'enrichir.
    Or, l'oligotrophie naturelle du site


liée à un apport hydrique limité à la pluie, à
un sol acide, pauvre et déstructuré par l'ex-
ploitation de la carrière, fait la particularité
(et la richesse) des lieux avec son cortège
fongique, floristique et faunique adapté.


  • Il a évité l'embroussaillement et donc la
    perte de biodiversité liée à la fermeture des
    milieux. Sans lui, le pipit farlouse (Anthus
    pratensis), des orchidées comme la rare spi-
    ranthe d'été (Spiranthes aestivalis) et aussi
    de nombreux insectes ne seraient plus là!

  • Enfin, il a favorisé un cortège floristique et
    fongique spécialisé et adapté à son passage :
    la scorsonère humble (Scorzonera humilis)
    ou l'ajonc nain (Ulex minor) dont la germi-
    nation des graines est favorisée par la cha-
    leur d'un incendie, ou encore la daldinie des
    ajoncs (Daldinia caldariorum) qui ne pousse
    que sur bois brûlé d'ajonc!


Une longue histoire
L'activité meulière s'est arrêtée progressive-
ment à la fin du XIXesiècle. Au XXesiècle,
après “quelques” remous judiciaires, l'ONF a
repris l'exploitation du Pinail en comblant
les mares au bulldozer et en replantant des
résineux. Grâce aux naturalistes locaux, une
parcelle a été épargnée et classée en Ré-
serve naturelle nationale le 30 janvier 1980.
Avec la création d'une association gestion-

Nat’Images


Opération brûlis... dirigé


Un automne comme les autres au Pinail

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