Nat Images N°57 – Août-Septembre 2019

(やまだぃちぅ) #1

Nat’Images


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dans leurs milieux afin de sensibiliser
les publics à travers mes différentes
interventions : conférences, exposi-
tions et publications. Avec la pra-
tique, mon regard s’est affiné et j’ai
expérimenté différentes techniques.
J’ai ouvert mon champ d’investiga-
tions en travaillant aussi sur les
ambiances rencontrées.
J’ai réalisé ma première plongée
avec mon reflex D7000 dans une
résurgence alimentant la rivière
Gervanne, un affluent de la Drôme.
Eau glaciale, beaucoup de limons
accumulés au fond du lit et une
ripisylve abondante : les conditions
n’étaient pas optimales. Mais une
fois immergé, j’ai été transporté par
le patchwork des nuances de verts.
La lumière filtrée à travers les arbres
et le bleu “à l’horizon” complétaient
cette ambiance bucolique. Je suis
ressorti ravi, mais il y avait un hic :
j’avais oublié de faire des photos!
J’ai donc dû replonger. Ce type de
mésaventure ne m’arrive heu-
reusement plus aujourd’hui,
mais c’est dire à quel point un
paysage immergé peut être
envoûtant.

Ambiances végétales
Les plantes aquatiques
photographiées ici offrent
différents services écologiques.
Elles oxygènent l’eau grâce à la
photosynthèse. Elles l’épurent
également en consommant
certains composés polluants
dissous. Elles servent de res-
sources alimentaires à la faune
aquatique, offrent des caches
aux poissons et se révèlent
d’excellents supports de ponte.
Ces végétaux ne s’installent
pas au hasard mais en fonction
de certains facteurs : la profon-
deur de l’eau, le courant, la lu-
minosité, la nature du substrat
et la composition physico-chi-
mique de l’eau.
Par exemple, les potamots
(du grec potamos, le fleuve),
sont des plantes aquatiques
hydrophytes. On en compte environ
90 espèces. Pour les photographier,
j’ai utilisé une technique commune
en prise de vue terrestre mais malai-
sée à mettre en œuvre dans les eaux
vives : la pose longue, soit une vi-
tesse d’obturation de quelques se-
condes pour obtenir un effet de
“filé”. J’ai conçu un trépied de
18 kilos permettant de stabiliser
suffisamment mon caisson afin qu’il
résiste aux vibrations du courant.
Et c’est ainsi que j’ai pu retranscrire
la danse hypnotique de ces plantes.

Drôles de rencontres
Intéressons-nous à présent à
quelques animaux peuplant nos
milieux aquatiques. Le brochet, par
exemple, cumule les records : il est
le poisson le plus rapide des eaux
douces, dépassant les 30 km/h lors
de ses fulgurantes attaques. Il peut
atteindre 1,3 m de longueur et pos-
sède 700 dents. Au sommet de la
chaîne alimentaire aquatique, il a un
rôle écologique primordial en tant
que régulateur biologique des autres
populations piscicoles.
Le triton crêté est bien plus rare
dans la région où j’opère.
En pratique, on ne le trouve que
dans une petite mare gardoise. En
février, quand débute la période de
reproduction, les eaux très froides
sont idéales pour la photographie car
suffisamment claires. Elles auront
tendance à se troubler avec le
réchauffement de l’eau et le dévelop-

rencontre parfois un de ces nageurs
téméraires. Instant suspendu, hors
du temps, où le photographe et le
triton, aussi surpris l’un que l’autre,
se retrouvent en pleine eau, “masque
à museau”.
Le fond des rivières est également
peuplé d’invertébrés aquatiques qui
forment le premier maillon de la
chaîne alimentaire. De par leurs
exigences écologiques, ce sont des
indicateurs biologiques de la qualité
des eaux. Ils sont la mémoire vivante
de la rivière.

Un matériel très spécifique
Pour photographier des petits su-
jets comme une larve de plécoptère
(voir page précédente), je travaille
avec un objectif macro Nikon (60 ou
40 mm) que je monte sur un reflex à
capteur APS-C (D7000). Comme je
cherche à photographier tant l’animal
que le milieu caractéristique dans
lequelil évolue, cette focale est
idéale, notamment en lumière
naturelle.
Le tout loge dans un cais-
son étanche de la marque
Hugyfot, un fabricant belge.
Il s’agit d’une des rares entre-
prises spécialisées dans le
matériel de prise de vue sub-
aquatique en Europe. J’ai le
plaisir, depuis le début de l’an-
née, d’en être l’ambassadeur
pour la France. Mon caisson
m’accompagne depuis huit
ans et j’en suis particulière-
ment satisfait.
Pour la réalisation de mes
films de présentation de
rivières, j’utilise également un
caisson Hugyfot adapté à ma
GoPro Hero6 Black. L’intérêt
est de pouvoir filmer en macro
grâce à une lentille amovible
mais surtout de bénéficier
d’une vision extra-large sur
l’écranarrière.Celapermetun
cadrageoptimal.Mesvidéos
sontréaliséesenpartenariat
avecmonamiRobertLuquès,
réalisateuranimalierquia ob-
tenule prixdel’environnementpour
sonfilmdocumentaireLaRivièrelors
dudernierFestivaldel’Oiseauetde
la Nature(baiedeSomme).Notre
travailpeutêtrevisionnésurmon
site :www.image-riviere.com
YannickGouguenheim

pement du plancton et des algues.
Comme tous les amphibiens, le triton
mène une “double vie” (amphibiosen
grec) : il est aquatique durant la
phase larvaire et la saison de repro-
duction, le reste du temps il vit en
milieu terrestre. Ce prédateur d’une
douzaine de centimètres chasse les
invertébrés ou dévore les œufs des
autres amphibiens. Sa magnifique
peau noire le dissimule dans son
environnement. Son ventre est som-
bre et constellé de taches jaunes.
En prospection dans la mare, on

Yannick Gouguenheim en situation
© J o n a t h a n L h o i r

Une fleur pour la demoiselle
Caloptéryx sur une fleur de nénuphar
jaune dans la rivière le Lez (Hérault).
Nikon D7000, 10-17 mm, à 11,5 mm, f/4,5,
1/320 s, 250 ISO, caisson Hugyfot
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